Lugano ma non troppo

Peut-on vraiment parler de bête noire lorsque l’équipe en question évoluait un ton et demi au dessus lors des saisons précédentes ? Toujours est-il que même Philippe Candeloro serait capable de compter les victoires de Genève-Servette contre Lugano jusque là. Or, cette année, exode massif vers la NHL et fraude fiscale obligent, la rencontre s’annonçait plus serrée. Elle le fut pendant presque deux tiers.

Le premier événement du match était bien évidemment le retour de Wes Snell aux Vernets dans le rôle qu’on lui préfère : adversaire. Relevons au passage l’irresponsabilité totale de la réception qui lui fut faite. Avant le coup d’envoi, il fut ainsi remercié — non, pas viré, c’était déjà fait — et même fleuri. Quant aux Irréductibles Grenat, ils déployaient une immense banderole « Bienvenu chez toi, Wes ». C’est des trucs à ce qu’il revienne au club la saison prochaine, ça. Rendu euphorique par cet accueil inattendu, le Canadien se paiera le luxe d’un assist, et pour son équipe qui plus est.Le début de rencontre voyait les deux formations aller d’un but à l’autre façon basket. Mais sur la première pénalité, Dick Tärnström, parfaitement démarqué en haut de la zone, trouvait un poteau entrant et démontrait ainsi qu’il est capable de marquer en powerplay même sans Mario Lemieux.
Ce coup du sort stimulait l’imagination des Genevois, qui tentaient deux fois de suite une nouvelle combinaison : engagement gagné par Serge Aubin et reprise directe de Kirby Law. Si le premier essai trouvait la mitaine de Simon Züger, le second faisait trembler les filets. Malheureusement, il s’agissait de ceux de protection.
Une fois n’est pas coutume cette saison, le jeu de puissance grenat peinait alors considérablement. Par chance, Andreas Hänni — un peu bourrin comme son nom l’indique — offrait une double supériorité à ses hôtes. Ceux-ci reproduisaient alors sans vergogne leur schéma favori : Goran Bezina à la bleue, Igor Fedulov derrière le but et une petite passe pour Yorick Treille au premier poteau. Tir croisé, goal. Et ça marche. À croire que les Tessinois ont vendu la télé et le magnétoscope pour payer leur dette, ou qu’Éric Morin a fait une pige à la Resega.
Autre événement de ce match, Michal Grošek est guéri. Il y a donc six étrangers disponibles dans l’effectif grenat. Corollaire : les deux Français sont bien décidés à laisser le colosse tchèque dans les tribunes, ou en tout cas à ne pas l’y remplacer. Ainsi, Laurent Meunier était partout comme à son habitude, et récupérait un puck improbable en fin de tiers. Son compatriote Treille pouvait alors décocher un tir qui trompait un Züger masqué.
Sur un rare oubli défensif genevois, Landon Wilson allait tranquillement battre Mona peu avant la demi-heure. Mais une magnifique triangulation de l’omniprésente ligne franco-russe plaçait Meunier devant le but vide trois minutes plus tard. Les Aigles reprenaient l’avantage pour ne plus le lâcher. Lugano tentait une réaction et se montrait plusieurs fois dangereux. Mais Gianluca Mona refusait catégoriquement de céder.
La troisième période commençait tranquillement, sans véritable passion. Le principal intérêt était le concours de la chute la plus ridicule. Mais là aussi, le suspense durait peu. En effet, Julien Vauclair assommait la compétition d’entrée en se vautrant lamentablement alors que le joueur le plus proche se trouvait à une bonne dizaine de mètres. Malgré plusieurs tentatives intéressantes, Jan Cadieux ne parvint jamais à approcher cette performance.
Fort heureusement, Genève-Servette reprenait vaguement l’initiative du jeu. Paul Savary extrayait le puck de derrière le but et ressortait pour un Philippe Rytz laissé seul à la bleue. Le tir du Biennois trouvait la cible et tuait le peu d’intérêt restant. Les Grenat, tout en assurant une occasion ici et là, laissaient alors leur adversaire faire le jeu, ou au moins essayer.
Lugano prouva alors qu’il était tout sauf « grande » en ce début de saison. Les bianconeri auront toutes les peines à entrer dans la zone genevoise. Et lorsqu’ils y seront enfin, ils ne trouveront que rarement des positions de tir. Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas qu’il ait fallu à peine plus de 10 secondes après la sortie de Züger pour qu’Aubin ne récupère le palet sur sa ligne de défense et ne file inscrire le cinquième.
Avec ce résultat de prestige, les Aigles confirment une fois de plus leur incroyable solidité. Au point que la victoire en a presque paru inéluctable. Au point qu’en tant que spectateur, on souhaiterait le retour de Grošek pour amener un peu d’imprévisible et de folie. Mais à la place de qui ? Et, du point de vue de l’efficacité, peut-on prendre le risque de casser une si belle mécanique ? Problème de riche, dira-t-on.

Résumé

Genève-Servette – Lugano 5-2 (2-1 1-1 2-0)
Patinoire des Vernets, 5’780 spectateurs.
Genève-Servette : Mona ; Bezina, Mercier ; Breitbach, Rytz ; Keller, Gobbi ; Schilt ; Wright, Aubin, Law ; Déruns, Trachsler, Cadieux ; Treille, Meunier, Fedulov ; Knoepfli, Savary, Jér. Bonnet. Absents : Rivera, Horak, Augsburger (blessés) et Grošek (surnuméraire).
Lugano : Züger ; Strudwick, J. Vauclair ; Tärnström, Hänni ; Cantoni, Snell ; Sannitz, Gardner, Näser ; Jeannin, Wallin, Hentunen ; Wilson, Romy, Reuille ; T. Vauclair, Wirz, Balerna. Absents : Conne, Hirschi et Chiesa (blessés).
Arbitres : Thomas Andersson ; Gilles Mauron, Paul Rebillard.
Buts : 6’10 Tärnström (Wallin, Hentunen / 5 contre 4 / Rytz) 0-1, 16’09 Treille (Fedulov, Bezina / 5 contre 3 / Näser et Hänni) 1-1, 18’51 Treille (Fedulov, Meunier) 2-1, 28’49 Wilson (Balerna, Snell) 2-2, 31’10 Meunier (Fedulov, Treille) 3-2, 47’45 Rytz (Savary, Knoepfli) 4-2, 59’09 Aubin (sans assistance / cage vide) 5-2.
Pénalités : 6 x 2′ contre Genève-Servette, 8 x 2′ + 10′ (Näser / protestations) contre Lugano.
Notes : 58’58 Simon Züger quitte sa cage, mais la réintègre 11 secondes plus tard par la force des choses.

Écrit par Yves Grasset

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