Un coup de raquette dans le coeur

Rodgeur a pris sa décision : pour la troisième année consécutive, le numéro 1 mondial ne participera pas au premier tour de la Coupe Davis. C’est une énorme déception pour les supporters suisses, un coup de massue pour Swiss Tennis et les sponsors, mais personne ne lui en veut, évidemment… Mon avis n’est certainement pas partagé par la majorité des Suisses mais j’avoue être profondément déçu par ce nouveau faux bond du Bâlois. Je m’explique.

L’affiche était splendide, unique, presque historique : Suisse – Espagne à Genève avec un choc de titans entre les numéros 1 et 2 mondiaux, les «meilleurs ennemis du circuit». Federer d’un côté, Nadal de l’autre et pour arbitrer le débat, des joueurs talentueux : le jeune Wawrinka, le cogneur Robredo ou le revenant Ferrero. Un plateau de rêve et un décor tout aussi exceptionnel : un Palexpo rouge et blanc, prêt à exploser, dont les 14’000 billets mis en vente se seraient arrachés en l’espace de 15 minutes avant que 6’000 – et pourquoi pas ? – sésames eurent été lancés sur le marché avec le même succès. 20’000 spectateurs : record pulvérisé pour un premier tour de Coupe Davis ! Toi, moi, nous aurions tous été présents, dans les gradins ou devant notre poste.

Oui, c’eût été magique, plus beau encore que le mémorable Suisse – France à Malley.  J’avais espéré voir cette Suisse ambitieuse, emmenée par un numéro 1 en état de grâce, accueillir l’Espagne à Genève et gagner. Voir Rodgeur terrasser Nadal au cinquième set d’un quatrième match dantesque avant que Wawrinka, porté par un public en délire, offre le dernier point face à un Ferrero au bout du rouleau, agacé par le bruit des cloches et les cris d’un Allegro complètement hystérique dans le clan suisse ! Avant cette apothéose dominicale, Rodgeur aurait mis une danse à Robredo le vendredi alors que Wawrinka, au bout de ses forces, perdait de peu face au numéro 2 mondial… Le double, lui, aurait souri de justesse aux Espagnols. Dégoûtés, nous aurions quitté Palexpo samedi soir ; passionnés, nous aurions vibré le dimanche ; euphoriques, nous aurions chanté la victoire toute la nuit ! Parce que le sport est d’abord une fête, j’avais rêvé d’un week-end de février inoubliable, mythique, gravé à jamais dans nos mémoires !
J’avais également rêvé d’une année 2007 triomphale pour notre petite Suisse et d’un doublé unique dans l’Histoire du sport : Aiguière d’Argent – Saladier d’Argent ! Ernesto Bertarelli et Roger Federer, rois du monde, auraient donné sourire et confiance à tout un peuple, en particulier à nos footballeurs, pour l’année 2008 et un certain mois de juin…
Mais aujourd’hui le réveil a sonné. Brutalement. Et tous les Suisses ont la gueule de bois. Rodg a brisé notre rêve à cause d’une place de numéro 1 mondial à défendre – est-elle vraiment en danger ? –, à cause de deux titres à conquérir sous le soleil américain – pour quelle émotion ? –, à cause d’un programme trop chargé qui ne lui permet pas de venir à Genève, à la maison, pour une toute petite semaine et pour trois jours d’effort, trois jours «au service de la patrie». 
C’est donc en fan de tennis, en amoureux de grands événements et en patriote invétéré que j’ose critiquer ce choix, huer cette décision ! Qu’on ne compte pas sur René Stammbach, Séverin Lüthi ou autre personnalité sans relief de la balle jaune helvétique pour s’élever contre la décision du grand Rodg, ni même murmurer le moindre reproche : ils boivent tous ses paroles et comprennent ses choix, même les plus contestables. Si Federer demandait à Strammbach de se jeter dans le lac en slip kangourou en plein hiver, il s’y plierait le sourire aux lèvres !
Mais le plus déçu dans l’histoire, c’est sûrement Stan… Notre désormais leader sera bien seul face à l’armada ibérique… Même si les progrès réalisés par le joueur de Saint-Barth’ sont encourageants, même s’il a la rage de vaincre et un cœur rouge et blanc, je doute qu’il ramènera les trois points face à une Espagne très solide. Quoi qu’il en soit, puisse Stan me prouver le contraire et nous envoyer en quarts de finale !  
2008 étant l’année des Jeux Olympiques, nous attendrons donc 2009 pour une hypothétique victoire en Coupe Davis. Sûr que si ce jour arrive, nous aurons tous oublié ce quadruple faux bond et serons prêts à ériger une statue au roi Rodgeur sur la Place Fédérale ! Ce qui est magnifique dans le sport, c’est qu’on pardonne tout aux grands champions. Alors Rodg, laisse nous tomber en février mais fais nous rêver le dimanche 10 juin 2007 à la Porte d’Auteuil : à Nadal et à l’Espagne le premier tour de la Coupe Davis, à toi et à la Suisse la Coupe des Mousquetaires de Roland Garros !

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Un p'tit shot ?

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