Les kings de la culotte

La Suisse est une monarchie. Tous les trois ans, elle désigne son roi. A l’ancienne. A mains nues et en culottes. C’est un peu l’UFC des montagnes avec ses stars plus agricoles que bling-bling. L’année 2010 a couronné Wenger Kilian, mais nous on préfère Pellet Hanspeter.

D’abord les faits: Frauenfeld, 200’000 spectateurs, officiellement autant de litres de bière, mais sans aucun doute beaucoup plus, des kilomètres de Wurst, des gros barbus, un caillou à lancer, du hornuss, un roi déchu en la personne d’Abderhalden Jörg et un digne successeur. Wenger Kilian, à peine 20 ans, Bernois, une bonne tête d’UDC modéré version Adolf Ogi et surtout une suprématie totale avec 8 victoires en 8 passes. Oui on nomme les combats des passes. Mais non, Zahia ne s’intéresse pas à la lutte à la culotte, pour elle il n’y a que les strings…Maintenant que ça c’est fait, on peut s’intéresser à la vraie star de cette Fête Fédérale. Il vient de la Singine et ne parle logiquement pas un seul mot de français, mais à lui tout seul, il fait pourtant survivre la Romandie dans le paysage rustique de la lutte suisse. Son nom: Pellet Hanspeter. Fribourgeois, il fait donc partie de l’ARLS, Association romande de lutte suisse. Un chemin de croix autant qu’un sacerdoce pour ce blondinet trapu au visage buriné. Rien de sexy, c’est clair. On ne parle pas là des starlettes du foot. Pourtant, à presque 40 ans, Pellet s’est offert une standing ovation à faire pâlir un champion en titre de Super League dans l’arène de Frauenfeld où il a accroché sa 135e couronne, record absolu. Une sortie par la grande porte pour le lutteur le plus populaire du pays. Cette côte d’amour hallucinante, elle n’est franchement pas facile à expliquer vu qu’il n’a jamais été roi. Sa lutte offensive et son fighting spirit demeurent les arguments de poids du Singinois…
A l’heure de prendre sa retraite, il peut avoir deux regrets. D’abord bien sûr de n’avoir jamais remporté la Fête Fédérale. Ensuite d’être né une vingtaine d’années trop tôt. Avec sa popularité, Pellet aurait sans doute fait fortune et abandonner ses activités dans le bâtiment. Car le fric et les sponsors font une entrée sur fond de polémique dans le milieu de la lutte. Stücki Christian, par exemple, a signé chez IMG, comme Cancellara et Federer. Avant la Fête Fédérale, on estimait qu’en cas de victoire, il pourrait engranger un million de francs grâce à divers contrats… C’est pas encore les revenus de Rodg’, c’est clair. Mais lui au moins, il ne doit pas se taper Mirka. D’ailleurs s’il a une copine, on va surtout pas essayer de lui la voler. Stucki c’est quand même deux mètres pour 150 kilos.
A l’ouest de la Sarine, on ne parle pas encore business. C’est un autre monde. L’ALRS, c’est un peu le «Arles-Avignon de la lutte». Une petite association, des moyens limités et cette incapacité chronique des francophones à atteindre le haut niveau. La lutte c’est un truc de Suisses allemands, mais quand même… on est vraiment nuls ! Tous les meilleurs de l’association sont germanophones, car derrière Pellet Hanspeter, on trouve son frère Michael ou encore Zbinden Stephan. Un nom quand même: Berset Frédéric, meilleur lutteur avec qui on peut communiquer et qui a frôlé la couronne à Frauenfeld. Qu’on se le dise, la lutte comme le hockey ou le football appartient aux Alémaniques, tout du moins les titres. De toute façon, on peut s’estimer heureux, ils nous ont laissé, ainsi qu’au Tessinois, le basket… Vraiment généreux les gars !
A croire par moment que la Romandie ne sert à rien. Au final, heureusement que tous les 15 ans on organise la Fête Fédérale, sinon ils nous auraient peut-être déjà cédé à la France. Donc après Berthoud (qui deviendra donc Burgdorf pour l’occasion) en 2013, notre tour viendra en 2016. Sur les rangs: les cantons de Fribourg, Neuchâtel et Genève qui voudraient mettre sur pied l’évènement à La Praille. Sans doute encore une mauvaise blague de Daniel Quarcopoome, le fameux promoteur du concert de Prince… A moins que ? Non ! Pas Marc Roger quand même…

Écrit par René Jean