Dans la peau de Fabienne S.

Début samedi de la tournée américaine avec chez les filles le géant d’Aspen. Une course pour laquelle la Suisse dispose de deux belles cartes : Lara Gut et Fabienne Suter. Vous connaissez la première. Vous connaissez peu, voire pas du tout, la deuxième. Pour comprendre cette différence, tentons de s’immiscer dans le cerveau de la plus anonyme des deux.

Je m’appelle Fabienne Suter. J’ai 23 ans. J’habite à Sattel dans le canton de Schwytz. Je suis skieuse. Et en Suisse, je possède une particularité : je suis la seule à détester Lara Gut.
 
Cela date de nos classes chez les juniors. Je faisais partie des plus sûrs espoirs. Mais le sort s’est acharné sur moi. Avant mes 20 ans, je m’étais déjà cassée de partout : tibia, genoux, bassin. De son côté, la petite blonde n’a pas connu de gros pépins de santé. Du coup, à 16 ans, elle avait déjà tout raflé chez les juniors et en Coupe d’Europe. Pas moi.
 
Malgré les couacs, je me suis accrochée. J’ai obtenu une place dans l’équipe de Suisse de Coupe du monde. C’est là que j’ai retrouvé la petite blonde. Une petite blonde flanquée de sa clique. Mademoiselle disposait en effet de la présence permanente de son père et d’un coach personnel. Du sur-mesure pour la petite blonde. Pas pour moi.
 
J’essaie de ne pas trop m’en préoccuper. Je travaille dur. Mes efforts sont récompensés. En février dernier, j’obtiens mon meilleur résultat : 7e en descente à St-Moritz. Ma joie ne dure pas longtemps. Lors de la même course, la petite blonde fait son show en chutant à l’arrivée et en finissant troisième. Tout le monde parle de son coup d’éclat. Pas du mien.
 
Une semaine après St-Moritz, je gagne le super-G de Sestrières. Mon premier titre en Coupe du monde. Je me dis alors que l’on va enfin parler de moi dans les médias. Que nenni. Les journalistes présents n’ont qu’une idée en tête : décortiquer l’élimination de la petite blonde. Elle refait les grands titres. Pas moi.
 
Arrivent les finales de la Coupe du monde 2008 à Bormio. Je re-gagne un super-G. Cette fois, la petite blonde n’est pas là. Et pourtant, on parle toujours que d’elle et des dissensions entre son clan et Swiss-Ski. Des réunions, des pourparlers sont menés autour d’elle. Pas pour moi.
 
C’est l’été. La petite blonde ne s’entraîne plus avec nous. Mademoiselle dispose maintenant de son team privé. Je respire. Je ne respire pas bien longtemps. Une séance de photos est organisée à Saas Fee pour les sponsors et les médias. Qui choisit-on pour représenter le ski helvétique ? La petite blonde à zéro victoire en Coupe du monde ou la fille qui a gagné deux fois l’hiver dernier ? On ne me choisit pas.
 
C’est l’heure ensuite des sélections internes pour le géant inaugural de Sölden. Trois places sont à prendre. J’en ai droit à une. Et je prie pour que mes copines, comme Fränzi ou Nadia, gagnent ces sélections. Raté. La petite blonde s’empare d’un ticket. Elle jubile. Pas moi.
 
Samedi 25 octobre, la saison démarre à Sölden. Je m’élance avec un dossard élevé. Cela ne m’empêche pas de réussir un des meilleurs premiers temps intermédiaires. Hélas, je pars ensuite à la faute. Pendant ce temps, la petite blonde finit cinquième. Les journalistes, et pas seulement les Suisses, n’ont que le mot exploit à la bouche. Pas moi.
 
Car moi, je n’ai à la bouche que le mot rancoeur. Rancoeur envers cette petite blonde et son insolent talent, son joli minois, son sourire ravageur, sa confiance en elle inébranlable, sa chance indécente, son charisme, son plurilinguisme, son aura auprès des médias, ses privilèges de princesse, son statut de star à 17 ans à peine.
 
Peut-être que si je gagne samedi le géant d’Aspen, puis dix autres courses cet hiver, puis encore trois médailles aux Mondiaux de Val d’Isère, on va s’intéresser à moi. Et encore, ce n’est pas si sûr. Vous voulez parier ? Pas moi.

Écrit par Alex DeLarge

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7 Commentaires

  1. C’est clair que lorsqu’on voit la photo de Suter, on comprend quand même que les photographes du shooting Swiss-ski étaient plus intéressées par Lara Gut…

    Néanmoins cher Alex, est-ce que tu trouves que tous ces traitements de faveur sont logiques et qu’ils ne risquent pas de mettre en péril l’ambiance de l’équipe féminine au détriments des résultats?

  2. ben moi je préférerais aller faire un slalom ‘special’ avec Lara qu’avec la ‘saucisse’ Suter….
    …bonne chance aux 2 de toute manière….

  3. @Pinpin
    Pour répondre à la question, je dirais que cette couverture est tout à fait logique. Et on a encore rien vu. Lara Gut est LA perle du sport suisse pour les 10 prochaines années.

    Concernant le reste de l’équipe, on sera fixé rapidement. Les « vieilles » (Aufdenblatten, Styger et Cie) sont forcément méchament titillées. Quant aux plus jeunes, Fabienne Suter en tête, on peut craindre qu’elles se laissent écraser par l’effet Gut

  4. Zéro cet article… Lara Gut a peut-être des qualités, mais on sait comment on finit les stars adulées (Marilyn Monroe) et les enfants précoces (Jordi). Même les valeurs sûres (Roger Federer) n’ont plus la cote parmi les journalistes, n’est-ce pas messieurs de CartonRouge?

  5. buah, Lara Gut possede un team privé, tous les journalistes, toute la pression est sur Lara Gut. Tout un pays regarde Lara, une tension enorme.
    Cette situation est absolument un cadeau pour les autres suisses.

    Lara est incroyable, pas besoin de comparaison….pour le shooting….buahh…10-0 pour Lara

  6. Je suis pas le ski, mais à la lecture de l’article, le battage sur Gut, s’il est correct, me fait un peu penser à Anna Kournikova, honnête joueuse de tennis sans titres mais no.1 mondiale s’agissant du job d’icone publicitaire.

    Et la dame sur la photo, c’est Kuznetsova.

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