Gaie comme une fleur

De tous les sports, l’athlétisme est peut-être le plus beau. C’est l’essence même de l’effort, de la beauté du geste, de la simplicité et de la tradition. Pourtant, l’athlé n’a pas, hors JO tous les 4 ans, l’aura médiatique qu’il mérite. Même les mondiaux peinent à exploser. Et pas uniquement lorsqu’ils sont organisés à Doha comme cette année.

Impossible par exemple de suivre toutes les manches de la Diamond League sur notre petit écran alors que toute l’élite internationale y participe. Un scandale quand on pense qu’il est plus simple de regarder un Kriens-Chiasso ou un Troyes-Châteauroux.

Même à Carton-Rouge, qui pourtant représente aux yeux de tous le summum de la qualité en termes de médium sportif, l’athlé fait pâle figure. Derrière même le KL ou l’acqua-poney, c’est dire. Mais moi, perso, je m’en fous car j’adore ça. Cette discipline permet de vivre des émotions qui te foutent un braquemard du diable et pas seulement lorsque la spécialiste russe de saut en longueur Darya Klishina pose en petite tenue.

Après c’est clair qu’il vaut mieux éviter les commentaires de Patrick Montel si vous ne voulez pas tomber dans le racisme ou le machisme primaire, mais par chance France Télévisions s’en est aussi rendu compte et l’a écarté juste avant Doha pour la première fois depuis 1983.

Mais revenons à nos moutons et, plus concrètement, 5 ans en arrière, chez nous, dans ce bon vieux Letzi, à l’occasion des championnats d’Europe organisés sur les bords de la Limmat. Pas pour se remémorer l’horrible lâcher de témoin de notre Mujinga nationale, mais bien pour se replonger dans cette finale du 4x400m féminin devenue mythique.

Les spécialistes disent souvent que le 4x400m donne généralement une bonne idée de la santé de l’athlétisme d’un pays, ou du moins reflète la hiérarchie internationale. Autant dire que même si, dans la tête des athlètes, un titre en relais ne remplacera jamais une victoire individuelle, chaque participant cherche à donner le maximum pour son équipe d’autant plus que la course a lieu le dernier jour et qu’ainsi cela ne saurait prétériter leurs performances personnelles, vu que le lendemain ils seront en vacances.


Comme son nom l’indique, un relais 4x400m se dispute par équipe de 4 athlètes. En ce 17 août 2014, pour la finale des championnats d’Europe donc, l’équipe de France se présente au départ avec Marie Gayot, Muriel Hurtis, Agnès Raharolahy et Floria Guei. Sur le papier, une médaille est possible mais cela ne sera pas une partie facile avec des grosses nations comme la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Russie ou l’Ukraine. Surtout que des 4 bleues au départ, seule Marie Gayot a réussi à se qualifier pour la finale individuelle et a échoué au 7ème rang.

Qualifiée néanmoins pour la finale en remportant sa série grâce à un finish magnifique de Muriel Hurtis, le coach Djamel Boudebibah modifie ses lignes le jour J et place Hurtis en seconde position afin de rester le plus longtemps dans la course à la médaille. Fortes de leur belle performance en séries, on se prend à rêver du côté des bleues et permettre à ladite Hurtis de finir en beauté une fort belle carrière. Mais rien ne se passe comme il faut et tant Gayot, qu’Hurtis et Raharolahy ne parviennent à passer le témoin en position de médaillée. A 200m de l’arrivée, au bout de la ligne droite opposée, Patrick Montel au micro de France 2, pourtant si prompt à s’enflammer pour n’importe quel athlète tricolore de 3ème zone n’y croit plus. D’autant que le retard de Floria Gueï, même sur la 3ème place, semble insurmontable.

Et pourtant, grâce à un dernier virage remarquable qui lui permet de recoller au podium et une dernière ligne droite irréelle, la Nantaise va venir coiffer tout le monde sur la ligne et offrir, incrédule, la victoire aux Bleues. Un moment suspendu dans le temps, pour l’éternité, qu’il est possible de regarder en boucle en se demandant encore comment cela a été possible. Des images inoubliables. La beauté du sport à l’état pur. Sans tricherie (du moins aucune des quatre relayeuses n’a été pincée par la patrouille), sans artifice et sans gêne. Pour peut-être l’un des plus beaux exploits du sport français.

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