Illusions en berne

Comme il a l’air facile, ce but de Roman Wick ! Pendant toute la rencontre, pendant tout le tournoi même, à l’exception de la partie contre la Suède, les Suisses ont tout tenté, ont pilonné les gardiens adverses, et rien ou presque n’a voulu entrer. Et là, sitôt la qualification définitivement enterrée, il aura suffi d’une attaque, un seul tir qui va se loger comme une fleur dans la lucarne du but gardé tant bien que mal par Robert Esche. Le hockeyeur suisse résiste décidément toujours aussi mal à la pression. Hormis Reto von Arx et Marcel Jenni, mais c’est une autre histoire.

La Suisse termine donc ce tournoi maudit sur une victoire, sur un Cantique Suisse dont on s’aperçut à quel point il ressemble à une marche funèbre. Comme un dernier clin d’œil vicelard d’une fortune qui n’aura jamais voulu sourire aux locaux. Et si c’était ça, la différence entre les qualifications pour les quarts et cette élimination prématurée ? Ce soupçon de réussite qui semblait jusque là coller aux basques de Ralph Krueger. Et qu’il lui aura fait défaut en cette occasion où son équipe a développé un jeu plus ambitieux. Comme si sa bonne étoile était sertie dans le béton.En tout cas, la qualification helvète n’aura pas été perdue contre les États-Unis, tant les chouchous de la  Postfinance Arena auront montré un état d’esprit admirable, se battant comme des guerriers, et ne cédant jamais au désespoir malgré la résistance américaine et quelques coups du sort : la blessure de Julien Sprunger, victime d’une charge scandaleuse de David Backes, ou beaucoup plus anecdotiquement, cet envoi de Thomas Ziegler qui s’écrase en plein sur le poteau avant que, sur la contre-attaque, Chris Higgins ne ramène son équipe à hauteur d’un demi-tir qui glissait sous le bras de Martin Gerber.
Tout juste regrettera-t-on un deuxième tiers où ressurgirent les vieux démons attentistes, et où l’agressivité se transforma en fautes à répétition. Autant d’aubaines pour le canonnier Ron Hainsey qui s’éclata à la ligne bleue, profitant des écrans de Chris Higgins ou de Kyle Okposo.
Et si l’on veut chercher une explication au mutisme hélvétique qui soit plus constructive que le manque de chance, c’est bien du côté du slot qu’il faut regarder. À part un Ryan Gardner hélas diminué par une blessure à la main, il n’y a pas grand-monde en Suisse pour se sacrifier au cœur de la défense adverse. C’est pourquoi les solutions simplistes à base de «il fallait sélectionner von Arx et Riesen» ne font pas avancer le schmilblick. Qui peut croire que les deux (encore) Davosiens seraient allés prendre des coups face à Ballard et consorts ?
Sauf surprise, Ralph Krueger pourra continuer l’aventure jusqu’au terme de son contrat, dans une saison 2010 qui devrait ressembler à une tournée d’adieu. Au moment de s’en séparer, il conviendra de se souvenir qu’il a permis à une équipe de Suisse engluée dans le groupe B de retrouver son rang, et surtout qu’il l’a amenée régulièrement à niveau très proche de son plafond. Il sera sans doute bénéfique d’apporter une nouvelle vision sur le hockey international suisse, mais il est également évident que pour passer une nouvelle étape, voire pour se maintenir à ce niveau, des changements de fond, notamment dans la formation des joueurs, devront également intervenir.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

USA – Suisse 3-4 a.p. (0-1, 3-1, 0-1, 0-1)

Bern Arena, 10’317 spectateurs.
Arbitres : P. Orszag, D. Piechaczek ; É. Bouguin, A. Kicha.
Buts : 9’42 A. Ambühl (M. Streit, S. Blindenbacher / 5 contre 3 / D. Backes, D. Brown) 0-1, 25’57 R. Hainsey (J. Pavelski / 5 contre 4 / T. Paterlini) 1-1, 31’03 R. Lemm (S. Jeannin, R. Wick) 1-2, 35’08 C. Higgins (K. Ballard) 2-2, 39’48 R. Hainsey (P. O’Sullivan / 5 contre 3 / A. Ambühl, S. Jeannin) 3-2, 49’42 M. Plüss (F. Du Bois, I. Röthemann) 3-3, 60’13 R. Wick (M. Seger) 3-4.
USA : R. Esche ; R. Hainsey, R.Suter ; J. Johnson, J. M. Liles ; K. Ballard, M. Niskanen ; Z. Bogosian ; D. Backes, D. Brown, J. Blake ; K. Okposo, P. O’Sullivan, TJ Oshie ; J. Pavelski, C. Higgins, R. Shannon ; D. Stafford, L. Stempniak, C. Wilson ;N. Foligno.
Suisse : Y. Weber, M. Streit ; S. Blindenbacher, G. Bezina ; F. Du Bois, M. Seger ; R. Josi ; R. Wick, S. Jeannin, R. Lemm ; M. Plüss, I. Rüthemann, K. Romy ; A. Ambühl, T. Ziegler, T. Paterlini ; T. Monnet, J. Sprunger, R. Sannitz.
Pénalités : 8 x 2′ + 5′ + méconduite de match (D. Backes / attentat contre J. Sprunger) contre les USA, 7 x 2′ contre la Suisse.

Écrit par Yves Grasset

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12 Commentaires

  1. « Le hockeyeur suisse résiste toujours aussi mal à la pression » : mais c’est leur métier, nom d’une pipe ! Entre les footeux et les hockeyeurs, c’est un vrai chemin de croix que d’être supporter d’une bande de branques pareils. « Tous ces drapeaux, c’était trop », tu veux quoi, bobet, des bières sur la gueule ? C’est à peu près tout ce qu’ils méritent. Car c’est pas qu’ils soient mauvais (voir le but de Wick, effectivement, ça fait super ch… de voir qu’ils sont parfaitement capables d’être au top), c’est juste qu’on est un pays d’enfants gâtés où personne ne sait plus ce que se battre veut dire. Et je regrette, mais l’entraîneur a quelque chose à voir là-dedans. Mettez-nous Del Curto !

  2. …. C’est pourquoi les solutions simplistes à base de «il fallait sélectionner von Arx et Riesen» ne font pas avancer le schmilblick ….

    Affirmation bien erronée, il faut quand même oser replacer l’église au milieu du village et aborder le problème récurrent de la stérilité offensive du groupe actuel. Groupe qui se devait de ne faire qu’une bouchée de la France, voire de la Lettonie.

    Vouloir se passer des avants les plus performants de notre championnat au titre qu’ils sont des fortes têtes et ne cadre pas avec les principes de Mônsieur Krueger et on ne peut plus regrettable. Comment justifier ce type management par rapport à Weber qui, néophyte au niveau international, s’est vu aligné systématiquement en première ligne.

    Autre point surprenant, Streit, en plaçant sur la glace de manière quasi permanente notre représentant en NHL , Môsieur le coatch lui a fait porter une très grande responsabilité, tout ou presque n’a reposé que sur Mark, il suffit de voir la qualité des performances des Bézina’s et consorts pour s’en convaincre.

    Ici, j’adresse un vibrant « Merci Mark » don l’engagement sans faille et le professionnalisme n’ont d’égale que sa légendaire modestie. D’aucuns pourraient en prendre exemple, à commencer par le responsable en chef.

    Pour terminer je citerais un extrait d’article paru sur CR « … Tout omnipotent qu’il est, Krueger n’est qu’un employé que certains seraient bien inspirés de rappeler à l’ordre… « 

    On peut toujours rêver.

  3. « La Suisse termine donc ce tournoi maudit sur une victoire, sur un Cantique Suisse dont on s’aperçut à quel point il ressemble à une marche funèbre ».

    -> c’est à 100% l’impression que j’ai eu

    « il a permis à une équipe de Suisse engluée dans le groupe B de retrouver son rang, et surtout qu’il l’a amenée régulièrement à niveau très proche de son plafond »

    comme Köbi, il est ok pour amener des juniors dans le monde des adultes, mais ça va pas plus loin, surtout dans les moments importants…honnêtement je suis pas trop fan de Kruger, mais est-ce qu’on pourra faire mieux ?!

  4. Définitivement 11ans à la tête d’une sélection c’est trop long. Kruegger aurait du rester l’impulsion qui a fait du bien au hockey Suisse, mais là ça sent le placard, franchement il n’apporte plus rien sur le plan du jeux. Et surtout ne se remet pas le moins du monde en question,c’est un comble!

  5. « C’est pourquoi les solutions simplistes à base de «il fallait sélectionner von Arx et Riesen» ne font pas avancer le schmilblick. »

    C’est la même chose ailleurs, tant que les résultats sont là on peut laisser faire le sélectionneur comme il l’entend. Mais quand l’échec est flagrant et la manière alarmante, il est normal de remettre le concept sur le plan de travail et de poser les questions. Pourquoi jouer avec un Gardner blessé, balancer un Weber dans le grand bain au nez des « anciens », forcer le jeu autour d’un Streit au four et au moulin, laisser à la maison des éléments leaders dans le championnat et valides (il n’y a pas que les davosiens, il y a aussi Julien Vauclair dont la présence aurait avantageusement compensée celle de GB ou même d’un Blindenbacher très loin de ce qu’il a montré en Champions League), etc etc.

    Simpliste ? non, simple constatation par contre. Si l’équipe actuelle avait planté les buts qu’il fallait et pas commis certaines horreurs défensives il n’y aurait rien à redire. Mais ce n’est pas le cas, et il y avait des éléments potentiellement à même de combler ces lacunes qui n’ont pas été retenus, pour cause de caractère. Or c’est le job de KR de les rassembler et de les faire cohabiter. Il ne pouvait se permettre d’évincer certaines personnalités que tant qu’il disposait d’alternatives valables.
    Ce n’est plus le cas, donc il faut changer qq chose. Mais quant à moi, Ralph peut rester, je n’ai pas besoin de sa tête. Mais il faut qu’il saute pour reformer le meilleur groupe possible, alors qu’il saute. Sans que ça remettre le moins du monde son travail et ce qu’il à fait pour notre hockey en question.

  6. Pour une fois qu’un Biennois dit quelquechose d’intelligent sur le hockey…moi qui croyait qu’il ne connaissait rien à ce sport par là-bas au vue des résultats du HC Biou!

    C’est assez rare pour le relevé

    =)

    Allez sans rancune…

  7. Sans rancune Fredy, mais je suis génétiquement obligé de caillasser ta trottinette la prochaine fois que je te vois 😉

    (et vu le nombre de « vrais » biennois dans l’équipe du HCB, il est hasardeux de tirer un quelconque parrallèle entre ses résultats et le niveau de connaissance en hockey de l’habitant de Bienne lambda… mais ceci s’applique également pour toutes les autres formations évidemment…)

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