«C’était mieux avant» avec Denis Bolomey

Alors que ses contemporains «descendent à la capitale» (lisez venir à Lausanne) généralement une fois l’an lors de la Mecque du Comptoir suisse, Denis Bolomey*, lui, y vient tous les dimanches de match.

Sa journée est réglée comme du papier à musique et rien n’est laissé au hasard de peur de manquer une minute de ce qui s’annonce comme «le match à ne pas perdre face à une équipe facile à prendre qui erre dans le ventre mou du classement». Après avoir écumé les pages sportives de la Tribune du dimanche, Denis se met silencieusement à table afin de prendre des forces avant la rencontre. Au menu, un papet vaudois, bien sûr, une tradition qui prend racine dans les plus jeunes années de Denis alors que celui-ci aidait dans l’exploitation familiale. Denis, un brin superstitieux, ne mange rien d’autre les jours de match, la faute à ce fameux 2 juin 1999 et la mortifiante défaite 2-5 face à Servette lors du dernier guichets fermés à la Pontaise. Ce jour-là, et c’est présent encore dans bien des mémoires, Vurens crucifia les Lausannois. D’après Denis l’explication est claire, il avait mangé la soupe aux oignons de la jeunesse de Bercher «pour faire plaisir» à la fille Magnin quelques heures avant le match.


Denis et son père lors du Mondial 54

Denis se met à table silencieusement, fait une rapide prière destinée au LS puis mange calmement. Sa femme nous expliquera plus tard que son mari est tellement tendu et nerveux qu’il ne parle jamais beaucoup les jours de fête. Après le papet, un café-pomme pour la digestion et direction le canapé pour suivre les exploits des skieurs suisses. «C’est quand même bonnard le ski pour faire une sieste» (roupillon dans le texte). Ensuite, il se dirige vers son armoire à souvenir pour y sortir son écharpe bleue et blanche aux couleurs de son club fétiche tricotée patiemment par sa femme lors d’un hiver trop long, prend le sandwich au Parfait que lui a préparé consciencieusement sa femme et qu’il jettera à peine le seuil de porte franchi parce qu’«on va quand même ruper une wourscht à la mi-temps pis pas se faire chier avec cette sécheresse» et se dirige vers la gare de Bercher où l’attend le LEB de 1346. Au fil du voyage et que les wagons se remplissent, des amis de Denis le reconnaissent et le saluent. Denis est heureux entouré des siens et la chaleur commence à monter, la Pontaise s’approchant. Le moment est idéal pour déboucher une topette de la cuvée du docteur… Arrivée devant le temple, la section Gros-de-Vaud s’organise et monte en un groupe uni et compact rejoindre leur place, la même depuis une vingtaine d’années. Le match peut commencer, la bière est fraîche, le programme lu scrupuleusement, les récits de la semaine et les derniers gags racontés.
A la lecture de la feuille de match, la tension monte d’un cran. «Faut pas s’étonner si les stades sont déserts, on reconnaît plus personne ! A l’époque c’était sympa de venir au stade, on connaissait toute l’équipe et les noms nous disaient quelque chose ! Le Gros-de-Vaud avait au moins huit joueurs présents sur la pelouse avec des gars comme Panchaud, Mermoud ou Favre. Aujourd’hui, avec tous ces étrangers qui marchent à la paie et qui changent de club plus souvent qu’une Dzo de culotte, on en connaît plus un seul ! Heureusement qu’il nous reste Favre…». Le sujet fait rage dans les rangs de la section Gros-de-Vaud et visiblement Denis n’est pas le seul à penser ainsi.
Enfin, les joueurs font leur apparition sur le terrain et le sport reprend ses droits jusqu’à la mi-temps, une première période qui laisse Denis aussi froid que la bise perçante de ce dimanche après-midi de mars. L’analyse à la mi-temps est celle d’un fin connaisseur du club de la capitale. «La pelouse est grasse pis fait froid, c’est pas évident ! Mais ils vont y arriver à les battre c’te équipe de bourbines». Il est vrai que l’optimisme est de mise, tant la domination du LS est nette lors de cette première période. La buvette réchauffe les cœurs de nos fanatiques et la deuxième mi-temps de recommencer sur un rythme de sénateur. Le temps passe vite, l’arbitre fait de nombreuses erreurs, les occasions de but ne sont pas légions et les joueurs s’embourbent dans cette pelouse qui a souffert de cet hiver tenace, ce qui agace au plus haut point notre cher Denis.
A 10 minutes du coup de sifflet final, il se lève vert de rage et fout littéralement le camp. Avec peine, je le suis me faufilant entre les trop nombreux spectateurs et cours derrière ce diable de Denis qui a retrouvé une seconde jeunesse, grâce peut-être à cet excès d’adrénaline provoqué par ces joueurs trop propres et trop tendres à son goût. En courant derrière lui je n’entends qu’injures et noms d’oiseau alors qu’arrivés devant Beaulieu il s’en prend à une dame d’un âge certain qui sortait d’Habitat et Jardin et qui se rendait à Art on Ice pour voir évoluer le petit prince sur la glace de Malley. Arrivé au Flon, il saute dans le LEB et retrouve son ami Serge, lui aussi excédé par l’attitude nonchalante des joueurs lausannois. Le temps prend une autre dimension dans le Trans Gros-de-Vaud (TGV comme le nomme les autochtones) et à peine entré dans le train que nous voilà déjà arrivés à Bercher. Le temps pour Denis et Serge de descendre une désirée de la cuvée du docteur, refaire le match et promettre de ne jamais remettre les pieds dans ce «maudit stade».

En arrivant chez lui, une agréable odeur de fondue flotte et sa femme bienveillante lui souhaite la bienvenue. «C’est pas le moment de m’emmerder, bedoume. Et tu peux ranger ta merde, j’ai pas faim» lui rétorque-t-il sans même lui adresser un regard. Denis n’a qu’une idée en tête : détruire son abonnement de saison sur billot ! Après avoir ouvert le borancle d’un coup de pied rageur, aucune pitié, il s’acharne à la hache sur son abonnement et ne lui laisse aucune chance. Après cette scène de boucherie, consultation méticuleuse du télétexte et les charognées de rigueur à la lecture de la page 202, puis direction la chambre à coucher pour s’étendre sur son lit.
Mais Denis ne trouvera pas le sommeil, lui qui, depuis la Coupe du Monde 54, n’avait jamais raté un match à la Pontaise. Il essaie donc depuis 3h30 de joindre le secrétariat du club pour demander un duplicata de son abonnement soi-disant égaré dans le LEB et réserver le car pour Thoune. «Mais ces trous du cul en ont rien à foutre du club, ils n’en branlent pas une avant 9h».
Une véritable histoire d’amour. Une bonne raison d’aller à la Pontaise plutôt qu’à Malley, outre le fait qu’on attend moins longtemps à la buvette.
* supporter de la première heure du Lausanne-Sports (et non FC Lausanne-Sport, précision apportée par notre sujet)
Photo Carrupt Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Lausanne-Sport – Kriens 0-0 (0-0)

Pontaise, 700 spectateurs selon le speaker, 350 selon CartonRouge.ch.
Arbitre : M.  Wermelinger
Lausanne-Sport : Favre ; Geiser, Buntschu, Meoli, Sonnerat ; Vandenbossche (74e Pimenta), Ndzomo, Marazzi, Tosi  ; Carrupt (46e Hélin), Madou (83e Gaspar).
SC Kriens : Djukic ; Foschini, Ferricchio, Imholz, Fanger ; Stadelmann (46e Shalaj), Darbellay, Mangold, Thüring (91e Karanovic) ; Pacar, Tadic (75e Piu).
Cartons jaunes : 30e Sonnerat, 52e Shalaj, 85e Geiser, 87e Imholz.

Écrit par Yannick Freymond et Sébastien Junod

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11 Commentaires

  1. Mme Bolomey tient à remettre les pendules à l’heure:
    Mon mari na jamais quitté la maison avec un sandwich trop sec et il n’a jamais refusé une fondue. Cet article est truffé de mensonges.
    A bon entendeur. Sophie Bolomey.

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