Gottéron enfin devant !

Comment ça ? Gottéron est premier ? Je n’y crois pas ! Et pourtant tous les journaux se sont accordés sur le classement comme s’ils s’étaient passé le mot. Cette saison, le club fribourgeois écrase les autres. Les dirigeants auraient-ils trouvé la bonne formule ? Tentons de la décrypter.

En effet, aussi improbable que cela puisse paraître, j’ai les chiffres sous les yeux, l’équipe est en haut, au coude à coude avec Zoug. 63 points en 30 matchs. Joli score. Ils se croiraient presque capables de remporter le trophée. A ce stade on se dit finalement «mais pourquoi pas ?»Et si maintenant je vous dis que Gottéron, dans toute son histoire, n’est allé en finale des play-off que lorsqu’il avait fini la saison régulière à l’une des deux premières places, vous en pensez quoi ? C’était les années nonante, le rideau – de fer – venait de tomber sur le spectacle URSS, les téléphones portables se propageaient et Tom Hanks courrait à travers les États-Unis. C’était le bon temps. Et ça l’était également pour Gottéron. Profitant des faibles salaires des joueurs de l’est fraîchement libérés, Fribourg engagea le duo le plus important de son histoire. Et c’est d’ailleurs ce même duo magique qui conduisit l’équipe des Zähringen à sa toute première finale de play-off en 1992. Bykov-Khomutov. Cette association faisait rêver tous les fans de St-Léonard. Andrei et Slava. Slava et Andrei. J’entends d’ici les soupirs de nostalgies jusqu’au fond de la basse-ville.

Les Bolzes étaient si fiers qu’ils en oubliaient presque, le temps d’un match, leur guéguerre linguistique. Ils sont, encore aujourd’hui, véritablement adulés par le kop et leur numéro de maillot respectif sont tous les deux retirés – preuve, s’il en fallait encore une autre, que ces deux-là ont laissé une empreinte bien profonde dans la peau d’écaille du Dragon. Et pour faire saliver ceux qui ne me croient pas : trouvez-moi un seul joueur de Ligue A – actuel ou ancien – qui a gagné sept championnats russes et sept championnats d’Europe (équivalent de la Ligue des champions cramponnée) avec le CSKA Moscou, cinq championnats du monde avec l’URSS ainsi que deux titres olympiques. Qui dit mieux ? Ah oui, Bykov a aussi gagné deux titres mondiaux avec la Russie comme entraineur.
C’est vous dire si le fils de Slava a appris à manier la crosse correctement. Il paraît même qu’il prenait son hochet comme bâton et sa lolette comme palet avant de savoir parler russe ! Mais ce ne sont que des rumeurs. Le minet est aujourd’hui un successeur correct de son père. Il semble effectivement qu’il n’aura jamais la classe du paternel mais le jeune gaucher des Dragons sait tout autant se montrer. Top Scorer cette année (il se chevauche avec Sprunger), il vient malheureusement de se blesser, ce qui pourrait handicaper provisoirement le rendement de l’équipe de Hans Kossman. Il représente quand même, à lui tout seul, 26 assists cette saison. Mais, au niveau des buts, c’est bien l’ami Sprunger et sa tête d’étonné qui sont devant : 17 buts déjà pour le centre de la première ligne. Soit un de moins que le Zougois Damien Brunner, meilleur pointeur du championnat. Quand je vous disais que j’avais les chiffres sous les yeux. Ajoutez à cela Gamache, Dubé et Rosa et vous avez une assise offensive certaine. Pour une fois que les recrues sont efficaces tout de suite du côté de Fribourg.
Il ne faut évidemment pas oublier la défense qui, comme chacun le sait, est plus importante au hockey que dans n’importe quel sport. Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire quand je vois Shawn Heins entrer sur la glace. Le tueur à gage sait désormais exactement quelles mesures «dragoniennes» il faut prendre pour tenir une baraque. L’ancien des Sharks de San José fait peur à tous les gardiens de LNA car chacun sait parfaitement que c’est lui et personne d’autre l’ex-détenteur du record du slapshot le plus puissant du monde. Les mitaines en tremblent chaque soir de match et la TSR a d’ores et déjà fait assurer ses caméras pour les derbys retransmis.

Il faut aussi compter sur un bon gardien si l’on veut finir devant en fin de saison. Et Fribourg-Gottéron peut être totalement satisfait d’un gardien comme le sien. «Cristowall» Huet. LE véritable artisan du bon début de saison des Fribourgeois pour moi. Le Français, prêté par les Chicago Blackhawks, sait ce qu’il doit faire et le fait bien. 96% d’arrêts. C’est le plus gros pourcentage du championnat. Il en vient même aux mains quand il le faut comme dimanche face à Davos où il a d’ailleurs, une nouvelle fois, brillé. Huet, s’il continue comme ça, ne se fera jamais Huet…
Hans Kossmann, lui, peut être fier de sa réussite. Comme assistant, il a tout connu. Lausanne, Genève, Berne et même Ajoie sont dans son CV. Mais comme coach principal c’est quasiment sans expérience qu’il accepte le poste proposé par Laurent Haymoz, succédant ainsi à Serge «conspiration» Pelletier. Kossmann est un vrai leader, il sait comment transcender les Fribourgeois, ce qui leur manquait peut-être quand Pelletier ou Matte était à sa place. Il a cette «sorte de sérénité, de force tranquille, d’autorité naturelle» (Bertrand Monnard) qui fait office de carotte et de bâton. Il n’a qu’à ouvrir grandes ses paupières de Québécois et pointé son front tout lisse pour que Heins se fasse tout petit dans un coin de la bande, c’est vous dire l’autorité du type ! Bon d’accord, j’ai menti : il n’y pas de coin dans une bande…
«Nous sommes les Fribourgeois et nous chantons en chœur, nous sommes les Fribourgeois fidèles à nos couleurs ! Lalalalala…» S’il y a une équipe qui peut se targuer d’avoir un bon public, c’est bien Fribourg. Sur les 7’000 places disponibles à St-Léonard, rares sont les matches où les places ne sont pas toutes occupées. Mais une étude sortit dans La Liberté du 3 décembre tend à dire le contraire. Les Fribourgeois seraient de moins en moins présents dans les tribunes depuis trois ans. Vous avez dit paradoxe ? Et pourtant c’est vrai. Laurent Haymoz parle d’un manque à gagner de 100’000 francs depuis le début de la saison. Il est difficile d’analyser ce cas singulier. Laurent Haymoz ne trouve, comme excuse, que la construction du pont de la Poya qui empêcherait les supporters de venir à St-Léonard. Le lien de cause à effet est plus que douteux. Si ce n’est la chaleur inhabituelle de ces derniers mois, je l’expliquerais par le ras-le-bol de beaucoup de supporters qui, à chaque match, reçoivent une douche de bière. Il ne faut pas plus pour dégoûter quelques fans en période pré-pubère ou un père venu avec ses enfants passer un moment familial. Petit conseil : pour éviter ces déboires – le jeu de mot est très bon, non ? –, n’hésitez pas à payer le supplément pour obtenir une place assise. Les pertes occasionnées seront largement compensées par le plaisir de passer devant le pressing sans devoir s’arrêter. Ou alors prenez un parapluie. Radical, efficace.

Ce qui manquera peut-être à Gottéron cette année pour atteindre le titre, c’est l’esprit de vainqueur. Comme ils n’ont jamais rien gagné, on est en droit de se dire que ça n’arrivera jamais. Et puis tout le monde sait que Berne, Zurich et Davos sont forts, surtout en fin d’année. Malgré ça, s’ils continuent leur excellent parcours (2-0 contre Langnau, 8-1 contre Ambri et 4-1 contre Davos uniquement sur les trois derniers matchs), Kossmann risque de réussir son incroyable tour de magie ! Confirmation ce mardi 6 chez le frère ennemi Berne. Au pire, qu’ils essaient une nouvelle technique en vogue ; titre et gloire assurés : ça s’appelle les méthodes du Dr Fuentes.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Matthieu Corpataux