Entretien avec Oscar Londono avant Servette – Lugano

A un jour du choc entre les Servettiens et la troupe de Schällibaum, CartonRouge.ch a rencontré pour vous, à la Brasserie le Grenat, Oscar Londono. L’occasion de faire le point sur la situation actuelle du club ainsi que d’en savoir plus au sujet de l’expérience que vit cet homme qui a accroché ses crampons au mur il y a 3 ans. L’ancien numéro 6 genevois, auquel la réputation de joueur combatif et de motivateur hors pair colle toujours à la peau, s’avère être un assistant aux qualités techniques et humaines extraordinaires. Rencontre avec un personnage sensible et très attachant !

CartoRouge.ch : Salut Oscar ! Tout d’abord, connais-tu CartonRouge.ch ?Oscar Londono : Oui, tout à fait ! C’est un site satirique intéressant et c’est toujours bien d’avoir des portails sur internet qui traitent le football de façon différente. Je crois même qu’il y a un prix qui est décerné, mais j’espère ne pas faire partie des candidats à l’élection cette année (rire).
Justement, le prix dont tu as parlé s’appelle le Pigeon d’Or ; as-tu déjà voté pour un candidat ?
Non, je n’ai pas trop le temps car j’ai beaucoup de travail avec l’équipe. Mais il en faut un de pigeon ! C’est un prix spécial, satirique et porté sur la dérision. Cela fait du bien de rigoler de temps en temps.
On sait que chacun des 11 matchs restants doit être pris comme un match de Coupe ;  vous avez une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Cette épée effleure de plus en plus vos têtes avec la venue du FC Lugano ce dimanche. Si vous n’empochez pas les trois points, on aura presque droit à 10 matchs de préparation en vue de la reprise de fin-juillet en Challenge League…
Oui, on est conscients que c’est une confrontation directe. Mais il ne faut pas que l’on change notre attitude parce que l’on accueille le FC Lugano. Nous avons notre ligne de conduite et il faut que l’on s’y tienne. On a notre manière de jouer, notre vision du jeu et il faut la garder. Il s’agira de maintenir la tête froide et de ne pas partir à l’abordage même si l’on joue contre un concurrent direct. On devra réediter les mêmes performances que contre Aarau et Delémont. Bien sûr il y a des aspects à améliorer, mais lors des deux dernières rencontres à la maison, des choses positives ont émanée et il faudra les reproposer dimanche. Si on joue ainsi, on aura de grandes chances de passer l’épaule.

De l’autre côté, on va retrouver Marco Schällibaum notamment…
Oui, je connais bien Marco. J’ai joué contre lui et je l’ai aussi eu comme entraîneur à Servette. C’est un battant, c’est quelqu’un qui a beaucoup d’énergie, ce qui fait de lui un gros motivateur. Sa troupe est sur une très bonne dynamique et il faudra les arrêter.
Stefan Nater est-il à 100 % ou c’est Tibert Pont qui va épauler Lionel Pizzinat devant la défense ?
Pour le moment Nater récupère bien. Il a été ménagé lors du match de dimanche passé contre Delémont. Tibert, lui, est en bonne forme et a aussi très envie, comme chaque joueur, de disputer le match contre les Tessinois.
Si tout se passe bien, on affrontera le Lausanne-Sport aux Plaines-du-Loup lors d’un derby du lac de Genève enflammé. Après les évènements du match aller, va-t-on vivre un OM-PSG à la sauce lémanique ?
(Sourire) Non, je ne crois pas. Ces derbys se sont toujours bien déroulés. Il n’y a jamais eu de gros pépins au niveau des supporters. Maintenant, c’est de bonne guerre de toujours se chambrer un peu entre Genevois et Vaudois. Personnellement je connais les deux camps et je sais comment ça se passe. Cela fait partie du football, et l’animosité et la provocation sont toujours des ingrédients au menu du derby lémanique. D’ailleurs, ces derbys sont toujours spéciaux car on a souvent eu des scores un peu bizarres ou des bouleversements de situations.
Si le FC Vaduz, club étranger possédant sa propre fédération de football et disputant la Coupe du Liechtenstein, devait monter, honnêtement Oscar, comment le prendrais-tu ?
Je passe.
Que penses-tu de la réduction de la Challenge League à 10 équipes ?
En réduisant le nombre d’équipes dans cette catégorie, où vont jouer les bons joueurs qui sont actuellement à Locarno ou à Yverdon ? Il y aura toujours de moins en moins de places pour les jeunes Suisses pour exprimer leur talent. Où vont-ils jouer, en 1ère ligue ? Je ne sais pas si c’est une bonne chose.
Lors de tes 8 années passées sous le maillot grenat, les supporters genevois ont pu connaître un numéro 6 stakhanoviste, s’arrachant toujours pour ce club. Tu étais le véritable moteur de l’équipe et aussi l’âme de celle-ci, n’hésitant pas à haranguer tes coéquipiers pour leur bien et à les motiver. Ce n’est pas justement un joueur de ton tempérament qui manque à ce Servette ?
Je suis flatté par les propos que tu tiens. Maintenant je crois que le passé est derrière. L’équipe actuelle est en train de prendre de la bouteille. Il y a de plus en plus de jeunes qui prennent leurs responsabilités. Aujourd’hui, je dirais que les temps ont changé, il y a moins de gros caractères comme par le passé. Dans notre contingent actuel, nous avons Varela qui est un joueur charismatique. A l’époque nous avions Fournier aussi. Un autre joueur qui m’a beaucoup marqué au SFC, c’est Philippe Senderos. Sa façon d’être et sa combativité faisaient de lui un meneur d’hommes. Mais il s’agit d’une exception. Aujourd’hui, c’est difficile de demander tout de suite à un jeune de prendre l’équipe sous son aile ; il lui faut plus de temps.  Mais on a aussi Pizzinat qui remplit bien son rôle de capitaine. Il est accompagné par d’autres joueurs tels que De Azevedo et Schneider qui sont des joueurs déjà confirmés du football suisse. Cependant, ce qui est primordial à mon avis, c’est qu’il y ait une bonne ambiance dans le groupe. C’est le cas au SFC et ça permet de prendre du plaisir.

La plupart des joueurs sont honnêtes et se comportent comme de vrais pros. Cependant, il arrive de voir des relâchements inadmissibles ou des gestes de nonchalance de la part de certains. On imagine que ça blesse et irrite le clubiste que tu es : comment réagis-tu dans ces cas-là ?
Oui, des fois on est jeunes, on manque d’expérience et on tombe un peu dans la facilité
Il faut justement être concentrés 95 minutes durant, en ne concédant jamais le moindre espace, en ne s’enflammant jamais et en jouant le plus simple possible. Avec ces jeunes, on essaye justement de corriger cela. On fait une erreur, mais on ne peut pas se permettre de la répéter. L’âge ne doit pas être un alibi. On compte sur les jeunes et on attend d’eux qu’ils endossent leur part de responsabilité et qu’ils soient performants, à la hauteur des ambitions affichées. Nous sommes des professionnels et il faut se comporter en tant que tels. C’est un jeu, oui, mais un jeu sérieux. Il faut se souvenir qu’il y a de grosses attentes car le Président et les sponsors s’engagent financièrement et que l’on attend de nous que l’on gagne : il faut assumer et gérer cette pression.
João et Carlos Alves ainsi que toi formez un excellent trio ! Comment vous départagez-vous les tâches avec ton assistant Carlos ?
 
João est le patron et la décision finale lui revient toujours. Carlos et moi, en tant qu’assistants, sommes toujours sur le terrain, on visionne les joueurs et les matchs des adversaires. Après, il y a aussi Ricardo qui est le préparateur physique et qui travaille très bien. Il ne faut pas oublier tous les autres non plus. Nous travaillons tous en étroite collaboration et prenons beaucoup de plaisir pour le bien du club. Comme dans un orchestre, chacun a sa partition, on ne se marche pas les uns sur les autres. João est le directeur de celle-ci et décide quel aspect doit être travaillé. Ensuite, après chaque entraînement et chaque match, on se réunit et on fait un bilan. En tout cas, c’est un job très prenant que j’aime beaucoup !
On imagine aussi, vu que c’est un de tes gros points forts, que tu t’occupes de l’aspect mental. Lorsqu’un joueur, comme le très poisseux Julian Esteban, broie du noir, quelle psychologie adoptes-tu afin de le motiver à aller de l’avant et ne pas baisser les bras ?
C’est vrai que l’on est aussi des confidents. Certains vont parler de leurs soucis avec Carlos, Ricardo ou bien avec le soussigné. On essaye d’être le trait d’union entre les joueurs et João Alves. Il faut être le plus honnête possible avec nos joueurs. Si un joueur passe une mauvaise période, c’est à nous de tout de suite lui remonter le moral. Il faut aller vers lui et essayer de le motiver, de le faire comprendre que la roue tournera et qu’il a les moyens de faire mieux. Il faut adopter une approche positive.
Après, le plus important selon moi, c’est de travailler la qualité à l’entraînement. Mais pour ce faire, c’est vrai qu’il faut avoir une bonne forme psychique. Puisque nous ne sommes pas des machines, on peut avoir des hauts et des bas. Notre tâche est aussi de repérer quels sont les joueurs qui ne se sentent pas bien et d’aller vers eux .C’est important, car souvent des joueurs n’expriment pas ce qu’ils ont sur le cœur alors il faut avoir ce feeling et détecter le problème. Puis, on instaure le dialogue en leur montrant qu’ils peuvent se confier à nous. Nous sommes une famille et ce contact humain au quotidien me plaît beaucoup et est très enrichissant !
En venant à Balexert, on se croirait à l’ONU : on s’exprime dans toutes les langues ici ! N’y a-t-il pas le risque de les emmêler ?
Cela ne me pose aucun problème puisque ma femme est suisse alémanique et je suis hispanophone. En outre, le portugais étant très semblable à l’espagnol, la communication passe très bien. Le football est globalisé, il faut s’y adapter et le plurilinguisme est ancré dans la culture suisse. Les joueurs aussi devraient profiter de cet aspect multiculturel.

Cela fait maintenant 11 ans que tu es au SFC. Si tu pouvais revivre un moment en particulier, lequel choisirais-tu ?
J’ai atteint l’apogée de ma petite carrière quand on a disputé les Coupes d’Europe. C’est là que tu te confrontes aux plus grands joueurs. Sinon, évidemment, il y a eu les Coupes de Suisse avec notamment la victoire en finale face à Yverdon en 2001. Concernant les déceptions, je nourris un peu celle de ne pas avoir pu jouer en équipe nationale. A un moment donné, j’aurais eu la possibilité de jouer avec la Nati, mais à l’époque je n’étais pas encore citoyen suisse. Il y a aussi le titre que l’on a perdu lors de la dernière journée en 1998/1999 face à… Servette ! (Ndlr : Oscar évoluait alors au Lausanne-Sports) Mais le passé est derrière et maintenant j’ai envie de me projeter vers l’avant. Et le futur doit passer par un retour dans l’élite, à l’étage supérieur. L’idée de disputer de nouveau des matchs à Bâle, Zurich et à Tourbillon ainsi que de goûter encore aux Coupes d’Europe me titille. Je crois aussi que l’on va pouvoir obtenir des résultats avec ces joueurs-ci ! Beaucoup d’entre eux ont un très gros potentiel et peuvent rejoindre l’équipe de Suisse d’ici quelque temps si on franchit ce palier, j’en suis convaincu.
Justement, le slogan du club est «Tous unis dans la légende». Oscar, tu es une légende vivante du club et représente le pont entre le passé et le futur. Quoi qu’il arrive lors de cette fin de saison, après près de 6 ans passés aux oubliettes du foot suisse, la sauce semble enfin prendre !
Oui, le club est passé à la vitesse supérieure. Après la faillite, M. Viñas a apporté de la stabilité au sein du club et a reconstruit les fondations, il ne faut pas l’oublier. Ensuite, M. Pisyhar est arrivé et on s’est professionnalisé. Le Président a envie de construire quelque chose sur le long terme, en témoigne le contrat signé pour l’exploitation du Stade de Genève qui porte sur les 32 prochaines années. Ce geste démontre qu’il a envie de réussir quelque chose ici. Le club se structure gentiment et l’Académie est en train de se mettre en place. C’est une très bonne chose. La première équipe est la locomotive qui doit faire avancer ce train et tout doit être fait pour que l’on monte et que ce train procède à grande vitesse.  Ça va être très difficile, mais j’y crois encore énormément. Il faudra rééditer le 2e tour de l’an passé. Et une fois lancés en Super League, nous ne nous arrêterons plus !
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Grégory Soldati

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4 Commentaires

  1. Très bon interview de Londono. C’est un technicien posé, réfléchi. A Servette nous avons besoin de types comme lui pour espérer monter en Super League. Il donne de la crédibilité au club et à son projet.
    Il a également une bonne idée du foot suisse. Intéressant son avis sur la réduction de la Challenge League… Il a tout à fait raison. C’est une hérésie ce projet. Une hérésie à la Isoz… Malheureusement, l’avis de Londono n’est pas partagé par les dirigeants de Servette. Mais peut-être qu’ils reviendront à la raison.
    Il y a une pétition en ligne contre ce projet. Je crois que Carton rouge en a déjà parlé. Le lien est le suivant:
    http://www.petitions24.net/sauvons_le_football_suisse

    Et hopp Servette!

  2. Dommage pour cette défaite, maintenant avec 11 points de retard c’est malheureusement presque mission impossible, allez-vous mettre des joueurs de la une avec le Team Servette M21 en 2ème Inter afin qu’il puisse monter en 1L?

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