La fin du monde

Avec vingt jours d’avance sur leurs homonymes d’Amérique centrale, les supporters déguisés en Maya l’Abeille ont vécu leur propre apocalypse samedi. Si le Borussia Dortmund n’a pas concédé la moindre défaite dans la semaine, il a en revanche probablement perdu le titre de champion d’Allemagne qu’il détenait depuis deux ans au profit du Bayern Munich.

Etre supporter d’une équipe de football, cela implique de passer par toutes sortes d’états d’âme extrêmement variés. Avec le Borussia Dortmund ces dernières saisons, la tendance était plutôt à la joie et l’euphorie mais, cette semaine, on a à nouveau goûté l’amertume de l’échec que l’on avait eu un peu tendance à oublier. A titre personnel, j’avais un objectif cette saison : après avoir assisté à 16 des 17 matchs de Bundesliga au Westfalenstadion lors des deux saisons passées, je voulais réussir le 17/17 cette année. Mardi dernier, il y avait un match contre Düsseldorf qui ne m’arrangeait pas trop professionnellement mais j’avais réussi à trouver un vol qui me permettait de caser un déplacement éclair dans la Ruhr entre deux rendez-vous. Las, en arrivant à l’aéroport, le vol est annulé et le suivant part trop tard pour arriver à l’heure pour le match. Et voilà comment je vais à nouveau rater le Grand Chelem du BVB à domicile pour un seul match. J’essaie de me consoler en me disant que, lors des deux saisons passées, le match que j’avais raté s’était conclu par une victoire fleuve du BVB (5-0 Kaiserslautern en 2011 et 5-1 Wolfsburg en 2012), je pensais donc que mon sacrifice forcé allait au moins porter chance à mon équipe. Mais voilà que, devant ma télé, j’assiste consterné au match nul du Borussia contre le modeste Düsseldorf, un résultat logique au vu de la physionomie de la rencontre, beaucoup moins en regardant la valeur respective des deux contingents. C’était difficile de plus mal commencer une semaine décisive, car ce nul, couplé à la victoire du Bayern Munich offerte par l’arbitre à Freiburg, reléguait Dortmund à onze longueurs du Rekordmeister. De telle sorte que le BVB ne se déplaçait plus à l’Allianz Arena pour relancer le championnat mais plutôt pour tenter de rattraper les deux points bêtement perdus contre le Fortuna. C’était un poil moins exaltant.  

Ohne Stimme keine Stimmung

Retransmis dans 203 pays (nouveau record), ce Giganten-Gipfel débute dans le silence le plus total en raison de l’action «Ohne Stimme keine Stimmung», laquelle consiste, durant trois journées de Bundesliga dans toute l’Allemagne, à faire la grève des chants et encouragements durant les 12 première minutes et 12 secondes de chaque match. 12:12, comme 12 décembre 2012, date d’une réunion capitale au sommet du foot allemand qui doit durcir les conditions de sécurité dans les stades. Cette action mérite d’être soutenue : c’est tellement triste un match en Espagne, les stades anglais sont devenus tellement aseptisés qu’il faut vraiment que les fans allemands se battent pour conserver leur conception festive et populaire du football et ne pas réduire celui-ci à un spectacle élitiste réservé à des touristes fortunés.
Cette action de boycott serait toutefois encore plus efficace si certains groupes ultras s’achetaient un cerveau et s’abstenaient des nombreux débordements constatés ces dernières semaines qui vont apporter de l’eau au moulin des politiciens et policiers qui réclament un durcissement drastique des mesures sécuritaires. Il y a encore trois ans, les Allemands se félicitaient d’avoir jugulé la violence dans les stades et il était même question de légaliser – sous contrôle – l’usage des engins pyrotechniques. Si aujourd’hui ce débat est clos et qu’une interdiction des places debout est évoquée, c’est bien qu’il y a eu une recrudescence massive des incidents et que, si certains fans n’arrivent pas à se responsabiliser un minimum, les stades avec des places assises uniquement, à 60 euros minimum, qui excluront de facto de nombreux supporters pourraient devenir une réalité tangible. A ce moment-là, ce sera trop tard pour jouer les martyrs.
Ce n’est pas moi qui l’ai dit mais un ami fan du Bayern : ce n’est pas à l’Allianz Arena (annoncée à guichets fermés pour la 199e fois consécutive en Bundesliga) que l’action «Ohne Stimme keine Stimmung» est la plus spectaculaire car on n’a pas entendu beaucoup plus de bruit de la part des fans bavarois après la fin des 12 minutes 12 de grève qu’avant.

La partie d’échec

Il faut dire que la 1ère mi-temps n’a pas de quoi enflammer les foules. Les deux équipes se craignent et se respectent mutuellement. Accessoirement, si la Bundesliga a pris une dimension supplémentaire, on le voit avec les résultats européens, c’est aussi parce que les équipes font preuve de davantage de rigueur et de discipline que par le passé. C’est loin d’être inintéressant, il y a du rythme, de l’intensité, de la qualité technique mais cela manque de prises de risques et d’occasions de but, une vraie partie d’échec entre Jupp Heynckes et Jürgen Klopp. La meilleure occasion provient d’un dégagement raté de Manuel Neuer dont Marco Reus ne parvient pas à profiter ; mais, à part ça et une frappe de Reus bloquée par Neuer, pas grand-chose à signaler avant la pause. 

Götze réponse à Kroos

Le match va se débrider en 2e mi-temps. Neuer sauve devant Hummels et Götze, Weidenfeller devant Mandzukic. L’ouverture du score va survenir sur un exploit personnel de Tony Kroos qui embarque Subotic et Hummels avant de marquer d’un tir croisé dans le petit filet. De la belle ouvrage pour un joueur qui est vraiment en train de s’imposer comme le maître à jouer et leader offensif de cette armada bavaroise. A ce moment-là, je ne te cacherai pas que l’on était consterné, limite résigné, dans notre Gästeblock. Mais le BVB peut compter sur ce que Franz Beckenbauer avait désigné comme « le meilleur duo du monde » dans le Bild du jour : Marco Reus et Mario Götze. Le transfuge de Gladbach tire un corner, Kroos dévie malencontreusement et Götzinho, oublié au deuxième poteau, a tout loisir d’ajuster Neuer d’un tir croisé pour l’égalisation. Et on se rend compte que c’est toujours aussi savoureux de fêter un but du BVB à l’Allianz Arena.  

Weidenfeller en héros

La fin de match sera totalement à l’avantage du Bayern, manifestement moins déstabilisé par la sortie sur blessure de Badstuber que ne l’a été Dortmund par celle de Subotic. Il y a d’abord un tir trop croisé de Thomas Müller mais surtout trois parades de grande classe de Roman Weidenfeller devant Kroos, Müller et Martinez. Là, Weidi s’est largement racheté de l’égalisation de Reisinger contre Düsseldorf où il avait un peu oublié de sortir sur un centre anodin. Au final, ce résultat nul a de quoi satisfaire et mécontenter les deux équipes. D’un côté, le Bayern, vexé par les cinq défaites concédées contre le BVB lors des deux saisons passées, rêvait d’une revanche dans un match plus significatif que la Supercup remportée en août contre les Borussen pour concrétiser son retour au sommet du foot allemand, c’est raté. Mais d’un autre côté, en conservant ses onze points d’avance au classement sur son adversaire du jour, le Rekordmeister fait un pas de géant vers le titre. Dortmund lui prend un bon point à Munich après avoir été mené au score, surtout vu les occasions bavaroises en fin de match. Toutefois, arithmétiquement, avec onze points de retard et plus qu’une seule confrontation directe à jouer contre le Bayern, le BVB a perdu toute chance de conserver son Meisterschale au cours de cette maudite fin du mois de novembre. La seule consolation, c’est que, si vraiment la fin du monde intervient le 21 décembre prochain, contrairement au Bayern Munich, on n’aura au moins pas le regret de laisser échapper un titre qui nous tendait les bras. 

FC Bayern Munich – Borussia Dortmund 1-1 (0-0)

Allianz Arena, 71’000 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Gagelmann.
Buts : 67e Kroos (1-0), 74e Götze (1-1).
Bayern : Neuer; Lahm, Dante, Badstuber (37e Boateng), Alaba; Martinez, Schweinsteiger; Müller, Kroos, Ribéry; Mandzukic (86e Gomez).
Dortmund : Weidenfeller; Piszczek, Hummels, Subotic (81e Santana), Schmelzer; Bender, Gündogan; Blaszczykowski (73e Perisic), Götze (90e Schieber), Reus; Lewandowski.
Carton jaune : aucun.
Notes : Bayern sans Can, Luiz Gustavo ni Robben (blessés), Dortmund sans Owomoyela, Kehl ni Löwe (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

2 Commentaires

  1. Mais quel ennui ce match au sommet de Bundesliga ! Tout était basé sur l’affrontement physique. Pas de beau jeu, pas d’actions, pas d’ambiance, fade, vraiment fade !

    Juste après ce triste match de bas niveau, j’ai eu la chance de voir le fantastique Barça-Bilbao, avec des beaux buts, des belles actions, des beaux gestes techniques, de la créativité, c’était spectaculaire ! Tout le contraire que le duel allemand…
    Mouquin, si tu veux voir du beau football, vas au Nou Camp voir les maîtres : Messi, Iniesta, Xavi, Fabregas, etc…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.