Le sommet du Fonds

J’ai beau l’avoir écrit moi-même, je suis acculé à l’admiration. Dans mon dernier papier, je prévoyais avec une clairvoyance qui m’éblouira toujours ce qui allait se passer en ce samedi soir dans ce «match censé être « au sommet » entre l’incontestable premier et un bien pâle quatrième du classement». Et, ma modestie dut en souffrir, j’avais entièrement vu juste.

Quoique ma mansuétude naturelle et mon respect inconditionnel de l’adversaire, de quelque contrée reculée qu’il vienne, m’ont toujours commandé de manier avec mesure et parcimonie les quelques vannes que je leur adresse – contrit et forcé par un rédac’ chef en mal de commentaires et des lecteurs avides de sensationnalisme – je m’attendais à une équipe lausannoise difficilement motivable face à une escouade intrinsèquement bien moins talentueuse pour ce qui devait être, dit-on, un «match au sommet». Mais comment aborder ce match de classement lorsque l’on sort d’une série de trois derbys émotionnels gagnés par le LHC (Thurgovie, Olten, Vischp et d’un faux-pas à Langenthal) et qu’il faut tenter de se motiver pour cette rencontre comme une autre ? Sans compter que le HCC a péniblement ramené trois petits points (contre Thurgovie) de ses cinq dernières confrontations.

Un match au sommet

De sommet, il n’y a eu que celui de l’indigence de l’équipe de Gary Sheehan. Au sommet du gouffre d’un jeu défensif, saccadé, fade et ennuyant. Avec comme seul mantra la guerre de position, pour ne pas dire la défense désespérée de Fort Alamo. Trois tiers durant, la perspective la plus optimiste pour les Abeilles était de ne pas prendre une tôle du format des bourre-pifs assénés par Reist, toujours serviable lorsqu’il s’agit de rappeler avec tact le b-a-ba de la bienséance aux inconscients l’ayant fortuitement bousculé.

Les Lausannois ont commencé ce match sur les chapeaux de roue, malgré l’absence de deux de leurs métronomes, les maîtres à jouer de leurs lignes, Genoway et Augsburger. L’absence du premier vit ainsi Setzinger être au centre de l’attention et du premier bloc, même s’il ne convainquit pas plus à ce poste contre-nature que l’année dernière. Mais le maintien hors de glace du Canadien, souffrant apparemment aux adducteurs, confirme qu’il vaut mieux mettre à contribution l’effectif pléthorique des Lions plutôt que de risquer l’aggravation de la blessure de l’une de ses figures de proue. Tout l’inverse de Sheehan donc, qui n’hésita pas une seconde à aligner le convalescent et blessé Mondou. Bien mal lui en prit car il se blessa à nouveau dans une action virile mais qui semblait néanmoins correcte.
Mais ces absences ont des avantages. Primo, Primeau peut ainsi prendre de la bouteille (et a réussi de très jolis mouvements), de même que LeCoultre. Deuxio, tous les blocs doivent prendre leurs responsabilités, ce qui se traduit par des réussites inscrites par les trois premiers d’entre eux. Ulmer était ainsi survolté et intenable, d’après moi le meilleur joueur lausannois samedi soir. Et enfin troisio, prendre conscience que malgré tout le talent présent au LHC cette année, il manque encore des automatismes et des solutions de rechange en cas de coup dur en play-off. Le retour de Barbero devrait offrir à Boxy plus de possibilités offensives, mais il semble évident qu’il manque encore au moins un élément dominant en attaque et en défense pour réellement se donner toutes les chances en play-off et puis, qui sait…
La promotion-relégation, voilà un objectif qui semble bien loin pour un HCC qui est pourtant la seule équipe de LNB à l’avoir clamé haut et fort en début de championnat. De là à parler d’arrogance pour un club prétendant posséder une équipe à «70% LNA» incapable de prendre le match à son compte et à proposer un jeu un tant soit peu plaisant et construit… En témoigne le premier power-play chaux-de-fonnier, digne de celui d’un HC Thurgovie sans Ronnie Keller ni Armin Helfer. Pas étonnant, me direz-vous, lorsque l’on pille éhontément le club de Suisse orientale à l’intersaison en annonçant fièrement trois «renforts» (Gemperli, Ganz, Plankl).

Matchs dans le match

Le monologue lausannois n’aura été interrompu que par quelques buts gags. Des deux côtés. Même si Sigrist ouvrit la marque d’une splendide réussite dos au but, où Ciaccio n’était clairement pas exempt de tout reproche. Le reste étant une domination quasi continue des Lausannois, avec une présence presque indécente dans la zone défensive chaux-de-fonnière. Quelques relâchements des Lions auront ainsi permis aux Abeilles opportunistes, à l’image d’un Charpentier campant à la ligne bleue mais avec très peu d’impact offensif (!) et aucune contribution défensive, de ne pas sombrer à Malley et même, comble de l’irrationalité, à revenir chaque fois au score sans que le moindre mérite ne soit à mettre à leur crédit.

Premières à Malley

C’était soir de premières à Malley. Pour la première fois de la saison, une série de tirs aux buts allait être disputée avec Caminada au goal. Et pour la première fois de la saison, cette séance allait être perdue par les Lausannois (les deux premières séries de pénos ont été remportées grâce à Bays). Ce qui inflige donc la première défaite de la saison à domicile pour les Lions.
Est-ce que Caminada est à la hauteur ? Je n’hésiterai pas à répondre aux sceptiques de tous poils par l’affirmative. Qui aurait parié que Hiller devienne un gardien dominant en NHL lors de son passage à Lausanne, alors qu’il était en concurrence avec le légendaire Schürch ? Benjamin Conz, que d’aucuns verraient suivre les traces du portier des Ducks, a disputé trois matchs en tant que titulaire avec Lausanne en LNB pour… autant de défaites. Mona a déclaré qu’il lui fallait s’adapter au rythme de la LNB et ne pas trop anticiper. Tout ça pour dire qu’il est essentiel pour un gardien de trouver la ligue dans laquelle il sera dominant. Et Caminada a certainement un profil équilibré, lui qui a sans cesse navigué entre ligue A, ligue B et même Biou, en réalisant de bonnes performances notamment lors des sept matchs disputés avec Fribourg avant l’arrivée de Huet l’année dernière. S’il devait y avoir un joueur qui devait s’illustrer (pour ne pas dire se métamorphoser) face à une équipe de LNA, je parierais volontiers sur le cerbère lausannois.
Malgré un résultat somme toute anecdotique, le LHC demeure en tête du tour chauffe, avant que les choses sérieuses ne commencent vraiment en play-off au printemps. Play-off durant lesquels la Romandie sera sans aucun doute unie derrière le seul vrai espoir de victoire finale, vu les abîmes dans lesquels stagnent Sierre et Ajoie et l’apathie offensive dont souffre le contradicteur de samedi.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Lausanne – La Chaux-de-Fonds 4-5 ap. t.a.b. (2-1, 1-2, 1-1

Malley, 6917 spectateurs (record de la saison).
Arbitre : Andreas Koch.
Buts : 7e Sigrist (Stalder, Ulmer) 1-0 ; 8e S.Fischer (Setzinger, Reist) 2-0 ; 11e Moser (Fuchs) 2-1 ; 23e Chavaillaz (Mottet, Helfenstein) 3-1 ; 24e Bochatay (Gemperli, Bärtschi) 3-2 ; 39e Charpentier (Neininger, Fuchs) 3-3 ; 49e Dostoinov (Sigrist, Conz) 4-3 ; 51e Bochatay (Bärtschi, Vacheron).
Tirs aux buts : Conz se foire ; Bochatay réussit sa vie 0-1 ; Helfenstein se vautre ; Charpentier devient le héros de tout un peuple 0-2 ; Setzinger en place une, parce que bon, c’est que la Tchaux en face 1-2 ; Bärtschi prouve qu’il n’a en commun que le nom avec Patrick et Sven ; Dostoinov fonce bille en tête au lieu d’ajuster les lucarnes comme il le fait d’habitude si bien ; le meilleur espoir du hockey suisse, que tous les clubs de LNA draguaient à l’intersaison, l’ex-Thurgovien Gemperli se viande de manière incompréhensible (!) – comme quoi, même les meilleurs peuvent se louper ; Mottet ne se rappelle décidément plus comment on marque. La Chaux-de-Fonds remporte la série de tirs aux buts 2-1.
LHC : Caminada ; Chavaillaz-Stalder ; Leeger-Kamerzin ; J.Fischer-Reist ; Borlat ; Antonietti-Setzinger-S.Fischer ; Helfenstein-Conz-Mottet ; Ulmer-Dostoinov-Sigrist ; Primeau-Staudenmann-LeCoultre ; C.Loeffel.
HCC : Ciaccio ; Vacheron-Du Bois ; Stephan-Jaquet ; Daucourt-Erb ; Ganz ; Bochatay-Mondou-Bärtschi ; Charpentier-Kast-Neininger ; Turler-Fuchs-Pochon ; Moser-Plankl-Braichet ; Gemperli.
Notes : Lausanne sans Genoway, Augsburger, Barbero (blessés), la Chaux-de-Fonds sans Parati, Brügger (blessés). Mondou ne réapparaît plus dès la 3ème minute.

Écrit par Yves de St-Aÿ