Ledeckathlon d’Ester

Permettez-moi tout d’abord, chers lecteurs, de m’étendre quelques instants sur le choix du CIO de confier les Jeux d’hiver 2018 à PyeongChang. Ok, la Corée représente sans doute un fantastique marché pour le développement des sports d’hiver mais franchement niveau passion et ferveur faudra repasser.

Vous me direz que la halle de short-track était pleine comme un oeuf. Je vous le concède. Mais sérieusement, quelle misère de découvrir, lors du triomphe de Michelle Gisin, une ambiance encore plus morne qu’à l’Emirates Stadium ou une affluence digne des championnats régionaux aux Pléiades pour l’énormissime sacre de Dario Cologna. Quand on repense au 50 Km des Jeux de Lillehammer où 3 à 4 rangées de spectateurs étaient massés tout au long du parcours, ça fout le bourdon. Alors messieurs- dames les membres du CIO, rendez-nous les jeux (et Ineos notre logo en passant), ramenez-les dans les Alpes ou en Scandinavie. Et messieurs-dames les valaisans, merci de ne pas vous tromper de bulletin le 10 juin prochain. Et si ça devait finalement le faire, je vous promets de prendre 2 semaines de vacances en 2026 et de ne pas rater une seule course de biathlon à Kandersteg en faisant schmolitz avec Adolf Ogi et son sapin.

Mais revenons à nos moutons et penchons nous sur l’exploit avec un grand E de ces Jeux. Aussi inattendue qu’exceptionnelle, la performance d’Ester Ledecka, la jeune athlète tchèque de 22 ans, représente juste un truc de ouf comme le diraient les Jeuns de la Bourdo ou du Lignon. La chose que tous les observateurs un poil sérieux jugeaient impossible. Certes, elle était la grande favorite de l’épreuve de snowboard mais ses performances sur le Cirque Blanc n’incitaient pas à l’optimisme pour cet improbable doublé.

Mais comment cette coquette petite-fille du célèbre hockeyeur Jan Klapac en est-elle arrivée là ?  Car si elle a toujours privilégié le snow au ski, elle n’a jamais cessé de pratiquer ce dernier ni de participer à des compétitions. C’est en fait l’histoire de celle qui n’a jamais su, pu ou voulu choisir. Un peu comme le gars de Bursinel, né à équidistance de Genève et Lausanne et supporter du LS et du Servette. Ou celle du type de Glasgow, né d’une mère catholique et d’un père protestant qui porte autant le Celtic que les Rangers dans son coeur. La polyvalence à l’heure de l’ultra-spécialisation. Ou de celle de Macron ou Darbellay à l’heure de choisir la droite ou la gauche.

Ester Ledecka débute au niveau international en snowboard aux Championnats du monde juniors en 2011 avant d’être double médaillée d’or 2 ans plus tard à Erzurum. Sélectionnée pour les Jeux de Sotchi en 2014, elle se classe 6ème du géant. C’est quelques jours avant ces Jeux qu’elle remporte sa première victoire en coupe du monde. Parallèlement, elle s’aligne à plusieurs reprises en Coupe d’ Europe de ski alpin (l’antichambre de la Coupe du Monde) avec des résultats encourageants.

Mais c’est en 2015 qu’elle explose au niveau du snowboard en étant championne du monde de slalom parallèle et en remportant le globe de cristal de la discipline la saison suivante. C’est en février 2016, à Garmisch-Partenkirchen, qu’elle dispute sa première course en Coupe du Monde de ski alpin où elle se classe 24ème. Mais sa progression ne fait que commencer. Si ses résultats en snowboard restent au sommet, elle commence à s’illustrer de plus en plus régulièrement en ski. Mais de là à viser une médaille aux Jeux il y a un gouffre que personne n’ose l’imaginer franchir.

Le 17 février, jour du Super G, elle s’élance avec le dossard numéro 26. Bien après toutes les favorites. Et à ce moment, le podium a fière allure. L’Autrichienne Anna Veith mène devant Tina Weirather et Lara Gut. Et pourtant le sort va s’avérer cruel pour la Tessinoise qui va se retrouver éjectée du podium pour un centième alors que la belle Anna se retrouvera elle reléguée à la seconde place pour un centième également. L’exploit est ahurissant. Comme elle pensait ne pas avoir de skis assez performants, c’est la star américaine Mikaela Shiffrin qui lui prêtera une paire d’Atomic. Un peu comme si notre ami Buemi se faisait refiler une Ferrari ou une Red Bull juste avant le GP de Monza.

Exactement une semaine plus tard, le samedi 24 février, elle survole le slalom géant, en snowboard cette fois-ci, pour s’offrir sa deuxième médaille d’or en une semaine, dans deux disciplines réellement différentes et signer un exploit aussi authentique qu’unique. Deux visages en or qui suscitent l’admiration. Le snowboard lui donne de l’équilibre et un certain toucher de neige alors que le ski l’aide à lui donner de la vitesse en snowboard affirme son entraîneur de ski. Qui a dit qu’il n’y avait qu’une seule voie ?

La question qui se pose désormais est de savoir où s’arrêtera la tchèque. Va-t-elle laisser de côté le snowboard où elle a tout gagné pour se consacrer au ski alpin, discipline phare des sports d’hiver ? Va-t-elle continuer les deux disciplines ? Ou se lancer dans le freestyle pour tenter la passe de trois à Pékin en 2022 ? Moi je lui lance un pari. Si elle tente le décathlon à Pékin (Ski alpin, Snowboard, Ski de fond, Curling, Biathlon, Short-track, Saut à ski, Patinage artistique, Bobsleigh et Skeleton) et qu’elle décroche 10 médailles d’or, je suis prêt à l’imiter et à tenter les 10 disciplines. Mais en nu intégral. Le message est lancé.

A propos Grégoire Etienne 81 Articles
...

Commentaires Facebook

1 Commentaire

  1. Vous êtes venu constater sur place à Pyeongchang pour l’affluence et l’ambiance? Parce qu’à part certaines épreuves de ski alpin et certaines épreuves nocturnes en plein air (sibérien), il y avait du monde et du bruit un peu partout. Y compris lors du slalom messieurs avec Zenhäusern & co. Toutes les épreuves de biathlon étaient noires de monde. L’ambiance au snowboard freestyle et alpin était géniale. Tout comme au bob, luge ou skeleton. Je me réjouis de comparer à ce qui se passerait avec certains sports si jamais le Valais l’emportait pour 2026. Dans la halle de short track, en biathlon ou aux sports de glisse sur la piste de St-Moritz, tiens…
    C’est bien beau de penser à Lillehammer, où les gens vivent par et pour le ski de fond. Mais ailleurs qu’en Scandinavie je vous souhaite bonne chance pour trouver des rangées doubles de spectateurs pour le 50km. Aussi prestigieux soit-il.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.