Home run pour Everton

Dans un électrique 214ème derby de la Mersey à Goodison Park, Everton étouffe 2 à 0 les Red Sox de Liverpool qui évitent, de justesse, une dernière place historique au classement grâce à leur goal-average.

La semaine a été turbulente du côté des Scousers avec le rachat du club par John W. Henry qui représente un consortium américain déjà propriétaire des Red Sox de Boston, la franchise de baseball. Je ne vais pas m’attarder sur le long épilogue qui a mené à la vente et sur les diverses déclarations des uns et des autres concernant les coups bas et machinations orchestrées depuis des mois entre dirigeants, propriétaires, banques et futurs acquéreurs. Même une saga printanière du LHC paraît bien calme à côté. Ce rachat a été largement plébiscité et fêté par les fans des Reds. Je suis beaucoup plus dubitatif, bien que de nombreux points positifs existent : la dette du club est effacée (le club a été vendu à hauteur de la dette, soit 300 millions de livres sterling), une éventuelle faillite est évitée et la fédération anglaise n’a donc pas à intervenir par un retrait de points qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses au vu du classement déjà calamiteux de Liverpool. Last but not least, le club est débarrassé de ses propriétaires, eux-aussi américains, Hicks et Gillett, qui ont prouvé à maintes reprises une gestion de club digne de Waldemar Kita.Cependant, ne nous voilons pas la face. Les Red Sox n’ont pas acheté Liverpool pour la couleur du maillot, l’amour de la Cains à la pression ou parce que Henry est un fan des Beatles. Le nouveau propriétaire a bien compris que Liverpool ne marcherait jamais seul et si le «jamais seul» représente beaucoup de monde avec beaucoup de pognon, ça va aussi ! Mais bien que 300 millions ne soient pas une somme énorme pour un club comme Liverpool, je me demande de quelle manière il va les faire fructifier et s’il sait vraiment dans quoi il a mis son bas de laine. Je veux bien comprendre qu’un Russe investisse et blanchisse ses petro-gazo-dollars à Londres ou que diriger un club de football est «in» dans les émirats arabes, mais je ne comprends toujours pas ce que viennent faire les amis de l’Oncle Sam par ici ? Toujours est-il que ce rachat a donné une bouffée d’air frais du côté d’Anfield, qui peut enfin se concentrer sur le terrain et le travail ne manque pas.

Un pressing à délaver des chaussettes rouges

Les deux clubs, dont les stades ne sont séparés que par quelques centaines de mètres, sont mal barrés au classement et leurs entraîneurs sont sous pression. Aujourd’hui, malheur au vaincu ! L’ambiance est électrique à Goodison Park et la tension est palpable. Même les chevaux de la police montée semblent nerveux et conscients de l’ampleur de l’événement. C’est le match de l’année pour le quartier d’Everton, celui à ne pas perdre. Une victoire contre Liverpool à domicile et la moitié des objectifs de la saison est atteint. Je n’ai pas vraiment pu choisir ma place dans le stade et c’est donc au milieu des fanatiques bleu-roi que je vais suivre le derby. Je ne m’attends pas à ce que ce Liverpool, si fragile contre Blackpool, se rue à l’attaque à Goodison Park et ils ne vont pas me décevoir en bien.
Comme pour se rassurer avant le coup d’envoi, les fans du stade aux dix-huit mille places à visibilité réduite (même le Colisée doit avoir moins de colonnes) hurlent leur répertoire et éclipsent toute velléité vocale des Scousers, parqués derrière un poteau de corner. Everton applique un pressing impressionnant dès le coup d’envoi. J’ai rarement vu une équipe entrer sur la pelouse avec autant d’envie et de rage et cela ne va pas refroidir l’ambiance, loin s’en faut, qui gagne encore en intensité. Je n’ai pas vécu de tels matchs mais je suis certain qu’on ne doit pas être loin de l’ambiance d’un Fenerbahçe – Galatasaray ou d’un Boca Juniors – River Plate, les pompiers en moins. Le premier gros tacle arrive après onze secondes de jeu. Il est l’œuvre de l’une des faucheuses hollandaises encore en activité en Europe, Heitinga, et le stade se lève déjà sur cette première intervention. Webb distribue rapidement trois cartons jaunes afin de contrôler, un tant soit peu, la partie. Liverpool, étouffé, perd rapidement la maîtrise du ballon et ne va pas vraiment approcher des seize mètres adverses pendant les 25 premières minutes de jeu. Il résiste comme il peut défensivement, grâce à un Kyrgiakos des bons jours, face à la fougue des Toffees. Entre le pressing d’Everton, les tacles et fautes à répétition et l’embouteillage au milieu de terrain des Reds, le début de partie n’a pas débouché sur beaucoup d’actions concrètes, mais on ne s’ennuie pas pour autant.

Everton en transe

La première salve d’Everton terminée, il semble que Liverpool ait besoin de temps pour souffler et comprendre ce qui lui arrive. Gerrard et compagnie ne vont donc pas vraiment profiter d’une petite accalmie. Malgré l’absence de la touffe de cheveux belge et de la piquette de Morges sud-africaine, le milieu de terrain d’Everton va prendre l’ascendant sur celui de Liverpool, composé pourtant de cinq joueurs de terrain et pas des moindres. En alignant Gerrard, Cole, Maxi Rodriguez, Meireiles et Lucas, on doit faire la différence. Mais ces demis sont aussi complémentaires qu’Allegro et Wawrinka en double ou que Gerrard et Lampard en sélection. Howard n’a pas vraiment été mis à contribution en première mi-temps, si ce n’est sur une tête de Torres qui prolonge un centre de Cole et qui force le dernier rempart à dévier en corner. Puis, alors que Liverpool semble reprendre timidement le jeu en main, Konchesky et Lucas se font des politesses sur le côté, permettant ainsi à Coleman de déborder et de centrer aux neuf mètres pour Cahill qui ne se fait pas prier et envoie une cacahuète sous la transversale de Reina. Il faudra deux bonnes minutes pour que les gens autour de moi retrouvent leur siège, le but ayant donné lieu à un véritable lâché de mikado humain dans le kop d’Everton. La première mi-temps se termine donc sous les chants de Goodison Park.
La seconde période n’est vieille que de quatre minutes lorsque, sur un corner, Kyrgiakos dégage de la tête sur Arteta, seul aux seize mètres. Son extérieur brossé traverse la forêt de joueurs devant un Reina impuissant et lui permet de doubler la mise devant une tribune en délire. Everton recule logiquement et donne quelques sueurs froides à ses supporters. Mais, malgré une domination territoriale, Liverpool n’est dangereux que par trois frappes de Meireles, toutes captées par Howard, et par un vieux tir de Torres qui a certainement dû retenir sa jambe au moment de frapper, de peur de se blesser. Avec des passes stéréotypées et une remontée du ballon aussi rapide qu’un Belge dans le col du Grand-Saint-Bernard, Liverpool est sans idée, sans hargne et sans passion.
Finalement, ce sont encore les Toffees qui ont les meilleures occasions : Beckford, fraichement entré, enlève trop son tir sur une rupture menée par Phil Neville, le moins agaçant des deux frères (et de loin), et par l’excellent Yakubu. Au fil des minutes, le «Gwladys Stand» comprend que le derby est acquis et que ce Liverpool-là ne pourra pas revenir. C’est la fête dans les tribunes, dans le quartier et dans les pubs.

A quand le déclic ?

A la base, je suis un adepte de Roy Hodgson et je ne crois vraiment pas que le «costume est trop grand pour lui», comme le disent de nombreux footix. Quand on a eu du succès à l’Inter, je ne vois pas en quoi il serait plus compliqué pour un manager anglais de gérer Liverpool. Par contre, je ne suis que très peu convaincu par ses recrues Jovanovic, Poulsen ou Konchesky. Et au vu de la performance de Liverpool ce dimanche, soit autant d’occasions que d’appartements vacants à Genève, dire à la fin du match que «malgré la défaite, c’est le meilleur match qu’on a joué cette saison» ne plaide pas en faveur de l’entraîneur. La cote des bookmakers pour qu’Hodgson soit le prochain entraîneur viré de Premier League est passée à 15 contre 8.
L’autre gros point d’interrogation concerne évidemment Torres. Une nouvelle fois à côté de ses pompes, El Niño est un poids mort sur le terrain. Quand votre unique attaquant n’est pas capable de recevoir le ballon, de le protéger et de le redonner, le match devient tout de suite plus difficile. L’Espagnol n’est que l’ombre de lui-même et un gros fardeau à trainer pour tous ses coéquipiers. C’est de son état de forme que dépendra, en grande partie, l’avenir immédiat des Scousers. C’est le seul attaquant estampillé «classe internationale» de l’effectif et sans un retour en forme de son numéro 9, l’équipe aura de la peine à répondre à l’attente placée en elle. Dans toute cette morosité, l’unique lueur d’espoir pour les Reds vient de la lecture du classement. L’Europe n’est, finalement, qu’à cinq points, ce qui constitue un petit miracle en soi après ce début de saison catastrophique.

Everton – Liverpool 2-0 (1-0)

Goodison Park, 39’673 spectateurs.
Arbitre : Howard Webb.
Buts : 33e Cahill 1-0, 49e Arteta 2-0.
Everton : Howard; Neville, Jagielka, Distin, Baines; Coleman, Heitinga (71 Hibbert), Arteta (73 Beckford), Osman (45 Bilyaletdinov); Cahill, Yakubu.
Liverpool : Reina; Carragher, Skrtel, Kyrgiakos, Konchesky; Gerrard, Lucas (70 Ngog), Meireles, Cole (79 Babel), Maxi Rodriguez (84 Jovanovic); Torres.
Man of the match : Coleman.

Écrit par Ludovic Schmutz

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13 Commentaires

  1. Jovanovic n’est pas une recrue de Roy, mais de Benitez.

    Pour moi il ne fait aucun doute que Hogdson ne sera plus entraineur à Noël.

  2. Bel article avec beaucoup de style et très agréable à digérer.

    En tout cas plus que celui délivré par les Reds ces derniers temps o/0………

  3. J’ai été à Goodison Park il y a deux ans. Certes, c’était pas contre Liverpool (mais WBA), mais ils avaient gagné 4-0 et l’ambiance était inexistante… Grosse déception. D’autres expériences en premier league parmi les lecteurs?

  4. Malgré tout le respect que j’ai pour Roy Hodgson, je ne suis pas convaincu par sa présence sur la banc de Liverpool… Va-t-il sauter prochainement ? C’est possible, mais il est important de rappeler que Liverpool a une culture incroyable en terme de stabilité avec seulement 17 managers (RH inclus) depuis 1896 et un seul a été demi de ses fonctions !

    Par contre parler de succès avec l’Inter est un peu maladroit, car une 7ème place en Série A suivie d’une 3ème place accompagnée d’une lamentable défaite en finale de l’UEFA contre Schalke, il n’y a pas de quoi bomber le torse.

  5. Début du paragraphe 4: « les fans du stade aux 18’000 places (…) »
    Fiche technique du match: Goodison Park: 39’673 spectateurs.
    2 personnes pour chaques places ?
    Bon, ma remarque ne veut pas dire que je me suis emmerdé en lisant l’article, c’est juste en passant.

  6. Bon article 🙂 C’est clair, et j’ai pris du plaisir à le lire !

    Petite correction : Galatasaray (avec un « s » ;)) Tu aurais pu rajouter à coté « des pompiers en moins », des bouses de vaches, cailloux, et tout autre objet volant facilement dans le secteur visiteur 😀

  7. @fil

    j suis allé 3x à Goodison Park est effectivement l’ambiance était plus que calme, notamment ma dernière visite l’année passée en ouverture contre Arsanal (défaite…6-1)

    Par contre dans une rue parallèle au stade, un vieux pub abritant des fanatiques de tout âges, particulièrement ronds, étaient justes magnifiques.

    Merci Com, je pensais la même chose que toi concernant le « palmares » de Roy à l’Inter…

    Sinon bel article et ca fait toujours plaisir de suivre le résumé d’un match anglais, merci.
    Ludovic, aurais-tu le temps de nous faire un premier bilan, à la sauce carton rouge, duchampionnat 1dc4?

  8. @ fil: j ai été les voir la saison passée contre Manchester City et, effectivement, rien à voir avec l’ambiance du derby!

    @ Saxou: la capacité du stade est de 40’000 et des poussières, mais Everton vend plusieurs milliers de places « à visibilité réduite » car derrière les innombrables colonnes 🙂

    @Captain Marvel: c’est pas faux que le palmares de Roy est pas exceptionnel, mais un joli parcours en UEFA.
    Merci. Je vais y songer!

  9. @saxou
    Extrait de Wikipédia : « Ce stade de 40 260 places fut inauguré le 24 août 1892. Le record d’affluence est de 78 299 spectateurs le 18 septembre 1948 pour un match de championnat Everton FC-Liverpool Football Club. »

  10. J’étais au match, et le « lâché de Mikado géant » décrit vraiment bien la situation. Super article et quel match. Le stade tremblait…

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