Le Masters de golf d’Augusta : frissons garantis !

Quels sont les événements sportifs les plus passionnants à suivre ? Si vous posez la question autour de vous, les réponses seront multiples : la phase finale de Coupe du Monde, les play-offs de hockey, une descente de ski olympique, la formule 1, le Tour de France ou une finale de Roland Garros. En fait, notre culture sportive est basée sur trois paramètres qui sont liés : premièrement, les sports pratiqués dans nos régions, deuxièmement les disciplines où les Suisses brillent au niveau international et finalement par les retransmissions sportives offertes par les médias.

Dans ce cadre, beaucoup de fans de sport romands passent à côté de nombreux moments magiques et palpitants de l’histoire du sport, simplement parce que nous sommes trop isolés dans notre petit monde. A ce titre, on ne peut que regretter le rôle de nos médias romands, et en particulier de notre RTS, dont les journalistes le plus souvent ne comprennent pas en fait ce qu’est le sport, chacun étant cantonné dans le domaine dont il est spécialiste (et qu’il maîtrise, plus ou moins). Ces derniers 20 ans, notre équipe de fonctionnaires de la TSR n’ont aucunement ouvert l’esprit de leurs téléspectateurs en se tournant vers d’autres sports, marquant en particulier un désintérêt flagrant pour les sports US (NHL, NBA, NFL, MLB, NCAA). Etant né avec le virus du sport, j’ai vécu et suivi depuis très jeune les grands événements sportifs, me levant souvent au milieu de la nuit pour suivre une rencontre en direct ou même pour l’écouter à la radio (pour les sports US sur AFN, la chaîne de radio militaire diffusée sur les ondes MW depuis l’Allemagne). Eh bien, cela paraîtra peut-être surprenant à prime abord, mais je dois dire que le golf est une des disciplines les plus fascinantes et palpitantes à suivre et extrêmement méconnue ici en Suisse, où la couverture télévisuelle se limite à un week-end en septembre par année, lorsqu’un commentateur de la RTS est désigné volontaire et se rend à contre-cœur à Crans Montana pour commenter ce sport dont il ne connaît rien.

A l’image du tennis, les seuls tournois qui comptent vraiment au golf sont en définitive les quatre Majors (tournois du Grand Chelem), soit le Masters d’Augusta en avril, l’US Open en juin, le British Open en juillet et le PGA Championship en août. Un champion est en effet jugé dans l’histoire principalement par le nombre de ses victoires dans un tournoi du Grand Chelem. 
A cela, il faut ajouter une des plus belles compétitions au monde à mon avis, tous sports confondus, la Ryder Cup, soit le match US contre Europe qui a lieu tous les deux ans et qui fera l’objet d’un prochain article (c’est d’ailleurs un des événements télévisuels les plus regardés au monde, et il est complètement ignoré par nos médias !).
Le déroulement d’un tournoi de golf, c’est un suspense en crescendo (un peu comme le curling), sur la longueur (le dimanche, jour décisif,  la retransmission dure environ 5 heures), où une trame à l’issue incertaine se déroule sous nos yeux, avec ses surprises, tragédies et miracles, où les coups deviennent de plus en plus importants pour aboutir à un coup sublime (ou raté) décisif et à jamais inscrit dans l’histoire. La maîtrise technique des meilleurs golfeurs sous pression est simplement hallucinante (quiconque a tenu un club dans sa main connaît la très grande difficulté de ce sport). Le golf est ainsi un combat contre soi-même, et l’aspect mental de ce sport est particulièrement déterminant, ce qui le rend encore plus fascinant à suivre. Enfin, il ne faut pas sous estimer le plaisir esthétique réel provoqué par la beauté du parcours, le vert des greens (c’est le cas de le dire), le bleu des lacs, le blanc des bunkers ou par le son pur d’un beau drive de plus de 300 mètres.
Cette semaine marque le début du Masters d’Augusta 2012. Augusta est le haut-lieu de la tradition golfique, comme Wimbledon l’est pour le tennis. C’est le seul Major qui se dispute chaque année au même endroit, pas trop loin d’Atlanta dans l’Etat de Georgie. Depuis la création de ce tournoi par le légendaire Bobby Jones en 1933, c’est ici que se disputent les meilleurs joueurs du monde le droit de porter «The Green Jacket», la veste verte, réservée aux vainqueurs du tournoi et aux membres de ce club de golf privé exclusif. Ainsi, chaque année, les «patrons» (spectateurs) qui ont la chance d’avoir accès à un billet s’amassent par dizaines de milliers autour de ce parcours préparé de manière parfaite, dans un décor de carte postale caractérisé par les couleurs éclatantes des azalées en fleurs et le mélodieux chant des oiseaux.

Comme à Wimbledon, le public est connaisseur : le silence religieux pendant l’exécution du coup contraste avec les ovations immenses lors de la réalisation de coups spectaculaires. D’ailleurs, la chaîne de télévision CBS a compris que la tradition faisait vendre, et retransmet ce tournoi dans une ambiance quasiment liturgique : les pauses publicitaires sont extrêmement limitées, la même petite musique berce les téléspectateurs lorsque le score est montré, la retransmission est sans cesse entrecoupée de flashbacks remémorant les plus grands moments de l’histoire du Masters, les victoires de Jack Nicklaus, Severiano Ballesteros, Larry Mize ou Tiger Woods. A cela, il faut ajouter des greens d’une rapidité et d’une difficulté inimaginables, en particulier au vu du placement des drapeaux le dimanche (NB : chaque jour, les drapeaux sont positionnés à des endroits différents du green). 
Toute cette magie et cette intensité peuvent être illustrées par un coup incroyable de Tiger Woods en 2005, lorsqu’il a un rentré un chip décisif le dimanche sur le 16 (par 3), sa balle suivant la pente et roulant lentement pour s’arrêter au bord du trou (avec le logo Nike visible, un publicitaire n’aurait pas pu mieux faire). A ce moment, le temps s’arrête avec la balle, la foule murmure, tout semble se passer au ralenti, puis soudain, la balle plonge dans le trou, synonyme de victoire de Tiger, l’explosion du public est inouïe, et le spectateur a soudain conscience qu’il vient de voir s’écrire une page de l’histoire du golf, une atteinte de la perfection au moment le plus important. Un scénario pareil, dans un film hollywoodien, paraîtrait tout à fait invraisemblable, tiré par les cheveux et kitsch. Chaque fois que je revois cette scène, j’en ai les frissons.
Ici en Europe, le Masters est un des seul Majors (avec le British Open) diffusé en clair (notamment sur les chaînes BBC 1 et 2) ; il faut donc profiter, si vous avez ces chaînes, de suivre en particulier le dernier jour, qui commence vers 20h CET. En effet, même si le tournoi se déroule sur 4 jours, c’est les 9 derniers trous («The Back Nine») du dimanche qui sont déterminants. C’est à ce moment que les champions sortent du lot, et que ceux qui ne sont pas prêts à  porter la veste verte s’écroulent. Les revirements sont spectaculaires, les nerfs des joueurs étant mis à rude épreuve. L’Australien Greg Norman, surnommé le requin blanc au vu de sa blonde tignasse, ne s’est jamais remis pour le restant de sa carrière de son effondrement spectaculaire, en 1996, au profit de Nick Faldo. Et plus près de nous, le jeune Nord-Irlandais Rory McIlroy, après avoir dominé en 2010 les 3 premiers tours et demi du Masters, a vécu soudain un cauchemar, perdant en trois trous son golf et une dizaine de coups. Heureusement, lui a pu réagir, en remportant magistralement l’US Open deux mois plus tard avec une avance de huit coups et de s’établir ainsi non plus comme le plus grand loser, mais le meilleur golfeur de sa génération. Cette année, il revient se racheter sur les lieux de sa défaillance, qui a eu lieu, après un drive dans les décors au no 10, aux trois trous les plus légendaires et difficiles du parcours, «Amen Corner» : un par 4 no 11, un par 3 no 12 avec un vent tournoyant «illisible» et un par 5 no 13, où tant l’eagle (2 au-dessous du par) que le double bogey (2 au-dessus du par) sont possibles.

L’édition du Masters 2012 s’annonce particulièrement alléchante, principalement en raison du retour en forme de Tiger Woods, la plus grande star du golf mondial et vainqueur de 4 Masters, qui n’a plus gagné de Major depuis ses déboires personnels en 2009. Comme principaux adversaires, son rival historique, le gaucher Phil Mickelson (vainqueur de 3 Masters) et les Anglais Luke Donald (no 1 mondial) et Lee Westwood, considérés comme les meilleurs joueurs à n’avoir jamais remporté un tournoi du Grand Chelem. A ce titre, il faut noter qu’aucun joueur européen n’a gagné une veste verte depuis 1999, année de la victoire de l’Espagnol Jose Maria Olazabal. Cela contraste avec les années 1983 à 1996, période d’or pendant laquelle les golfeurs européens avaient dominé de manière insolente le Masters, avec 9 victoires (Ballesteros, Langer, Lyle, Faldo, Woosnam et Olazabal) en 14 éditions.
Le plus grand duel de l’histoire du golf a opposé pendant plusieurs décennies Arnold Palmer au légendaire Jack Nicklaus, tenant du record avec 18 victoires à des Majors. Secrètement, les fans de golf espèrent que ce Masters 2012 soit le premier duel d’une longue série prometteuse entre Tiger Woods, le Michael Jordan du golf et vainqueur de 14 Majors, et le jeune Rory McIlroy, au talent phénoménal, ascendant au trône. Encore une page de l’histoire du golf qui sera écrite sous nos yeux.

Écrit par Andy Tschander

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7 Commentaires

  1. y avait un article dans Le Temps d’hier à ce sujet.

    le club privé qui gère le master est assez dictatorial. Notamment en ce qui concerne la retransmission TV, le choix des publicités et tout ce qui est forme et application des règlements.

    à noter encore que les femmes ne sont pas admises dans le club.

  2. Super article sur un sport qui gagne à être connu !

    A force de niquer à gauche et à droite, le Woods ne fait plus bander personne.

  3. Le jour où les Américains diffuseront la finale de la Ligue des Champions en direct, tu pourras venir te plaindre de l’absence de retransmission du golf sur les chaînes européennes….

    Et pour voir un super athlète de 52 ans (Fred Couples) dans une compétition où des millionaires incapables de marcher 150 mètres sans leur petite voiture et disposant d’un porteur se pavanent devant un public de bourgeois friqués, je crois que je préfère encore suivre les Championnats d’Europe de baby-foot sur Eurosport….

  4. Excellent article oui. A la base, je ne suis pas du tout fan de golf et je n’ai jamais fait que quelques drives sur un practice deux fois dans ma vie, mais je dois dire que je me surprends à regarder les Grands Chelems. Je pense que la qualité des retransmissions et des images y est pour beaucoup.

    Et dimanche, y a eu ça : http://youtu.be/vB7OKDFYJKA

  5. Je suis tombé un peu par hasard dessus dimanche en zappant entre deux simulations dans le classico français, et il est vrai que j’ai bien croché ! L’albatros réalisé par Louis Oosthuizen était de toute beauté et les commentateurs de Canal+ expliquaient bien le « fonctionnement » des coups. Très intéressant en effet !

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