Un pied dans la tombe

La course au Pigeon d’Or s’est apparentée à un 400 mètres plat couru par le vainqueur de l’édition du mois de février : un départ lent, suivi d’une mise an action progressive mais toujours plus efficace afin de fondre sur Emmanuel Favre avant de larguer définitivement ce dernier dans la dernière ligne droite. La couleur reste la même à la différence que c’est un volatile qui vient récompenser Oscar Pistorius au terme de la course.

Certaines voix se sont élevées contre cette nomination car on ne touchait plus au domaine strictement sportif. Rien de plus faux : à l’époque, Tiger Woods avait brillamment figuré sur la liste des pigeondorisés possibles lorsque sa grappe de naïades avaient soudainement fait surface. Sur tous les tableaux, il était toujours question de différents 18 trous plus ou moins faciles à apprivoiser, compilant chacun près de 5’000 verges. La situation est pareille pour «blade gunner» qui, toujours à l’affût d’un nouveau défi sportif et médiatique, s’est essayé au tir au pistolet en rafale à courte distance après avoir testé ses aptitudes au cricket, le Sud-Africain faisant d’une pierre deux coups.A quelque part, le Sud-Africain mérite du respect. Alors que d’aucuns rêveraient de culbuter une telle bombe, il se contente, lui, de faire abstraction du cul en butant sa copine. Même si cela lui coûte momentanément sa carrière, peut-être qu’Oscar Pistorius saura se sortir de ce mauvais pas même s’il a encore la justice sur les talons et que sa mise à pied risque bien de se prolonger.
Dans son pays, l’athlète a toujours été perçu comme un modèle, un exemple, le gars dont l’abnégation et le travail suscitent l’admiration, une histoire à succès que chacun rêve un jour d’imiter. Avec la notoriété dont il joui(ssai)t et sa position d’ambassadeur du sport sous des airs de gendre modèle et équilibré, Oscar Pistorius a quand même bien merdé. Remarquez que dans ce cas précis, on ne quitte toujours pas le domaine du sport. Il est donc fortement conseillé que cette influence s’arrête à ce point précis, histoire de pas voir la proportion de blondes sculpturales descendre six pieds sous terre dans un pays où les perspectives d’avenir de beaucoup de personnes demeurent à l’image de leur couleur de peau.

Juger hâtivement Oscar Pistorius est facile, n’arrange rien, mais a le mérite de soulager ; après tout, ça peut arriver à tout le monde de se prendre les pieds dans le tapis. Ceci dit, le Sud-Africain mérite le volatile doré sur un autre aspect, celui-ci davantage lié à l’athlétisme afin de faire plaisir aux sceptiques. Sa lubie, devenue maladive, de concourir coûte que coûte dans la catégorie des valides pour prouver au monde entier, visibilité médiatique oblige, qu’il est capable de mettre une rouste aux meilleurs.
Hélas pour lui, ça n’a pas fonctionné comme il l’a souhaité et il a pris une méchante déconvenue aux Jeux Olympiques de Londres en terminant bon dernier de sa demi-finale du 400 mètres. «L’objectif est atteint» concéda-t-il du bout des lèvres mais personne n’était dupe et il l’avait bien mauvaise, lui qui espérait secrètement damer le pion aux bipèdes normalement constitués.
Et tant pis s’il utilise des prothèses lui procurant un avantage qui n’est plus à prouver en termes de biomécanique et de récupération. Si nous pouvons encore comprendre que de mettre systématiquement plusieurs années-lumière à la vue de tout le monde aux Paralympiques, ça va un moment, mais le précédent ainsi créé aurait pu s’avérer désastreux. Imaginez si d’aventure les prothésés venaient à faire sauter des records les uns après les autres avec la régularité d’un terroriste syrien ; on pourrait d’ores et déjà souhaiter bonne chance aux pontes de l’athlétisme pour légiférer au cas pas cas.
D’héroïque, l’instrumentalisation de son handicap est devenue pénible, excessive même. Jouant sur le fait que tout invalide est potentiellement intouchable aux yeux de la critique, l’athlète sud-africain a finalement poussé de bouchon un peu loin, craquant totalement dans un acte qui vaudra au pied nickelé des moments particulièrement difficiles. En attendant, Oscar Pistorius aura tout loisir de contempler son seul titre acquis après le drame, le

Pigeon d’Or de février

qu’il pourra poser fièrement sur sa cheminée, à côté de la photo de son ex-couple avec feu Reeva Steenkamp. L’homme qui tire plus vite que son ombre rejoint Didier Défago à la grande finale de fin d’année. Tandis qu’un est très rapide dans la descente de petite amie, l’autre est très lent dans la descente de montagne. Mais tous les deux sont des Pigeons d’Or en puissance.
Classement final :
1. Oscar Pistorius : 152 votes –33.9 %
2. Emmanuel Favre : 129 votes – 28.7 %
3. Carlo Janka : 60 votes – 13.4 %
4. Gerard Piqué : 47 votes – 10.5 %
5. Maurizio Zamparini : 35 votes – 7.8 %
6. Marcel Jenni : 26 votes – 5.8 %
Nombre de votes : 449

Écrit par Mathieu Nicolet (texte) et Robert Johanson (dessin)

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