Le SCB n’a pas raté son rendez-vous avec le Destin

L’inarrêtable SC Bern, soutenu par son public dans une ambiance indescriptible et emmené par son leader Martin Plüss, a remporté hier soir son 13ème titre de champion suisse en battant les valeureux Dragons par le score de 5 à 1. Tant chez les joueurs que pour nous les fans, la joie est d’autant plus immense qu’elle efface à jamais, 364 jours après, la cruelle désillusion de la finale 2012.

Martin et les portes du paradis

Dès l’ouverture du score à la 10ème minute, le «SCB Express» était lancé : plusieurs duels de gagnés, un tir de la ligne bleue de Jobin dévié par Martin Plüss, qui reprend ensuite lui-même son rebond d’une reprise de volée placée sous la latte et explosion extraordinaire de la patinoire comble. Quelle classe. Le capitaine bernois, à l’image de son équipe, était bien dans la «zone», une sorte d’état de grâce où tout nous réussit et où rien ne peut nous arrêter. «Teigneux, rugueux, magnifique, décisif, le gars a compris qu’il jouait une finale», comme l’avait si bine décrit Gil Montandon dans sa chronique après l’acte II. Quelques minutes plus tard, Bykov, probablement déjà diminué tout au long de ses finales, devra sortir définitivement sur blessure suite à une mise en échec de Roche, et Kwiatkowski, avec un tir dévié, touchait le montant des buts de Bührer. Décidément, rien ne pouvait arriver aux Bernois. Et le reste de la partie ne fut qu’une lente descente aux enfers pour Gottéron, comme en attestent au 2ème tiers le 2-0 de Roche et le 3-0 dans la lucarne d’Alain Berger. 
Martin le terrasseur de Dragons incarne à lui seul les clés qui ont permis à Berne de devenir champion : un combat féroce pour tous les pucks, le sacrifice pour l’équipe, un calme serein dans les moments difficiles, une grande discipline défensive, une confiance de tous les instants et la capacité d’élever son jeu aux moments cruciaux. Avec ses 10 buts marqués tous plus importants les uns que les autres, le vétéran de 36 ans aux cinq titres (4 en Suisse et 1 en Suède) est sans conteste le MVP de ces séries 2013, qui resteront vraisemblablement le point culminant de sa carrière.


Le Monsieur Plüss du SCB

Destin et mérite

Dans le sport, comme dans la vie, la relation entre deux notions apparemment contradictoires, la fatalité, d’une part, et la capacité de chacun d’influencer sa situation par ses actions, d’autre part, est souvent difficile à comprendre. Le parcours du SCB 2013 en est l’illustration.
Comme jamais avant, ce titre est celui du travail, de la sueur, de l’adversité, du mérite ; c’est le titre de toute une équipe, qui n’est pas la plus talentueuse ni la plus spectaculaire de ces dernières années ; non seulement les stars, mais aussi les autres joueurs se sont relayés pour briller à tour de rôle lors des nombreux moments difficiles, à l’image de Rubin (lors de son pénalty à Genève), Neueuschwander (son back-hand venu de nulle part à Zoug), Fürrer et son 4-3 décisif lors de l’acte II ou Loichat et ses buts lors de l’acte V, qui se révèle être le tournant décisif de la finale.
Mais comme jamais avant, ce titre est également celui de la chance et de la bonne fortune. Les joueurs de la capitale étaient menés 3 matchs à 1 en quart de finale, et devaient tuer en prolongations une supériorité numérique de 3, puis 2 minutes. Puis, Ritchie a marqué sur contre, sur une déviation favorable de la canne du défenseur genevois, c’était le premier signe. Puis lors de l’acte V, rebelote, déficit de 1-3 remonté au 3ème tiers grâce à Byron le Magnifique, le défenseur genevois Carle touche le poteau en prolongations et Berne gagne aux penalties. Les dieux du hockey, si fantasques et si imprévisibles, étaient donc avec le SCB cette année. A Berne, nous avions l’habitude de plusieurs années de domination et de déception pour enfin gagner un titre (depuis 1992, les écarts entre les titres ont été de 5 ans, 7 ans puis 6 ans). Cette année, pour la première fois sans doute depuis 1989, la consécration paraît tombée du ciel. 
En définitive, comme souvent en sport, ces Ours, miraculés en quart et en demi, étaient ainsi libérés et allaient être difficiles à battre en finale. Lors de l’acte V et VI, soit à l’heure du «show time», ils ont finalement nettement dominé un Gottéron en bout de course, qui avait déjà montré une certaine fébrilité en perdant des forces lors de sa série en 7 matchs contre le HC Bienne.
Personne ne contestera donc que les Ours ont pleinement mérité de brandir la coupe, hier soir à 22h36. Cette victoire sera particulièrement savourée par le coach Antti Törmänen et le gardien Marco Bührer. En effet, ces derniers avaient été durement critiqués lors de la défaite en finale l’année passée. La presse zurichoise n’avait pas hésité à ridiculiser le style participatif propre au coach finlandais (« l’Ecole Steiner du coaching ») et de le traiter de loser. Il est le premier entraîneur non nord-américain victorieux avec le club de la capitale, depuis l’ère des play-off.  


De loser à winner…

Valeureux Fribourgeois

Les courageux Dragons, décimés par les absences de Heins, Dubé et Bykov, se battirent admirablement jusqu’au bout, de manière désespérée, tentant de se révolter contre la page d’Histoire qui était en train d’être écrite devant eux.
De manière remarquable, le kop fribourgeois chantait déjà avant le retour sur glace après la deuxième pause et a continué son hymne «Go-tté-ron» durant toute la période. Chapeau. Cela m’a rappelé les fans de Liverpool, menés également 0-3 au début de la 2ème mi-temps de la finale de la Champions League 2005, qui avaient entamé un puissant «You’ll never walk alone» dans le stade d’Istanbul. Cependant, cette fois le miracle n’a pas eu pas lieu, et peu à peu, ces chants d’encouragement se transformaient en chants du cygne, l’impuissance des Fribourgeois devenant de plus en plus apparente au fil des dernières minutes, si longues pour les supporters bernois et si courtes pour les partisans fribourgeois. A noter que tant l’équipe de Gottéron que leurs fans ont été applaudis très sportivement par le public bernois, à l’issue de la rencontre.
Comme Berne l’année passée, une fois leur immense déception passée, le HCFG devra retirer les enseignements de cette finale. Je laisserai le soin à Hilde et aux autres spécialistes de faire cette analyse, mais il me semble que deux éléments essentiels leur ont fait cruellement défaut : la capacité d’élever le niveau de jeu lors des play-offs (à l’image de Martin Plüss, Ivo Ruethemann, ou Marco Bührer) et un défenseur étranger de grande classe comme Travis Roche, défenseur exceptionnel sans lequel Berne n’aurait pas été champion. C’est d’autant plus remarquable que ce dernier est blessé depuis des mois à un genou. Hier soir, le no 77 était partout, interceptant des passes, faisant les relances, bloquant des tirs, faisant des mises en échec et apportant le danger en créant le surnombre aux moments opportuns. C’est ce genre de joueur qu’il faut à Gottéron.
Fribourg est un haut lieu du hockey romand, une des grandes richesses du hockey suisse, marqué par un style de jeu souvent offensif et étincelant. Sa saison a été magnifique et l’aboutissement d’une constante progression (2011 : quarts de finale, 2012 : demi-finales, 2013 : finale). Pourquoi ne pas conquérir la saison prochaine ce titre tant convoité ? Comme Berne le sait trop bien, à force de travail et persévérance, on finit par provoquer la chance. Et toucher au Graal.


La détresse d’Alain Birbaum

Tout

Mais hier soir, c’était notre soir, notre fête, notre moment, à nous, les supporters du SCB (on ne parlait d’ailleurs que français autour de moi). Une immense tension. Les explosions de joie et les embrassades avec d’illustres inconnus lors des goals. Le refus d’y croire, par superstition, jusqu’aux 4ème et 5ème buts dans la cage vide. La délivrance. Un grand soulagement de savoir qu’on pourra à jamais repenser à toutes les péripéties de cette saison exceptionnelle avec plaisir et sérénité, compte tenu de l’issue. Des scènes de liesse et de communion, dans les gradins, puis sur la glace, avec mon fils, mes amis, les autres fans et les joueurs. Ces moments sont rares. Il faut en profiter.
Rentré à la maison après la belle fête, et revoyant le 2ème tiers sur la RTSI2 qui repassait le match dans son intégralité (ce n’est pas la RTS qui prendrait ce genre d’excellente initiative), je me suis dit que c’est lors du 2-0 de Roche que la boucle a été bouclée par rapport au sinistre but du ZSC à 2,5 secondes de la fin de la finale 2012. Même côté de la glace, occasion de but repoussée, un cafouillage devant le gardien, une rondelle qui ressort au centre du slot, un tir dans la mêlée par un droitier alors qu’un gardien et des joueurs sont couchés par terre, et un puck qui finit au fond du but, côté gauche, synonyme de titre de champion suisse. En 2012, c’est McCarthy qui donnait la victoire au ZSC ; en 2013, c’est Roche qui permet au SCB de faire un immense pas vers le sacre. Le public bernois l’avait peut-être inconsciemment compris, car c’est à ce moment que tout le monde s’est soudain levé pour chanter et applaudir à l’unisson, le moment le plus magique et électrique de la soirée. Tout ou rien. Cette fois c’était Tout.


Le fils d’Andy Tschander et Geoff Kinrade


Photos Andy Tschander et Pascal Muller, copyright
www.mediasports.ch

Berne – Fribourg Gottéron 5-1 (1-0 2-0 2-1)

PostFinance Arena, 17131 spectateurs (guichets fermés).
Arbitres : Reiber/Stricker; Arm/Küng.
Buts : 11e Martin Plüss (Bednar, Jobin) 1-0. 28e Roche (Scherwey, Alain Berger) 2-0. 33e Alain Berger (Gardner, Collenberg) 3-0. 59e Gamache (Jeannin) 3-1. 59e Gardner 4-1 (dans la cage vide). 60e Pascal Berger (Bednar) 5-1 (dans la cage vide).
Pénalités : 0 contre Berne; 1 x 2’contre Fribourg.
Berne : Bührer; Roche, Gerber; Collenberg, Furrer; Kinrade, Jobin; Randegger; Pascal Berger, Ritchie, Vermin; Bednar, Martin Plüss, Rüthemann; Rubin, Gardner, Loichat; Scherwey, Bertschy, Alain Berger; Neuenschwander.
Fribourg : Conz; Kwiatkowski, Abplanalp; Birbaum, Ngoy; Schilt, Loeffel; Knoepfli, Jeannin, Mauldin; Sprunger, Bykov, Benjamin Plüss; Gamache, Sushinsky, Hasani; Vauclair, Botter, Cadieux; Mottet
Notes : Berne sans Höhener (blessé), ainsi que Sykora, Campbell (surnuméraires); Fribourg Gottéron sans Gerber ni Heins (blessés) ni Dubé (malade), ainsi que Lauper, Merola, Brügger, ni Kast (surnuméraires). Temps mort: Fribourg Gottéron (29e). 20e Andrei Bykov sort sur blessure. Fribourg Gottéron sans gardien de 58’28’’ à 58’48’’ puis de 59’00 à 59’22’’.

Écrit par Andy Tschander

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10 Commentaires

  1. Merci Andy Tschander pour cet article, ce résumé parfait de ce dernier match entre les Ours de Berne et les dragons de Fribourg…

    Merci pour cette impartialité qui fait du bien !…

    Les Bernois resterons une véritable équipe de play-off qui sait se sublimer quand il le faut, qui a une niak absolument incroyable, même si le jeu est parfois dur et que certains « bernois » ont totalement manqués de respect vis-à-vis de leur adversaire, il est évident que sur l’ensemble des 6 matchs le CP Berne mérite son 13eme graal… Fribourg a été héroïque lors du 3eme match synonyme de notre première victoire et absolument phénoménal lors de l’égalisation… Mais voilà, avec 4 matchs où Berne a été supérieur, y a pas encore de miracle… Nous sommes bien entendu fier de nos gars qui ont donnés ce qu’ils pouvaient et qui ont poussés tant bien que mal… Nous restons champion de championnat dit régulier, même si la médaille ou la coupe pour cela est en chocolat… Malgré cette quasi « haine » entre nos deux clubs et les dérapages de certains autant dans le public que dans votre équipe, la plupart sont de vrais fans respectueux et la plupart de vos joueurs sont toujours aussi forts et décisifs, je pense particulièrement à Plüss ou encore Roche, Bednar, et Collenberg si décrié en début de saison et qui a prouvé sa valeur avec un hockey efficace sans coups bas… Bref…

    Merci encore Andy pour ton commentaire respectueux, c’est si rare en ce moment que cela mérite d’être souligné …

  2. Super article Andy. La saison prochaine on fera les présentations en règle même si on s’est côtoyé depuis quelques mois. Comme je te l’ai promis hier soir, j’ai lu ton article et je crois que je vais y prendre goût. Un article qui est pondu sans parti pris et qui relate une soirée magique comme cela, il mériterait de paraître dans la presse écrite. Cela nous changerait des c… que l’on peut y lire. Quand à ces malheureux joueurs fribourgeois, qu’elle a dû être longue cette soirée. Je pense que s’ils avaient pu abrèger leurs souffrances, ils seraient partis à la fin du deuxième tiers, tellement ils se trainaient sur la glace, orphelin de leurs centres si important au jeu qu’ils proposent d’habitude. Ca n’est que partie remise, ils reviendront plus forts et plus dangereux et ils le fêteront ce titre qui les boudent tant. En tant qu’ancien Xamaxien (comme toi Andy !!!) on sait de quoi on parle.
    Merci pour ce bel article et à la saison prochaine pour la conquête d’un 14 eme titre.

  3. Très bel hommage rendu de la part d’un fribourgeois. C’est comme cela que je conçois le sport même à ce niveau. Quand aux imbéciles qui nous cotoient, ignorons-les et donnons-leur le moins de crédit possible car ils ne le méritent pas. Continuez comme cela et vous le fêterez ce titre que vous attendez tant. L’attente le rendra encore plus délectable. Pourvu que vous n’attendiez pas trop longtemps. C’est votre tour.

  4. Merci Andy d’avoir si bien résumé le paradoxe de ce SCB: de loin pas un des grands Berne de l’histoire et pourtant, un des plus fascinants! Vu son bol, sa niaque, son abattage, son champ de mines défensif et ses guerriers incroyables, on aurait dit qu’il ne pouvait rien arriver à cette équipe-là. Applaudissements particuliers à Antti Törmänen, qui a la classe, et à Martin Plüss, fantastique chef de meute. Sans oublier Tristan Scherwey, le joueur que 11 entraîneurs de ligue A rêveraient d’avoir dans leur équipe…

  5. Rien à redire sur la victoire bernoise sur la glace. Méritée et obtenue avec fair-play. Beni Plüss et excellent mais Martin a quand même une longueur d’avance.
    Mais j’ai vraiment de la peine à comprendre ces nombreus bernois qui au lieu de fêter leur titre ont préféré insulté Gottéron à l’image du responsable de l’animation et des deux tristes gamins fribourgeois que sont Bertschy et Scherwey. Bruler une écharpe de Gottéron et chanter à tue-tête scheisse Gottéron n’est vraiment pas une preuve de maturité. Surtout que Scherwey venait de dire qu’il était triste pour Gottéron au micro de la TSR…
    C’est vraiment regrettable ce comportement d’une minorité car, comme lors de la première finale entre les 2 clubs, le dernier match s’est déroulé dans la parfaite correction et la fête pour presque tout le monde

  6. Bel article qui aurait plus sa place dans un journal que sur un site satirique et humoristique.

    Victoire et titre effectivement mérité pour le SCB qui a été supérieur à un Gottéron lourdement handicapé par les blessures de Dubé et Heins (match 5) puis le départ de Bykov, mais néanmoins héroïque.

    Le bonnet d’âne à Scherwey et Bertschy. L’ambiance et l’alcool ne sont pas des excuses. J’espère que les primes de victoire leur permettront de s’acheter un cerveau en vue de la saison prochaine. Le club bernois va-t-il les sanctionner pour leur geste ? Cela montrerait en tout cas que les excuses et remords du directoire bernois étaient sincères et pas juste pour la forme.

    Rendez-vous en septembre pour une nouvelle quête.

  7. @Laurent. Merci et à la saison prochaine, même place VIP 😉

    @bora-bora

    Ils ont beaux être jeunes, le comportement post-match de Scherwey (qui visiblement n’est pas Einstein) et Bertschy a été désolant et à mes yeux devra être sanctionné. Eux, les deux joueurs fribourgeois en plus. La dignité, tant dans la victoire que dans la défaite, est un des piliers du sport, comme le relève le Maestro Gil Montandon dans sa colonne de « La Liberté » d’aujourd’hui. Mais il est vrai que cela reste anecdotique comme tu le relèves toi-même, dans la mesure où c’est le fair-play et le respect entre ses deux clubs qui ont marqué la soirée, tant au niveau des joueurs et des dirigeants que des fans, comme en 1992.

  8. @ LakePlacid, j’ai préféré celui que tu avais fait au début de la série contre Zurich 😉

    Tu sais, statistiquement, plus tu dis de conneries, plus tu as de chance de tomber juste au moins une fois.

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