Spéléologie xamaxienne

Si si j’y étais. Non sérieux, rigolez pas, je continue d’y aller et en partant je dis toujours «on sait jamais». Cela avait bien fonctionné la dernière fois à Berne, alors on tente le coup. A Neuch’ je disais à mes potes après le match contre Lucerne «vous en faites pas, on a touché le fond, on peut pas aller plus bas». Faux ! Maigre consolation, à ce rythme de creusage, c’est peut-être Neuchâtel Xamax qui atteindra les mineurs chiliens en premier. On sauvera 33 vies et on sera célèbres.

C’est que bon, mes potes, pour le peu qu’il m’en reste, tout l’été je leur ai sorti un baratin de vendeur d’aspirateur : «Mais oui prends le ton abo mec ! Tu vas voir, cette saison l’équipe surprise c’est nous. Tous les clubs y ont eu droit, sauf nous». J’avais un autre argument pour les plus réticents «mais écoute, cette année tu donnes pas d’argent à des œuvres de bienfaisance, tu donnes les 500 CHF de l’abo au club qui forme des jeunes dans la région et qui met un peu d’animation les week-ends». Je sais, c’est pas cool pour Jean-Marc Richard, mais merde. Ben dimanche dernier quand ils ont compris que 1) je payais pas mes places 2) j’étais venu que pour la 2ème mi-temps entre deux plongeons dans le lac, ils m’ont demandé des comptes.Alors je me suis senti un peu obligé d’aller à Bâle. A vrai dire, je crois que les joueurs et le pauvre Radu Nunweiler aussi se sentaient un peu obligés d’y aller. Allez, moteur, cap sur St-Jakob, le saint patron de la wurst et des frites. Vous remarquerez que j’essaie de repousser au maximum le moment où, dans cet article, je devrai vous parler du match. Je crois néanmoins que je suis prêt.

Dès le coup d’envoi donc, une des grosses incertitudes est levée. Qui remplacera le dernier arrivé à l’infirmerie, Fréd Page, dans l’axe de la défense ? C’est Binya. Et le pauvre Gilles, au moment de se placer, à côté de Strellette, commence à mesurer à quel point il regrette déjà d’être venu. Cela dit, après 20 secondes, Wütrich récupère un ballon et s’avance à l’orée des 16, hésite à ne pas frapper, puis hésite à le faire, mais fini par s’en dissuader, il roule la patate chaude pour Nuzz qui l’imite à la perfection. Cette non-occasion fait dire à mon voisin «tu vas voir, ça sera notre seule occase du match».
L’expression à la mode c’est «c’est pas faux». Et c’est vrai. Bâle s’installe gentiment, et échauffe Luca Ferro qui fêtait ce jour-là ses 32 ans. 32 ans et bientôt 32 bougies autour de sa tête, quand sur un centre de Tembo, il peine à se faire entendre et s’écrase sur son propre garde du corps, le malheureux Binya justement. Le ballon savonne en dehors de ses moufles, et là, pour Stéphane Besle, le temps s’arrête. Apparition divine ? Rupture dans le continuum espace-temps ? On ne sait pas ce qui fige le magique Français, mais celui-ci fait mine de protéger le ballon, à 1 mètre de la ligne de but. Dont acte ! L’interminable guibole de Strellouille se faufile et pousse le cuir au fond des filets. Il a fallu 25 minutes à Xamax pour craquer son slip. Peu après, Besle déviera involontairement une frappe anodine de Frei pour le 2-0. Xamax qui tentait de s’accrocher sombre et reprend pelles et pioches.
Pour la seconde période, ayant obtenu des places dans le secteur bâlois, au prix d’une cascade sans filet, c’est donc au milieu des familles qui font leur pic-nic que je verrai les 45 dernières minutes. Aux 3ème et 4ème buts les papas lèvent encore le poing rageur. Quand Binya tapote Streller ils montrent la voie en éructant des propos incompréhensibles mais impressionnants. La relève est assurée, mais pour moi c’en est trop. Je me dirige vers la sortie quand j’aperçois un trench beige clair, col relevé. Mon dieu mais c’est Tintin ? Le vrai, le reporter, pas le Valaisan ?! N’apercevant pas Milou je m’approche, c’est en fait Paolo Urfer. N’ayant pas même une pièce jaune de budget pour recruter des joueurs, celui-ci semble dépité. Je l’apostrophe, il me dévisage en diagonale «c’est qui ça ?». C’est moi. Quelques confidences dignes de la ligne du cœur plus tard, il cherche à s’enfuir en disant encore «et c’est encore moi qui vais devoir m’expliquer devant la presse».

En quittant l’enceinte, j’apprends que Gohou a inscrit le but de l’honneur. Donc quand je dis «honneur» c’est pour le sien d’honneur hein, celui du club on repassera. Cette fois le brave Gérard, héros du tournoi Espoirs de Toulon, ne s’écroule pas en sanglots. Arrivé à la voiture, la RSR nous apprend que Urfer a confirmé la rumeur, Pierre-André Schürmann sera à nouveau l’entraîneur de Xamax dès lundi. Tant qu’à le payer pour rien faire, autant qu’il ne fasse rien sur le banc avec son diplôme.
Arrêtons tout de même de tirer sur l’ambulance un instant. L’heure est plus grave encore qu’il n’y paraît à Neuchâtel. Si samedi soir il n’y avait pas photo entre les deux formations, c’est plutôt de sa situation personnelle que devrait se soucier le club. De plus en plus, depuis quelques semaines, on entend parler de la faisabilité, ou pas, d’un après Bernasconi…
Allez, braves chiliens, on donne tout, vous serez bientôt libres !
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Bâle – Neuchâtel Xamax 4-1 (2-0)

Parc Saint-Jacques, 27 063 spectateurs.
Arbitre : M. Bieri.
Buts : 26e Streller 1-0 ; 36e Frei 2-0 ; 53e Frei 3-0 ; 65e Frei 4-0 ; 78e Gohou 4-1.
Bâle : Sommer; Inkoom, Ferati, Cagdas (46e Abraham), Safari; Tembo (82e Schürpf), Yapi, Huggel, Shaqiri; Frei, Streller (71e Chipperfield). Entraîneur: Fink.
NE Xamax : Ferro; Geiger, Besle, Binya, M. Facchinetti; Ismaeel (46e Gashi), Niasse (46e Kuljic), Wüthrich (69e M’Veng), Dampha, Nuzzolo; Gohou. Entraîneur: Nunweiler.
Notes : Bâle sans Cabral, Kusunga, Zoua, Stocker (blessés), Costanzo (suspendu). Xamax sans Bedenik, Paito, Page, Gelabert (blessés)
Cartons jaunes : Cagdas (21e, jeu dur), Wüthrich (65e, faute).
Corners : 6-1 (2-0).

Écrit par Roby Steedman