Une autre planète

Disputée dans des stades presque tous combles, la 28e journée de Bundesliga a été marquée par quelques décisions arbitrales erronées qui profitent aux deux favoris dans la course au titre, Wolfsburg et le Bayern Munich. Dans un championnat aussi serré, cela peut avoir une importance cruciale au décompte final.

Meilleure équipe de Bundesliga en déplacement, Leverkusen a bien failli mettre un terme à la série victorieuse du leader Wolfsburg samedi à la Volkswagen-Arena. Tout avait mal commencé pour les Rheinländer avec un penalty inexistant accordé à Grafite (compensé quelques minutes par une faute de dernier recours oubliée du gardien Adler sur ce même Grafite). Le Bayer est revenu très fort après la pause et a logiquement égalisé sur un pointu de Toni Kroos. Kroos, c’est le grand prodige du Bayern Munich, la future grande star du foot allemand. Mais en Bavière, on n’a pas vraiment l’habitude de lancer des jeunes et du coup Toni Kroos a été prêté à Leverkusen pour s’aguerrir. Jusque-là, il n’avait pas eu beaucoup plus de temps de jeu qu’au Bayern mais depuis deux matchs, il a gagné ses galons de titulaire.

Record égalé

Le but de Toni Kroos n’a pas suffi à Leverkusen. À cinq minutes du terme, Grafite a donné la victoire aux Wölfe en profitant d’une énième passe de génie de Zvjezdan Misimovic (quel joueur !). Le scandale est intervenu dans les arrêts de jeu, lorsque l’arbitre a oublié une main de Simunek, qui avait le poids d’un pénalty pour Leverkusen. Cet oubli permet aux Wölfe de signer leur dixième succès consécutif, égalant le record du plus nombre de victoires d’affilé en Bundesliga dans la même saison, détenu depuis 22 ans par Mönchengladbach. Le record absolu de victoires consécutives en Bundesliga (sur deux saisons) est lui détenu par le Bayern de… Felix Magath (15 victoires entre mars et septembre 2005). Puisque l’on est dans les statistiques, le nombre de «points» réalisés en 28 matchs par le trio magique de Wolfsburg est hallucinant : 77 ! Soit : 22 buts, 7 assists pour Grafite, 16 buts, 8 assists pour Dzeko, 6 buts, 18 assists pour Misimovic.

Le Bayern aidé

Intronisé titulaire dans les buts du Bayern depuis la débâcle à Wolfsburg, Hans-Jörg Butt a rendu un fier service à son équipe à Bielefeld avec un arrêt réflexe stupéfiant devant Tesche en début de match. L’arbitre a également donné un sérieux coup de pouce aux Rekordmeister en omettant d’expulser Toni et Van Bommel, puis en oubliant un hors-jeu de l’Italien sur l’action du corner qui a amené l’unique but du match (0-1). Faute d’avoir concrétisé ses nombreuses balles de break devant un Dennis Eilhoff une nouvelle fois exceptionnel, le Bayern s’est fait une grosse frayeur à la 90e lorsque Mijatovic a frôlé une égalisation qui eût sans doute définitivement écarté les Munichois de la course au titre.
Entre Cologne et Stuttgart, tout s’est joué à la 2e minute, avec un sauvetage sur sa ligne de Ludovic Magnin devant Novakovic. Ensuite, Stuttgart a déroulé et Mario Gomez s’est offert un triplé comme à l’entraînement (0-3). Le 1. FC Köln s’était sans doute cru sauvé après ses victoires à Munich et Cottbus mais 3 défaites consécutives et un calendrier difficile en fin de saison ont rallumé les signaux d’alarme au RheinEnergieStadion, où les Geissböcke n’ont plus gagné depuis le 7 novembre.

HSV – Werder en mode play-off

Le SV Hambourg est toujours en course pour son triplé historique après sa qualification en Coupe UEFA à Manchester contre City et sa victoire dans le Nordderby contre Hanovre (2-1), grâce à deux buts de Mladen Petric à l’extrême limite du hors-jeu. Mais c’est surtout dans d’autres Nordderby, contre le grand rival Werder Brême, qu’Hambourg va jouer sa saison : 22 avril HSV – Werder (Coupe d’Allemagne), 30 avril Werder – HSV (Coupe Uefa), 7 mai HSV – Werder (Coupe UEFA), 10 mai Werder – HSV (Bundesliga) ! Sachant la haine séculaire qu’entretiennent les clubs de deux villes libres et hanséatiques, ça promet des étincelles.
Après trois défaites consécutives, le Hertha Berlin s’est repris en battant le Werder Brême (2-1). Mené 0-1 sur un coup de billard conclu par Mertesacker, l’Alte Dame a frôlé la catastrophe lorsque Niemeyer a manqué le 0-2 devant le but vide. Avant que deux lucarnes de Simunic et Raffael en fin de match ne remettent le Hertha sur la voie du succès. Ouf, car le désenchantement guettait dans la capitale : d’ailleurs, Voronin a d’ores et déjà bouclé ses valises pour retourner en Angleterre la saison prochaine. Ce serait vraiment dommage que la belle aventure berlinoise se termine en queue de poisson.

Les inséparables

Jusque là, les déplacement à Gelsenkirchen n’avaient jamais convenu à l’Energie Cottbus (5 matchs, 5 défaites, 0 but marqué, 15 encaissés). Les Lausitzer n’ont pas amélioré la statistique vendredi avec une défaite 4-0, qui a conduit les dirigeants de l’Energie à rembourser leurs supporters qui avaient fait le déplacement. Un exemple à suivre… Une frappe du pied gauche magique de Christian Pander, un extérieur rageur d’Halil Altintop, un une-deux entre Altintop et Jermaine Jones et un but de renard de Kevin Kuranyi ont réconcilié Schalke avec son public. Avec 3 matchs/9 points, 8 buts marqués, 0 encaissé, le bilan du nouveau trio d’entraîneur de 04 Büskens/Reck/Mulder est plutôt positif mais il faut dire que les Knappen ont affronté Bielefeld, Karlsruhe et Cottbus. Si Christian Constantin était président de Schalke, il aurait sans doute choisi ces matchs là pour s’introniser entraîneur avant de passer le relais pour le premier vrai test, samedi prochain à Munich contre le Bayern.
Depuis le début de la saison, les rivaux Schalke et Dortmund ne se quittent pas d’une semelle au classement. Null Vier vainqueur vendredi, le BVB se devait d’en faire de même samedi dans le B1-Derby (ou klein Revierderby) à Bochum. Ce fut fait (0-2), avec un brio certain, grâce à un corner d’Alex Frei repris par la tête de Patrick Owomoyela et à une frappe somptueuse de Nelson Valdez. C’est un petit exploit car le VfL était très performant depuis la reprise et Dortmund n’avait plus gagné à Bochum depuis 10 ans. Un bonheur ne venant jamais seul, Dortmund II a atomisé Schalke II (4-2) vendredi soir en Regionalliga West. La Ruhr est jaune et noire !

Krisengipfel

Le Badener Derby s’est transformé en Krisengipfel entre Karlsruhe et Hoffenheim, les deux formations les moins performantes du 2e tour. La différence, c’est que le TSG 1899 avait assuré les points nécessaires au maintien au 1er tour, pas le KSC. Hoffenheim a pris deux fois l’avantage, Karlsruhe a mis un terme à une période de 752 minutes sans marquer pour arracher un nul qui n’arrange personne (2-2). Le KSC risque de regretter longtemps le tir de Giovanni Federico sur le poteau à la 90e ! Trois jours après que la commission de discipline eût infligé un total de huit matchs de suspension à ses coéquipiers Haas et Carlos Eduardo, Luis Gustavo a écopé d’une nouvelle expulsion pour deux attentats et un geste revanchard. Le Brésilien réussit ainsi le Grand Chelem en étant leader des classements du plus grand nombre de fautes commises, de cartons jaunes et de cartons rouges reçus ! Dans le même style, le teigneux capitaine du KSC Maik Franz a fait son retour au jeu après cinq mois d’absences sous les vivats du Wildparkstadion à la 77e. Neuf minutes plus tard, il écopait d’un avertissement synonyme de suspension pour le prochain match à Leverkusen.
Un autre retour, réussi celui-là, après une longue absence, est celui de Christoph Spycher lors de la victoire de l’Eintracht Francfort sur Mönchengladbach (4-1). SGE peut entrevoir son maintien, les Fohlen nourrir beaucoup de regrets : de n’avoir pas ouvert le score par Marin en début de match et de n’avoir transformé qu’un seul des deux pénaltys obtenus entre la 65e et la 75e.

Tabellenrechner

Cette Bundesliga 2008-2009 continue de battre tous les records d’affluence. Ce week-end, on a joué à guichets fermés à Cologne, Bochum, Bielefeld, Francfort, Wolfsburg et Hambourg, il n’y avait que quelques centaines de places vides à Gelsenkirchen et Karlsruhe, alors qu’ils étaient 68’022 pour Hertha – Werder. Et l’indécision pour le titre, les places en Ligue des Champions, en Coupe UEFA ou contre la relégation va encore augmenter l’engouement. Si tu veux te faire une idée sur les enjeux de cette fin saison, va faire un tour ici (http://www.bundesliga.de/de/liga/spieltagsrechner/index.php) : tu pronostiques les dernières journées et le classement s’adapte en fonction de tes résultats. Je me suis prêté à l’exercice : ça donnait Wolfsburg champion, ça ne m’enchante pas mais c’est relativement crédible (même si Magath continue d’assurer que le Bayern sera champion), Dortmund en Ligue des Champions et le Bayern éjecté de toute compétition européenne. J’ai pas dû faire ça de manière très objective…
Cet engouement pour le foot en Allemagne ne s’arrête pas en première division : dimanche, ils étaient 46’780 (guichets fermés) en Zweite Liga pour la victoire de Nuremberg (avec Gygax depuis la 79e) contre St. Pauli 2-0. Grand favori du championnat, der Club s’installe pour la première fois de la saison dans le duo de tête, après avoir longtemps squatté le ventre mou du classement. La tendance qui se dessine actuellement, c’est que Freiburg et Nuremberg vont obtenir les deux tickets directs pour l’ascension alors que Mainz, Fürth, Aachen et Kaiserslautern se disputeront la place de barragiste.
Le choc au sommet de la Dritte Liga entre le Fortuna Düsseldorf et Union Berlin (0-1), a lui attiré 27’375 spectateurs. Cette victoire assure la promotion aux Berlinois. Il reste une place de promu direct et une place de barragiste à se disputer entre Paderborn, Unterhaching et Düsseldorf. On espère vraiment que le Fortuna y arrivera, un club qui parvient à drainer près de 30’000 spectateurs en 3e division mérite d’aller voir plus haut. Et même en Regionalliga Nord (4e division), ils étaient plus de 10’000 pour un Magdeburg – Sachsen Leipzig. L’Allemagne, c’est vraiment une autre planète !

Écrit par Julien Mouquin