Tina est morte, vive Manathan !

Il est commun de lire sur CartonRouge.ch des comptes-rendus décalés sur des sports populaires ou de leurs plus glorieux représentants connus et appréciés de tous tels que le hockey sur glace en Nouvelle-Zélande ou les exploits du Président-Dictateur-Général du FC Sion. Tiens justement, ce dimanche c’est effectivement à Sion qu’il fallait être. Mais pas à Tourbillon pour rigoler d’une énième rouste des pensionnaires de Tourbillon. Non, il fallait être dans le petit village bucolique d’Aproz. CartonRouge.ch avait un envoyé spécial à l’évènement valaisan de l’année : la finale cantonale de combat de reines de la race d’Hérens. Reportage.

Une religion…

On le sait, le Canton du Valais est le gardien des traditions en matière de religion. Non pas par la présence ostentatoire du séminaire de la Fraternité Saint-Pie X au dessus d’Ecône qui pose tant de problèmes à Christian Constantin, mais bien par l’autre religion de tous les Valaisans, de ce sport qui unit les «bourbines du Haut» et les «Genevois ratés du Bas» aux Sédunois : les combats de vaches de la race d’Hérens.
A l’image de la joie du pèlerinage de Lourdes pour les faux catholiques usurpant le Siège de Saint-Pierre ou de celle de la vue d’Ecône pour les sédévacantistes en robe noire, le Valaisan attend avec impatience le jour de l’année où sera désignée la Reine des reines, l’unique vache qui mènera le troupeau (de brebis) sur le chemin de la Vérité. Aux abords de l’arène, une caractéristique odeur de Saint-Léonard envahit les narines du mécréant et ravit celles du croyant. Les combattantes sont bichonnées par leur propriétaire. Les cornes sont soignées des marques laissées par de précédents pugilats, les diverses blessures à la peau de ces animaux impressionnants sont «gommées». Chacun y va de sa tactique pour gagner : ici une bouteille d’abricotine placée dans l’abreuvoir d’une bête (ça désinhibe et en plus, ça ne se voit pas au contrôle anti-dopage), là une topette de Fendant (le poison local) offerte à l’adversaire. Ce qui est certain, c’est que les vaches offriront un spectacle aux quelques 12’000 personnes présentes (il faudrait  une saison complète au Lausanne-Sport à la Pontaise pour égaler cette affluence !) qui promet d’être inoubliable.

Ali, Foreman, Tyson ou Holyfield peuvent aller se rhabiller

L’organisation de la fête est réglée comme du papier à musique (Sentiers… valaisans…). Un bar à vin avec la célèbre Amigne de Vétroz tous les 25 mètres (maximum), un stand raclette tous les 50 mètres (minimum), une tribune aussi large que haute et un rond central sur lequel les mastodontes en décousent. Le principe est aussi simple qu’efficace : durant la haute saison, sur les alpages (qui constituent le 30% du territoire valaisan, le reste étant occupé par des cailloux) les troupeaux choisissent leur «chef» en recourant au combat loyal en un contre un. Ainsi une certaine sélection naturelle s’opère au sein des bêtes. Des tournois locaux servent ensuite à sélectionner les bovidés qui se disputeront le titre de reine durant la grande finale qui avait lieu dimanche pour cette année 2009. Les potentielles reines sont classées par catégories en fonction de leur poids : de la quatrième catégorie (les plus légères) à la première catégorie (les plus lourdes).

Tina, Reine des reines depuis deux saisons, éliminée sans gloire

Les combats se suivent, rythmés par les annonces du speaker «approchez la bête 76 et la bête 45» ou «on applaudit Ambroise Héritier & fils à Fully, propriétaires de Vipère classée 6ème». La reine de quatrième catégorie, la N° 101, est désignée. C’est une mise en jambes. Tout le monde attend le moment fatidique de la désignation de la reine de première catégorie, l’apothéose de la journée. Sera-ce Tina, vainqueur depuis deux saisons (qui avait elle même détrôné la légende Saphir en 2007) qui l’emportera pour un hattrick ou sa challenger encore inconnue. Les spectateurs, jeunes pour la plupart, ont fait des réserves aux nombreux bars sur le pourtour de l’arène, les tir-bouchons sont dégainés, les couteaux suisses tranchent le pain de seigle et le fromage d’alpage tout spécialement apporté pour l’occasion. L’ambiance est bon enfant et le restera jusqu’à la fin. La reine de troisième catégorie est désignée, ce sera la N° 43. Le public se fait de plus en plus nombreux, les derniers piliers de bar quittent leur position à la fin de la série de deuxième catégorie.
16h30, les choses sérieuses commencent. Parmi la dizaine de vaches de première catégorie encore en lice, se trouve la reine 2009. Une bronca accueille Tina, si tout le monde espère secrètement qu’elle détrône la légende Saphir au nombre de victoires de suite, les spectateurs aiment le beau spectacle. Pour gagner il faut se battre et pour se battre il faut prendre des risques. Tout l’inverse de ce qu’a présenté Tina : 45 petites secondes et la bête blessée quitte l’arène sous les huées du public. Le Valaisan est un battant, il veut une reine à son image et Tina n’en fait définitivement pas partie. Le public trouvera son idole en Manathan de Balet & fils à Conthey. La massive N° 21 n’aura de cesse de combattre toutes les imprudentes qui oseront se mettre en travers de son chemin. Tête contre tête, oeil contre oeil, museau baveux contre museau baveux, à chaque fois Manathan a littéralement écrasé ses opposantes. Il faut dire que ses 809 kg en faisaient la plus lourde de toutes.

Le Rhône de la Pensée présent mais conspué

Une dernière formalité attendait encore Manathan : un combat contre chacune des reines des autres catégories pour la désignation de la Reine des reines. Ce fut fait de la plus facile des manières. On a eu l’impression qu’un simple regard a suffit pour faire fuir les opposantes. A 18h environ, la N°21 est sacrée. Et comme c’est la tradition, elle reçoit un ruban rouge de la part d’une personnalité, valaisanne de préférence. Cette année les organisateurs avaient maladroitement choisi de demander au Valaisan le plus controversé sur ses terres (après Christian Constantin) : le conseiller fédéral Pascal Couchepin. A peine le nom du favori de Yann Lambiel cité, le public a hué, houspillé, hurlé son désaccord avec le natif de la cité du coude du Rhône. Ce fut – et c’est compréhensible – la seule fausse note de cette finale.

Écrit par Dr. Vincent Keller

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13 Commentaires

  1. A l’auteur,

    Saphir n’a été reine que deux fois ( 2004 – 2005 ), Manathan ne pouvait donc pas la détrôner, en plus tu parles à ce moment de ton article de la reine 2009 Tina qui a été reine en 2007 et 2008. Pour ton information, la plus grande reine de ces dernières années a été Souris, gagnante trois fois de suite en 1996 – 97 – 98 et jamais battue en combat officiel. Dans les années 20, au début des combats de reine, une de celle-ci à gagner 4 fois de suite et dans les années 50 une autre a gagner trois fois, mais c’est vrai que la superstar de ces dernières années, c’est Souris…

  2. @Chrimani : merci pour les corrections. C’était la première fois de ma vie que j’assistais à ce rendez-vous. J’ai écouté ce qu’on m’a dit sur place. Je n’aurai pas du …

    Mes plus plates excuses.

  3. c’est clair que si t’as écouté ce que les ‘spécialistes’ racontaient autour du bar de la cantine sur le coup des 18h, après ton 22ème apéro, on peut excuser ce petit détail erroné ..

    …est-ce que le combat de Reines est un sport ? …et pis (sans jeu de mots), CR se diversifierait-il car après le combat des coqs lémaniques, voici celui un ‘peu’ plus sérieux des icones valaisannes….

  4. Quel début de semaine sur CR ! Y’a vraiment de la qualité. Cher Docteur, merci pour ce papier délicieux qui parle avec humour de notre magnifique Valais. La plus belle région du monde…

    PS : t’énerves pas Chrimani 😉

  5. Très sympathique ce reportage de Vincent sur le combat des reines d’Hérens. Moi, j’ai bien aimé, en tout cas, en plus c’est très bien écrit et plein de jolies petites piques envers nos chers amis valaisans ( p.ex. « une topette de Fendant (le poison local) offerte à l’adversaire » : excellente celle-là! )

    Bon, bien sûr, un éminent spécialiste de ce sport(?) tel que Chrimani y a décelé quelques menues imprécisions, mais tant pis, je le dis avec bon coeur : Merci Dr Keller pour ce reportage ! Et c’est d’ailleurs très amusant que cet article arrive immédiatement derrière l’article consacré à deux autres combattants à cornes : G. Scheidegger et C. Mac Sorley !

  6. Sympa , pourquoi pas, mais….

    je me pose toujours la question : pourquoi faut-il un direct sur la TSR pour des vaches, alors que certain sport plus importants ou plus populaires ( exemple : lutte suisse ) n’ont jamais le droit d’avoir un direct ou des reportage. ça me tue…. 🙁

    Eh qu’on viennent pas me dire que la fête fédéralede lutte est retransmise tous les 3 ans … la dernière fois c’était même pas en direct…???!!! Ah bravo! Vive la TSR.

    Sinon , j’aime bien les vaches.

    PS: peut-être que vu le nombre de valaisan à la TSR, ceci explique cela…???

  7. Il faut savoir que la retransmission a été « sponsorisée » par la marque « VALAIS », qui a été d’ailleurs présentée au début de reportage et entre les coupures publicitaires.

    La marque VALAIS a payé quelques 40’000 frs pour que la journée soit retransmise à la TV….

    Sinon excellent article. Petit précision encore, les bêtes sont bien classées par poids, mais uniquement de la 3ème à la 1ère catégorie.

    Les bêtes luttant en 4ème catégorie sont ce qu’on appelle des 1er veau au primipare. Ce qui signifie qu’elles n’ont vêlé qu’une seule fois, et sont donc encore jeune.

    Ce qui peut se voir dans leur façon de lutter qui est plus du « je te pousse, tu me pousses » que de la réelle technique.

  8. Un direct sur la TSR pour quelques Valaisans…..
    C’est le genre d’émission qui doit passer sur Valais TV ou je ne sais pas quoi….ou au moins sur TSR 2…
    Je commence vraiment à en avoir ras-le-bol de cette valiser connection qui sévit à la TSR. Jamais un reportage sur le Jura ou Fribourg ou les montagnes Neuch. Non toujours le Valais !!!!
    Purée, entre le FC SION, La Manuela dans son bistrot et tous les petits reportages « à quelques part au Valais »…. Et maintenant on les entend encore sur Carton Rouge….ça devient vraiment pénible !!!!! Pourtant quant on voit les personnes influentes du Valais (Darbellay, Couchepin Freysinger, ou Constantin) ben je ne vois vraiment pas où est la fierté d’être Valaisan…..(je me demande même si Ted Robert ne serait pas d’origine Valaisanne).
    Bon l’avantage, c’est que ça a fait de moi un énorme supporter des BSCYB !!!
    A part ça joli reportage, et comme l’excellent stoppeur Pitou j’adore les vaches !!!

  9. @Grammophone
    …quelque part EN Valais !!! Nom de tcheu va…
    Tu as raison pour le reste. Mais on ne rigole pas ni avec la finale de coupe, ni avec la finale cantonale.

  10. @ Pitou
    Mince de mine, sentirais-je une pointe d’aigreur dans tes propos…
    Si mes souvenirs sont exacts, la dernière Fête Fédérale de Lutte (Aarau 2007) a été couverte en intégralité sur la TSR…
    Et si mes calculs sont bons, en Suisse Romande il y a plus d’eleveurs bovins que de lutteurs à la culotte de jutte…
    Si on organisait un petit combat entre Jorg Abderhalden et la jeune Manathan ? Youhouhou !!!

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