Le football suisse retombe dans l’anonymat

Il y avait eu «l’effet France 1998», qui avait rappelé aux Français qu’ils aimaient le foot. Il y a eu la Coupe du Monde 2006 qui a rendu à l’Allemagne sa fierté du drapeau. En Suisse, il a suffi de quelques jours, en plein Mondial sud-africain, pour que l’euphorie populaire, née d’un hold-up sans nom face à l’Espagne, se transforme à nouveau en gentil désintérêt.

C’est vrai que placer des matches en novembre à la Praille contre un adversaire qui ne fait rêver que les férus de Football Manager et de jeunes Ukrainiens, il y a mieux pour motiver les foules. Douze mille personnes au Stade de Genève pour voir la Suisse partager l’enjeu avec l’Ukraine (2-2), dont quasiment les deux tiers d’invités par la Fédération, c’est quand même un peu ridicule… Même CartonRouge.ch n’y était pas, c’est dire ! Non pas que ce match aurait attiré plus de monde à St-Gall, hein, mais quand même.La folie qui s’était emparée de la Suisse était déjà éteinte après un match grotesque face au Honduras. Elle a définitivement été enterrée par un début de campagne de qualification à l’Euro 2012 manqué. Seule «l’affaire Frei», montée en épingle par une certaine presse – qui n’avait pas encore de spots de pub valaisans à se mettre sous la dent – a quelque peu secoué le cocotier. Le foot suisse est retombé dans l’anonymat, tout juste sauvé par une «perf» de Bâle à Rome et par le sympathique parcours du Lausanne-Sport en Europa League.

Le public helvétique, gâté par des années incroyables, est blasé. Cette fois c’est sûr. On l’avait déjà remarqué durant les qualifications pour la Coupe du Monde 2010 où certains spectateurs du Stade St-Jacques, plus aigris que jamais, avaient quitté le stade avant la fin de Suisse – Israël. Sans oublier les sifflets qui étaient descendus des tribunes pour «condamner» ce 0-0 pourtant largement suffisant. Le public helvétique a oublié d’où l’on vient.
Il faudra juste lui rappeler que son équipe nationale joue avec une charnière centrale Grichting – Von Bergen (ou Djourou) et que son entrejeu est occupé par Pirmin Schwegler ou encore Tranquillo Barnetta. On a beau dire, on a beau faire, au niveau international, c’est faible. Malgré cela, la Suisse s’est qualifiée cet été pour son quatrième tournoi majeur de suite, un exploit peu commun pour un pays comme le nôtre. N’oublions pas que des nations comme la Belgique, l’Ecosse, l’Irlande ou l’Autriche échouent régulièrement en qualifications depuis plusieurs années.

Exploit vite oublié

Ce n’est pas parce qu’une bande de jeunes de moins de 17 ans sans vergogne est allée s’imposer au Nigéria contre des locaux de six à huit ans plus âgés que le jeu de ballon en Suisse a pris une nouvelle dimension. Le Qatar est bien arrivé en finale du Mondial M20 en 1981 et l’Arabie Saoudite s’était imposée en 1987 chez les M17… Un coup de hasard, ça arrive tout de même bien souvent, même chez les «grands». Vous vous souvenez de la Grèce et du Danemark ? Et Yverdon en finale de Coupe de Suisse, c’était quoi ?
Passons. Avant un match capital en Bulgarie en mars, l’ASF a trouvé judicieux d’aller se tester contre un adversaire d’un calibre identique : Malte… Ensuite, quelques semaines après être allé défier les queutards anglais à Wembley, les penseurs de Muri ont eu la bonne idée d’organiser un match de tous les dangers…à Vaduz, où la pression adverse risque d’être insoutenable. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que le foot suisse lui-même vise désormais si bas ?

Ok… Et maintenant, on fait quoi ? On vire «Gottmar» sous prétexte «qu’il fait pas jouer les jeunes», selon les grands connaisseurs des talus ? Euh, en passant, Derdiyok, Schwegler, Affolter, Ben Khalifa, Shaqiri, Stocker et compagnie, ils ont quel âge déjà ? On lourde Hitzfeld, mais pour mettre qui ? Un des meilleurs entraîneurs en club du monde pour revenir à des Artur Jorge, Enzo Trossero et autre Gilbert Gress ? Le joli pas en avant…
Non, franchement, revenons sur terre. Avec un succès en Bulgarie, tout ne sera pas perdu et c’est déjà pas si mal. On a aussi le droit de manger notre pain noir de temps en temps ! Parce que, oui, un huitième de finale de Coupe du Monde, pour la Suisse, c’est les vaches grasses. Même si depuis Alex Frei a prouvé qu’il savait planter des penalties.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

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8 Commentaires

  1. D’accord avec le fond. Mais on peut se demander: est-ce « mal » d’être aussi exigeant?

    On pourrait – avec raison – s’endormir sur nos lauriers. Mais peut-être est-ce justement cette éternelle insatisfaction qui « nous » maintient à un haut niveau.

    Et oui, un huitième de finale de CdM c’est les vaches grasses, mais battre l’Espagne pour se ramasser ensuite, c’est simplement impardonable.

  2. Yverdon en finale de coupe Suisse, c’était un super match à la Pontaise! Je me souviens plus quel Lausannois avait allumé la latte aux tirs aux buts, mais qu’est-ce que ça faisait du bien!

    Sinon pour l’article, merci! Super.

  3. Ma foi, ça nous pend au nez, c’est comme ça… On a quand même bien rigolé pendant quelques années, et montré que les paysans du Nord-Vaudois pouvaient aussi jouer au foot. D’ailleurs, ça a fait du bien pendant quelques saisons de se classer devant Lausanne et Servette.

    Mais bon, la saison est pas finie, et même si ce sera dur, y a encore moyen de moyenner!

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