Promotion ou cadeau empoisonné ?

Nous sommes le 14 mars 2000 à La Chaux-de-Fonds dans l’antre mythique des Mélèzes. Profitant de la décision des clubs de Ligue Nationale d’augmenter le nombre d’équipes en LNA de 10 à 12, les demi- finales représentent déjà les matchs décisifs pour désigner les deux équipes qui rejoindront l’élite du hockey suisse. Coire, premier du championnat, a déjà fait le nécessaire en quatre matchs face à Bienne, cinquième.

Tous les intérimaires du hockey sont là. Ils sont 6800 à se presser dans la patinoire pour assister au 5e match d’une série qui aura vu le Genève-Servette de Paul-André Cadieux se faire remonter au score, après avoir gagné les 2 premiers matchs d’une série en 5. En quart de finale, le HCC avait éliminé Olten (7e) en 4 matchs et Genève en avait fait de même avec le LHC (6e). La série est serrée entre les 2 équipes classées respectivement 2e et 3e de la saison régulière et séparées par 2 petits points. Les Genevois avaient commencé par surprendre le HCC lors du 1er match en s’imposant 2-1 aux Mélèzes, puis 3-2 après prolongation aux Vernets. Le HCC avait infligé une casquette 5-0 devant les caméras de la TSR, avant d’aller égaliser plus difficilement 2-1 sur la patinoire du bout du lac.

Les supporters genevois y croient-ils seulement, eux qui ne sont qu’une petite centaine à avoir fait le déplacement ? Une aubaine pour les supporters chaux-de-fonniers qui peuvent desserrer un peu les rangs en s’engouffrant dans le secteur réservé habituellement aux visiteurs. J’en fais partie… Le match est nerveux, les spectateurs aussi, et l’ambiance s’en ressent; le fan’s club est complètement noyé dans la masse. Seul un Genevois, affublé d’un mégaphone, essaie d’entraîner avec lui ses comparses. Peine perdue tant l’ambiance est lourde. Les joueurs le ressentent et le jeu peine à décoller. Surtout ne pas prendre de but, le résultat est d’ailleurs toujours vierge après 40 minutes. Durant les pauses, pas question d’aller à la buvette se chercher le déjà très fameux thé-rhum. De toute façon, qui va à la chasse perd sa place.
C’est Scott Beattie, actuel coach d’Olten, qui se charge de plomber un peu plus l’atmosphère en ouvrant le score. Il semble que l’horloge accélère soudain la cadence. C’est Ruedi Nideröst, le solide défenseur chaux-de-fonnier qui se charge d’égaliser et d’envoyer les 2 équipes en prolongation. C’est durant la 5e minute que Valeri Chiriaev va lancer Steve Aebersold dans la profondeur. D’un coup de rein, le Canado-Suisse prend la défense de vitesse et trompe David Bochy entre les jambières.
Je me souviens d’avoir sauté et sauté comme un gamin. Qui jouait au HCC à ce moment-là ? J’avoue que je ne m’en souviens plus trop. Mis à part ceux cités plus haut, Catella et Berger aux goals, Nakaoka, Pochon (déjà), Riva, Pouget, Lüthi, Maurer, Ançay, Hagmann, Vacheron (déjà), Maillat, Reymond, Imperatori. Et Jaroslav Jagr comme entraîneur, lui qui n’avait pas besoin de théories foireuses avant les matchs: «Ce soir les gars, on joue un match… débrouillez-vous pour le gagner.» Ou qui avait imposé à chacun de ses blocs de s’inventer des sorties de zone, de sorte qu’il était difficile pour l’adversaire de contrer le HCC.
Ce dont je me souviens surtout, c’est la noce d’après-match. La finale ? Tout le monde s’en foutait, on était en ligue A et c’était l’essentiel. Le HCC l’avait perdue en 5 matchs avec une mémorable claque 13-2 à Coire. Christian Pouget avait été chargé d’apporter le dessert à ses coéquipiers. Il avait fait un cake, mais les ingrédients étaient mauvais, car il semble que les joueurs voyaient 2 pucks et des cannes molles. Ça, c’est pour l’anecdote, il y a prescription maintenant.

L’aventure en LNA allait toutefois tourner court et le LHC allait prendre la place du HCC une année plus tard, après une saison misérable de 12 points en championnat régulier. L’addition allait être salée et les dirigeants de la SA allaient devoir essuyer les plâtres d’une gestion financière calamiteuse et les contrats mirobolants offerts par un directeur technique et agent à ses propres poulains. Je tairai son nom, car on le fête bientôt…..
Sur les 6800 personnes de ce fameux 14 mars, il n’en restera d’ailleurs pas beaucoup pour assister à cette débâcle. Mais même si la LNA peut être un cadeau empoisonné, il vaut toujours la peine d’y goûter, comme un cake à la Pouget… Je vous souhaite à tous un Joyeux Noël (mais purée, j’avais dit pas de nom…).

Écrit par Jean Dreier