Le «Régal» de la montagne s’en est allé

La manche la plus spectaculaire des championnats d’Europe de course de côte, St-Ursanne – Les Rangiers, a connu une fin tragique. Dimanche 15 août peu avant midi, la formule 3000 de l’as de la spécialité, Lionel Régal, s’écrase contre un arbre à une vitesse avoisinant les 200 km/h. Le pilote français au palmarès fulgurant décède sur les lieux de l’accident. Un fait de course auquel personne ne veut croire.

Il est 11h42 lorsque Lionel Régal se présente au départ des 5’169 mètres du tracé jurassien. 350 mètres de dénivelé à avaler avec une pente moyenne de 7%, une manche terminée en moins d’une minute et cinquante secondes dans de bonnes conditions. Samedi, jour d’essai, Régal offre un récital en s’imposant en une minute et 49 secondes sous une pluie continue. Il compte plus de six secondes d’avance sur son poursuivant, un monde ! Mais le jour de la course, tout est différent, sauf la météo, malheureusement. Selon des témoins, Lionel Régal paraît soucieux et appréhende la montée sous ce ciel hostile et cette route détrempée. Il s’élance sur une piste qu’il maîtrise mieux que quiconque. Mais sur une courte ligne droite qu’il attaque à près de 200 km/h, il perd la maîtrise de son bolide, vraisemblablement à cause de l’eau inondant la route, et s’encastre dans un arbre. La formule 3000 du pilote français se déchire en deux et Régal est éjecté de sa monoplace. La sanction est irrévocable : l’homme aux innombrables victoires à St-Ursanne décède sur les lieux de l’accident, lors de cette épreuve si sinueuse qu’il connaissait sur le bout des doigts et domptait de main de maître.

Un palmarès enviable

Lionel Régal, c’est le roi de la course de côte automobile. Un sport peu médiatisé mais tellement spectaculaire pourtant. Un peu trop parfois peut-être. Mais nous entrerons plus loin dans la polémique. Le pilote français pèse cinq titres de champion de France de la montagne et un titre suprême de champion d’Europe en 2008. Cette année encore, il était en bonne voie pour enrichir son palmarès d’un nouveau titre de champion national. Pour les amateurs de ce sport, c’est donc une légende qui s’en est allée durant le week-end de l’Assomption, un peu comme si un Sébastien Loeb ou un Michaël Schumacher venaient à décéder dans leur bolide. La souffrance est peut-être encore plus grande, tant le milieu de la course de côte est familial. C’est un peu le père, le guide des mordus de vitesse en côte qui a quitté les siens. Cela rappelle la tragique destinée du père de Lionel Régal, lui-aussi décédé lors d’une épreuve de course de côte en 1997.

Des conditions dantesques

Il va sans dire que le monde de la course de côte est des plus dangereux. Rappelons peut-être en quoi consiste de telles joutes : il s’agit de parcourir un tracé sinueux en montée le plus rapidement possible. On ne parle donc pas de sécurité, de piste ou encore de ralentisseurs. Les pilotes s’élancent sur des routes cantonales fermées pour l’occasion. Des bottes de paille le long des rochers remplacent les pneus des courses automobiles télévisées ; les bacs à sable du petit écran, qui offrent une marge d’erreur au pilote, sont substitués par des arbres en bord de route. Certes, les abords de la chaussée sont quelque peu aménagés, mais c’est risible.

Quelques coups de balais sur le bitume, la disposition de garde-fous un peu plus conséquents que d’accoutumée et c’est à peu près tout. Autant dire que de voir passer des bolides à plus de 200 km/h entre rochers et talus a une saveur particulière, une sorte d’adrénaline déplacée. Elle l’est d’autant plus lorsqu’on prend en considération les conditions difficiles du week-end dernier. La visibilité était diminuée par les averses fréquentes et la route sauvagement détrempée avec, par passages, des rigoles qui traversaient le terrain de jeu des fous du volant. C’est d’ailleurs a priori l’une d’elles qui a coûté la vie à Lionel Régal. Alors, bien sûr, tout un chacun se demande s’il n’est pas temps de changer quelque chose à cette course des Rangiers où tout va trop vite, où tout est si dangereux. Mais faut-il toujours attendre le décès d’un coureur pour se poser ce genre de questions ? Ne sommes-nous pas conscients des dangers que comportent de telles courses ? Il faudrait être dupe.
Alors que faire ? Tenter de ralentir le tracé par des chicanes ferait passer le statut de la course St-Ursanne – Les Rangiers de course de côte à slalom. Impossible. Améliorer la sécurité des pilote paraît inconcevable tant le tracé se dessine entre rochers, arbres et talus. La seule solution qui me vient à l’esprit est la diminution de la puissance des bolides. Mais là, le spectacle ne serait pas garanti et les pilotes seraient plutôt réticents à cette idée. D’ailleurs, je pense que de là haut, le dompteur de la côte aurait préféré que je ne soumette pas cette idée…

Écrit par Michel Leoni

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3 Commentaires

  1. Moi je pense qu’il faut monter en 2 CV…. oO

    N’importe quoi diminuer la puissance….. C’est justement pour ça que les pilotes font de la course auto…

    Je ne pense pas que monter avec moins de cv en côte soit très intéressant pour le public et encore plus pour les pilotes…

    Dans tous les sports il y a des risques de mort! C’est comme ça. Si on a peur on ne pratique pas.

    C’est la seule course de cote de suisse qui compte pour le championnat d’Europe des montagnes! La FIA était présente et donc toutes les mesures de sécurités ont été prises. C’est encore beaucoup plus strict qu’une course de côte normale.

    Ce n’est pas pacque sur les circuit de F1 il y a plus de dégagement pour les pilotes qui commettent des fautes que ça ne veut pas dire qu’il n’y aura plus jamais de mort…. je le souhaite bien sûr… mais c’est comme ça… tous les pilotes en sont conscient! C’est le risque du métier !

  2. Tout à fait d’accord avec Polowak.
    C’est accident, malgré sa tournure tragique, est pour moi un accident de course.
    On a beau diminué la vitesse des bolides, celle-ci restera toujours mortelle en cas d’erreur ou de casse mécanique, ou encore comme dans le cas de M. Régal un élément externe perturbateur.
    Ce même débat revient toujours après des accidents tragiques. On l’a tristement connu avec la mort de Senna en 1994, et encore dernièrement au « crash » d’Albrecht à Kitzbuehl. Bode miller s’est très justement exprimé à ce sujet à mon humble avis, il disait en résumé que s’il fallait taillé la piste à chaque bond, et s’il fallait mettre des chicanes à chaque virage pour ralentir le skieur, la descente n’en serait plus une. De plus selon lui, rien n’oblige un skieur d’aller si vite et de prendre autant de risques.

    Les risques font parti de leur métier, et c’est avec ce même risque que les pilotes de sport de vitesse travaillent chaque jour et qu’ils essaient de dompter avec de les réduire. D’ailleurs,c’est ce qui fait la beauté de ces sports de vitesses, des sports qui connaissent inévitablement des moments tragiques, comme celui qu’a connu la course des Rangiers cette année.
    M. Régal était un très grand pilote, il n’y avait qu’à voir les vidéos de ses montées à plein gaz sous youtube qui nous coupent le souffle. Cependant,à la vision de ces vidéos, on comprend bien à quel point tout se joue au mètre près. Et forcément, en quelques dizaines d’années de pratiques, au moins une fois ça se passe mal. Certains accidents spectaculaires et graves ont des fins « heureuses » (Albrecht, Kubica, Sato,Lauda, etc.) et d’autres connaissent des destins tragiques comme l’accident de Régal ou de Senna.
    Au risque de me répéter, on aura beau faire tous les aménagements possibles au bord de la piste, mettre deux-trois chicanes par-ci par-là pour réduire la vitesse, le risque zéro n’existera jamais tant que les courses de vitesses existeront. Quant à la puissance, on passera de 200 à 150 km/h, la seule chose qui diminuera, c’est le spectacle et malheureusement pas le nombre de décès sur les pistes.

    Ce sont les règles de la course, le pilote qui ne prend pas de risques ne gagnera jamais, celui qui freinera trop ne gagnera pas non plus.
    Améliorer la sécurité des pilote a éviter de nombreuses victimes. Des mesures drastiques en matière de sécurité avaient été prises suite à l’accident de Senna en 1994, et ce dernier reste la dernière victime de la Forumule 1, 16 ans après.
    Dans le cas des Rangiers, il semble plus difficile d’appliquer ces mêmes mesures drastiques, car c’est un milieu moins élitiste que la F1 et qui n’a surtout pas les moyens d’installer une infrastructure lourde et onéreuse pour abaisser de quelques pourcents un danger qui sera toujours présent.

    Pour conclure, s’il on veut garder l’esprit de la course,la solution miracle n’existe malheureusement pas à mon avis. Tant que des pilotes seront prêts à s’élancer à 200km/h sur des routes détrempées, sans dégagements et sinueuses, il y aura des décès. Cela fait partie du jeu, et les pilotes en sont conscients.
    M. Régal fait parti des ces nombreuses victimes que connaissent malheureusement chaque année le sport automobile en général . Et tant qu’il y aura des Hommes sur Terre, il y aura des courses. Celui qui se lance dans la course est conscient de ses dangers, et s’il on veut encore voir des courses, c’est un fait qu’il faut accepter. Tout comme le fait que chaque problème n’a pas forcément de solution…

  3. Lionel était très proche des organisateurs et concerné par la sécurité, chose très appréciée par les responsables de ces courses. Chapeau à lui et toujours dans nos coeur

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