Le HC Ajoie en 11 points

Il est des clubs mythiques, traditionnels et familiaux, véritables ciments d’une région sans qui un championnat, fût-il de deuxième division, serait un long pensum sans intérêt. Le HC Ajoie en fait partie. Le grand vainqueur de la saison régulièrrre 2012/2013 tentera en 2014 de faire mieux. Champion ?

Les détracteurs du HC Ajoie l’ont souvent réduit à un club ne vivant que par et pour James Desmarais, le formidable buteur des Noir et Jaune. S’il est vrai qu’en Ligue B, on peut remporter une saison régulière avec deux bons étrangers et un excellent gardien, il est difficile de devenir champion avec le même effectif. D’autant plus que le numéro 79 commencera sa saison dans les tribunes, remplacé par le Slovaque Dravecky et que son comparse de ligne, Stéphane Roy, a été remercié en toute fin de saison dernière. Dur mais pas insurmontable !1. La grande force du HC Ajoie…
La localisation de ce qui lui sert d’aire de jeu. Quand tu habites à Porrentruy, que t’as déjà été viré douze fois de Schaffter Pives SA (soit parce que tu as tenté de frauder quelques voix pour te faire élire ou parce que Reconvillier c’est décidément trop loin), que la Saint-Martin est déjà passée et que ta réserve de Damassine est à sec, il ne te reste plus que le HC Ajoie pour égayer ton samedi soir. Hop, tu enfourches ton vélo militaire Modell 1940 acheté pour une thune à Thoune lors des dernières vacances d’été, direction le Voyebœuf. Tu passes devant ces bagnoles rouges et noires en te demandant toujours qui a eu l’idée saugrenue de poser un point de vente ici, chez toi, alors qu’il te faudrait 30 vies de Nelson Mandela pour te payer rien qu’un train de pneus, tu présentes ton abonnement à la gentille dame de l’entrée et tu savoures l’entrée des hommes de Tlacil. La Passion, AOC volée par des nantis lémaniques, elle est là. C’est qu’il y a un peu d’esprit de Postfinance Arena à Porrentruy.
2. …et ses carences rédhibitoires.
Paradoxalement, tout ce qui fait la force du HC Ajoie en fait aussi sa grande faiblesse. C’est bien connu, trop de bien tue le bien. Le club est encore l’un des tout derniers a être géré de manière purement familiale. Le Beuchat, menuisier de formation, passe chacun de ses dimanches à décharger des caisses du côté de la gare. Grâce à ce petit boulot d’appoint, il a pu récupérer quelques palettes CFF qui, une fois empilées derrière les buts, ont fait l’affaire comme gradins. Sa femme, passionnée de gastronomie, vend des hot-dogs au seul bar de la patinoire durant les matchs «à la maison». Le plus grand des fils s’occupe de la sécurité et le plus jeune du panneau d’affichage manuel et du cône de chantier pour annoncer les buts. Si cette façon de faire est fort sympathique et a bénéficié d’une dérogation de la part de la Ligue suisse, au XXIe siècle on ne peut que conseiller au HCA de professionnaliser une partie de son organisation. Cela lui permettrait certainement d’atteindre des sommets. Sommets qu’il a connu par le passé avec ses deux promotions en LNA.
3. Les Ajoulots seront-ils meilleurs que la saison dernière ?
Lorsque tu fais le pari d’un effectif de jeunes, soit ça prend, soit t’en prends. Et le risque majeur c’est de bosser pour les autres : tu formes mais tu ne profites jamais de l’investissement. Ton jeune préférant aller voir si les bars de la Capitale ou ceux de Zurich sont plus attrayants. Malgré cela, l’effort de formation doit être salué. Nous, à CartonRouge.ch, on aime les clubs formateurs, et si on s’amuse à faire la moyenne d’âge du contingent ajoulot pour cette saison 2013/2014, on s’apperçoit qu’elle tourne autour de 24 ans (la faute aux trois vieux attaquants Vauclair, Sigrist et Desmarais. 22 ans sinon). On parie donc une bouteille de Dézaley que les Ajoulots arriveront plus loin encore dans les play-off avec le contingent 2013/2014. Qu’ils seront même champions, soyons fous ! Et quelque chose nous dit qu’en Malley, il y a quelques supporters qui se réjouissent de se faire une série de promotion-relégation contre les Jurassiens.
4. L’objectif inavouable !
Devenir le club ferme du SCB. C’est avec ses meilleurs amis qu’on construit les plus grandes choses. Lausanne et Genève ont déjà montré le chemin.
5. Qui sera le bour d’atout du HC Ajoie version 2013/2014 ?
Incontestablement Loïc Poudrier. Si le jeunot de 1991 est aussi bon attaquant que ne l’était son défenseur de père, les gardiens adverses auront du soucis à se faire. Au niveau des transferts d’entre-saison, le HCA est resté sur son mantra «mettre l’accent sur les jeunes» tout en s’attachant les services de perles rares venues d’ailleurs. A l’image de Keven Cloutier, l’ancien attaquant chaux-de-fonnier de retour en Suisse.

6. Au contraire, qui sera le boulet du contingent ?
Geoffrey Vauclair. T’as beau être le «frère de», un titre qui en Ajoie a encore un sens, venir finir sa misérable carrière au milieu d’une pépinière de jeunes qui en veulent n’en a pas (de sens). Raccroche Geoffrey, laisse la place à ceux qui ont faim.
7. L’entraîneur ? Homme de la situation ou simple sous-fifre ?
Jan Tlacil officiera pour la seconde année consécutive derrière le banc ajoulot. Après sa formidable première saison, l’homme devra transformer l’essai. Incontestablement, le Tchèque est l’homme de la situation.
8. Le Voyebœuf : forteresse infranchissable ou piteux château de cartes ?
Lors de la précédente saison, le HC Ajoie ne s’est incliné que 4 fois à la maison pendant la saison régulière : le Voyebœuf est une forteresse difficilement franchissable. Pas exclu d’ailleurs que les cadors de la catégorie n’y perdent quelques points. Ça c’est pour le fond. Pour la forme, «château de cartes» est un euphémisme pour décrire cette ruine qu’il faudrait raser dans les plus brefs délais. Pour peu on regrette la patinoire naturelle sur l’étang Corbat.
9. Et le public dans tout ça ?
Le public ajoulot est un public de connaisseurs. Malgré l’étable qu’il doit subir, malgré les mauvais hot-dogs de la mère Beuchat qu’il doit ingurgiter, malgré le plus petit budget romand de la ligue, il répond présent dans la mesure de son bassin de population. Pour preuve : plus de 400 abonnements en place assise ont trouvé preneur au 4 septembre 2013 (sûrement des expats) sur une affluence moyenne de 2’400 la saison dernière. Comme son meilleur ennemi chaux-de-fonnier, il a perdu son souffre-douleur lémanique, mais nul doute qu’il se rattrapera sur des Abeilles qui ne demandent que ça.
10. Pour (presque finir), le HC Ajoie en 3 mots.
Palette CFF, familial, premier degré.
11. Pronostic exact (à la virgule près) :
Troisième de la saison régulière derrière les deux autres clubs du canton Langnau et Langenthal, finaliste des play-off.
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images

Écrit par Vincent Keller

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2 Commentaires

  1. des passages tout simplement fabuleux, notament sur le point 2.
    par contre, je comprends pas l’allusion au premier degré au point 10….Yves de St Ay pourrait peut etre nous fournir une explication ?

  2. Je pense qu’il y a un objectif encore plus inavouable que celui de devenir le club ferme du SCB. Mais comme il est inavouable, je n’en parlerai pas…

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