Mademoiselle chante les Blues

Le 14 octobre dernier, Wrexham AFC, propriété des acteurs Ryan Reynolds et Rob McElhenny, rencontrait Salford City, dont David Beckham détient des parts, dans ce que le Guardian a surnommé « El Plastico », le derby des stars de documentaires. Si cette référence Netflixo-Disneyplussienne vous passe au-dessus, n’ayez crainte: comme on n’est pas du tout au Pays de Galles en ce moment, ce n’est pas de ça dont on a prévu de vous parler et ce chapeau n’a absolument aucun sens (une fois de plus). Bienvenue dans notre compartiment de l’Intercity de l’East Midlands Railway qui ne se dirige donc pas vers le comté de Clwyd, mais qui s’apprête à effectuer de multiples allers-retours entre Leicester et Londres en passant par la banlieue sud-ouest la plus obscure de la seconde nommée.

Leicester et… quoi ?

Leicester, vous connaissez, même si vous n’y avez jamais mis une botte en caoutchouc (oui, il y pleut, à la surprise générale). Nul besoin de rappeler qui est Jamie Vardy ou expliquer ce qu’est le King Power Stadium, théâtre d’un titre plus qu’improbable en 2016, d’un crash d’hélicoptère présidentiel en 2018 et donc désormais d’un Leicester City Women – Manchester City Women le samedi 21 octobre 2023.

« Augmentez le débit, ça fait déjà 5 minutes qu’il ne pleut pas, la pelouse va sécher bon dieu ! »

Bon, mais alors, cette banlieue du sud-ouest londonien dans laquelle nous allions assister le lendemain à un Chelsea Women – Brighton & Hove Albion Women ? Il s’agit bien évidemment de Kingston et de sa vétuste (mais non moins magnifique) enceinte de Kingsmeadow, dévolue à l’équipe féminine de Chelsea hors permission spéciale de jouer à Stamford Bridge de temps à autre. Non, pas Kingston, Jamaïque. Kingston upon Thames. La météo (encore elle) est assez pratique pour faire la différence entre les deux.

En parlant de Kingsmeadow, on a reçu un guide par e-mail avant de se rendre sur place. Il incluait cet extraordinaire recueil des paroles des chansons de supporters à apprendre. Et on peut vous dire qu’elles ont TOUTES (les 26) été entonnées en cours de partie. Bon OK, on n’a pas compté et certaines joueuses n’ont pas foulé la pelouse, mais notre medley devait quand même approcher les 20 titres.

On a pris une capture d’écran de la plus complexe pour être sûr de s’en souvenir:

« Alley, alley, alley, alley, alley Iiiive Pewissey »

Bon, mais Kingsmeadow c’est où au juste ? Pour les fans de Ted Lasso, ce n’est pas si loin de Richmond. Comme on était un peu échaudé par notre périple du jour précédent (voir rubrique suivante – cet article est limpide, vous verrez), on avait décidé de se cantonner à des voyages courts et sans trop de difficultés dorénavant. Voyez plutôt:

Le dernier voyage en bus dure 19 minutes et on nous annonce une alerte sur la ligne (un arrêt non desservi qui ne devrait pas nous concerner, mais sait-on jamais avec notre veine habituelle).

Bref, le train n’avait que 14 minutes de retard à l’aller et ne comptait que 5 wagons au lieu des 10 prévus (adieu notre siège réservé) au retour. Un voyage sans histoires.

Non, franchement, on ne sait pas de quoi on se plaint.

Les transports (de joie)

Premier train retardé, réaction au flegme tout britannique à notre gauche: « This could be a bit fun. »

Allez, on vous explique ce qui nous est arrivé le samedi. Ça avait l’air facile sur le papier. St. Pancras-Leicester, moins de deux heures, aucun changement. Une formalité administrative. Sauf qu’on n’était pas du tout au courant que la tempête Babet était également sur le point de débarquer et notre formalité administrative s’est soudain muée en laisser-passer A38 dans le hall de gare qui rend fou. Inondations à Sheffield, Nottingham et Leicester, trains annulés, chaos total sur tout le réseau. Ben oui, de l’eau qui tombe du ciel en grande quantité c’est quand même du jamais vu en Angleterre.

Deuxième train annulé, on demande à un docte préposé à l’information (ou peut-être juste un gars qui aime porter des chasubles fluorescents les samedis, qui sait) si on a une chance d’arriver à bon port. « Wait here and see what happens. » Ah mais purée oui, comment n’y avait-on pas pensé plus tôt ???

A notre troisième essai depuis 10h45, on a enfin réussi à mettre le pied dans la porte du direct de 13h30 (ou plutôt à y jeter notre valise telle la pierre d’Unspunnen) avant qu’elle ne se referme sur nos minces espoirs de pendulaire déjà blasé. Ouf ! Le premier match de notre week-end débutant à 17h15 à 160 km d’ici, ça commençait gentiment à urger quand même. C’est parti pour 1h50 de trajet debout dans le couloir. L’avantage étant bien sûr que toutes les punaises de lit qui avaient fait le voyage de Paris via l’Eurostar ont été refoulées sur la plateforme faute de place disponible.

Ah ouais, quand même… C’est pas un lac ça d’habitude, hein ?

Bref, tout s’est monstre bien passé et c’est pour ça qu’on a décidé de refaire un aller-retour Leicester-Londres le lendemain. Tout ce qui ne nous tue pas… Vous qui vous plaignez sur les réseaux sociaux quand les CFF ont 3 minutes de retard ou quand votre wagon silence a pété un peu trop fort et demandez la privatisation, on vous voit et on vous propose un petit séjour dans le coin.

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St. Pancras au moment de l’ouverture des portiques menant au quai.

Pour ceux qui débarquent (et n’ont manifestement pas lu notre dernier papier sur le sujet)

Voilà où on en était avant ce combo midlando-londonien. On aurait pu faire pire au niveau affiche (il y avait par exemple un somptueux Langnau-LHC à ne pas manquer samedi soir).

Bristol Buvard City continue de pomper.

Les matches en six mots

Beaucoup de bleu et quelques Citizens.

Si même le ciel s’y met… Temps sec et température agréable réalisés sans trucage.

La femme des matches

Khiara « Robert Mayer » Keating, qui a dû être funambule dans une autre vie (probablement courte), est déjà un sacré personnage du haut de ses 19 ans et de son mètre 67. La gardienne de Manchester City n’aime pas rester sur sa ligne et trouve l’herbe bien plus verte en dehors de ses 16 mètres. Les sorties à l’aveugle sur corner en mode savonnette elle adore, relancer tranquillement à la main ou dégager en catastrophe sans contrôler c’est tricher, dribbler une attaquante adverse avant de relancer plein axe en faisant sauter deux lignes c’est bien mieux. Quand on s’appelle Ramona Bachmann et qu’on joue en pointe ça peut agacer sans trop de dommages collatéraux immédiats, mais quand on évolue en tant que dernier rempart ça peut coûter quelques boulettes. Pas cette fois. City est reparti du King Power Stadium avec les 3 points et une clean sheet (0-1, but de l’iconique Chloe Kelly à la 10ème minute).

Keating: « O Captain ! My Captain ! » (tournée offerte à celui qui a la réf’)

La buse des matches

Les joueuses en charge de donner le coup d’envoi du Chelsea-Brighton de dimanche après-midi. On a dû recommencer car on avait oublié de s’agenouiller 5 secondes en commémoration de… quoi déjà ? Franchement on n’arrive plus à suivre entre Black Lives Matter, l’Ukraine, la Palestine, la mort de Sir Bobby Charlton et Nemo le poisson rouge du kitman de Kingsmeadow qui est aux soins intensifs. Chaque match a sa minute de silence et son brassard noir, bientôt il faudra peut-être en superposer plusieurs (et la capitaine portera donc le sien en bandana). D’autant que le mois de novembre arrive et avec lui l’apposition d’un coquelicot sur tous les maillots anglais. Dieu sait si on soutient toutes ces causes (surtout celle de Nemo), mais on se demande quand même si on n’est pas en train de les banaliser.

Le tournant des matches

La titularisation de l’Allemande de 22 ans Sjoeke Nüsken pour Chelsea. On vous explique pourquoi dans un moment.

Image rare de la défense de Brighton après le passage de Nüsken.

L’aVARie qui aurait pu couler les matches

La présence sur le terrain de Leicester de ce qu’Elon Musk s’est promis d’éradiquer (avec un franc succès jusqu’ici) sur Twitter: un bot. Ou plutôt une Bott. CJ de son prénom. Par chance, l’internationale néo-zélandaise s’est fait l’auteure d’un très grand match sur son flanc droit défensif, notamment au duel avec le feu follet Lauren Hemp. On Bott en touche en direction de la prochaine rubrique avant de vous faire la liste des jeux de mots pourris incluant le nom de famille de Catherine Joan. Vous pouvez admirer notre self-control.

Le chiffre à la con

3.

Comme le nombre de montants touchés par Chelsea avant d’enfin égaliser en fin de première mi-temps. Trois montants (Fran Kirby 2x et Eve Périsset) dont une latte et un poteau entrecoupés d’un arrêt de Sophie Baggaley sur la même action de la 37ème minute.

2+1=III, non ? #NousSachons

Mais aussi comme le nombre de buts marqués par la fameuse Nüsken mentionnée plus haut, même si le troisième a officiellement été comptabilisé comme autogoal. Mais on s’en fout, notre sport à nous c’est le hockey où cette occurrence n’existe pas.

Nüsken, encore sous le Sjoeke, surprise en train de boire… de l’eau ! Preuve donc que ce liquide existe au Royaume-Uni, même si on ne sait pas où se le procurer. L’enquête de votre envoyé spécial continue.

33, c’est le numéro d’Aggie Beever-Jones, formée au club et née à 11km du stade il y a 20 ans. Plus locale tu meurs. Et au vu de son numéro, inutile de dire qu’elle est attendue comme le Messi(e). Eh bien figurez-vous que la Londonienne, en larmes dans les bras de ses parents au coup de sifflet final, a marqué son tout premier but pour les Blues. Score final 4-2, 18ème victoire consécutive à domicile pour l’escouade d’Emma Hayes. C’est pas encore le KÍ (qui ?) Klaksvik en championnat des Îles Féroé, mais c’est pas trop mal.

Test d’Aggie-lité à l’échauffement.

L’anecdote

On a payé 28£ pour les deux matches (dont 20£ pour Chelsea, cette bande de vieilles râpes). En ignorant la conversion livre-dollar, on pourrait encore se faire 266 fois ce combo avant d’atteindre le prix d’un cours particulier avec The Coach que d’aucuns sur Twitter (futur-ex-X) surnomment Boulardoglou.

Le gars a dû bosser pour une assurance maladie dans une autre vie pour avoir un aplomb pareil.

Et sinon dans les tribunes ?

Impossible de vous communiquer l’affluence exacte au King Power Stadium samedi soir, pour la simple et bonne raison que le chiffre n’a jamais été annoncé par la speakerine et qu’on ne l’a trouvé nulle part. On peut quand même vous dire que l’entier du public était agglutiné dans le West Stand, seule tribune ouverte. Quand le stade est au deux tiers vide et que tu arrives quand même à concentrer tout le monde au point de sentir le téléphone portable de ton voisin vibrer, il y a un souci. Ledit voisin, venu avec ses deux gosses, nous a d’ailleurs glissé en forme de boutade après une bousculade fortuite « I’d never choose to be this close to another man ». Et il y en a qui osent dire que les Anglais ne parlent jamais de leurs sentiments.

On peut par contre affirmer avec certitude qu’il y avait 4850 personnes, capacité maximale, dans l’ancien antre du AFC Wimbledon qui abrite maintenant l’équipe féminine et les espoirs de Chelsea. Quoique. Les Internets nous disent que 2265 de ces places sont assises et tous les postérieurs nous avaient l’air fixés à un siège… Les conversations y étaient en tous les cas moins philosophiques que la veille un peu plus au nord: « Le chignon de Millie est très bas… » « Regarde les boucles de la 22 ! »

Millie et son chignon ont frisé le code… Et la boucle est bouclée avec le placement parfait du panneau vert sur la balustrade.

La minute Johan Djourou

Elle appartient à cette demoiselle assise en face de nous dans le Leicester-Londres de dimanche matin qui racontait ses vacances en… Suisse romande à son voisin. Et notamment ces terribles moments au cours desquels des gens lui avaient parlé français alors qu’elle n’en comprenait pas un mot. “And that’s Swiss French, not actually French” a conclu son interlocuteur.

La rétrospective des prochain matches

Le classement risque même d’enfin ressembler à quelque chose après ça. Et Villa va prendre une cinquième branlée de suite.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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4 Commentaires

      • Merci!!!
        J’ai « fait mes propres recherches », comme on dit, je ne l’avais pas tout de suite… J’ai d’abord pensé à l’absence de Houghton, la capitaine habituelle, car le poème a été écrit pour la mort d’Abraham Lincoln, mais ça me semblait trop tiré par les cheveux!

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