Les huit pucks de titre du SCB à la maison

Depuis le début de l’ère des play-off, en 1986, Berne a disputé de mémoire huit fois un match à la maison où la victoire signifiait le titre de champion suisse. J’ai eu le privilège d’assister à six de ces huit rencontres uniques, debout dans la grande tribune de la patinoire bernoise. Pour le plaisir, et également en vue de l’acte VI de la finale de mardi soir, petit retour sur ces événements aussi rares qu’inoubliables, qui sont à nul autre pareil, de par leur ambiance, leur intensité et le poids de l’enjeu.

Pour débuter, les deux matchs que je n’ai vu qu’à la télévision :

1989 Acte IV Berne – Lugano 1-5 (au meilleur des cinq matchs)

Résultat de la série : Berne champion, Alan Haworth et l’armada grisonne (Cunti, Dekumbis) surprennent le Grande Lugano 2 à 3 lors du match V.

1991 Acte III Berne – Lugano 2-4 (au meilleur des cinq matchs)

Résultat : Berne Champion. J’ai eu la chance d’avoir un billet pour le match IV à Lugano, et de voir ainsi Martin Rauch donner le titre au SCB en prolongations (2 à 1), remportant la série 3-1.
Les 6 «match pucks» que j’ai pu suivre sur place :

1992 Acte IV : Berne – Fribourg 0-3 (au meilleur des cinq matchs)

On a récemment beaucoup parlé de cette série, car c’est la dernière fois que Berne et Fribourg se sont rencontrés en finale. Soirée frustrante pour le public bernois qui était arrivé prêt à célébrer sa magnifique équipe menée par le génial «Rexi» Ruotsalainen, et qui était reparti bredouille, sans avoir eu l’occasion d’exulter au moins une fois. Mené par les légendaires Bykov-Khomutov, Gottéron avait marqué de mémoire sur son redoutable power-play puis avait cadenassé le match, donnant aux Bernois une leçon d’efficacité. La dynastie de Bill Gilligan (titres en 1989, 1991 et 1992) n’aura donc jamais été championne à la maison.
Résultat de la série : Berne champion, vainqueur 4-1 à Fribourg.

2004 Acte IV : Berne – Lugano 3-4 (au meilleur des cinq matchs)

Dans un des tiers les plus beaux jamais joués à Berne, le SCB, mené 0-3 au début de la troisième période, était revenu au score en l’espace de quelques minutes, dans une ambiance de folie. Le «SCB Express» était lancé, le titre était là, tout près, et Lugano ne touchait plus le puck… jusqu’au moment où le «grinder» Rolf Schrepfer avait perdu la rondelle dans la zone neutre et Petteri Nummelin était parti, à deux minutes de la fin, crucifier seul Marco Buehrer, avec sa classe habituelle. Je me rappelle encore des spectateurs bien après la fin du match, encore assis dans les gradins, immensément déçus de l’occasion manquée, se consolant, souvent entre inconnus, les uns les autres, mais heureux simplement d’être là, fiers du retour fantastique de leurs Ours. On ne voulait pas encore quitter, pour la dernière fois de la saison, le temple de la BernArena qui nous avait donné tant d’émotions.
Résultat de la série : Berne champion, vainqueur 4-3 à Lugano en prolongations (but de Marc Weber).

2010 Acte V : Berne – Genève-Servette 1-2 (après prolongations)

En prolongations contre Servette, le prodige de 19 ans Roman Josi, qui avait été le véritable patron sur la glace tout au long des play-off, venait de rater pour quelques millimètres le but qui aurait pu enfin permettre à Berne de vivre cette euphorie suprême, un titre à la maison, pour la première fois de l’ère des play-off. Puis la douche froide, le silence soudain dans toute la patinoire, contrastant avec l’explosion dans le coin des spectateurs visiteurs, devant lequel toute l’équipe de Genève s’était entassée : le capitaine Goran Bezina venait de donner, en supériorité numérique, la victoire aux siens, d’une reprise croisée magistrale dans la lucarne. Cependant, contrairement à 1992 et 2004, ce n’était que partie remise, les fans du SCB sachant qu’au pire un septième match aurait lieu à domicile.

2010 Acte VII : Berne – Genève-Servette 4-1

Genève menait 0-1 et Roche était sorti sur blessure : la première Finalissima de l’histoire à Berne n’était pas bien emmanchée. Berne ne serait-il donc jamais champion à la maison ? Cependant, Etienne Froidevaux, d’un tir de la droite quasiment depuis la ligne de fond, réussit à égaliser et remettre le SCB sur la bonne voie, un de ces buts de raccroc, de travailleur, tellement souvent décisifs dans les play-off. Puis David Jobin, à la fin d’une supériorité numérique, inscrit le but le plus important de sa carrière en mettant le 2-1 dans la lucarne. Et certains qui affirment que les Romands ne sont jamais là aux moments importants ? Berne en a toujours été le contre-exemple, l’illustration la plus frappante étant en 1997, lorsque Gil Montandon, plus décisif que les étrangers, avait mené les Ours aux titres, qui plus est avec une épaule blessée. Une réussite du Québécois Vigier et un but libérateur de Berger au 3ème tiers : Berne était champion à la maison,  l’apothéose tant rêvée depuis 30 ans par tout le fidèle public bernois, une véritable libération après de nombreuses saisons où les «Mutzen» avaient laissé échapper le titre alors qu’ils avaient clairement les moyens de le gagner, comme en 2007 contre Davos ou en 2008 contre Fribourg. Riche soirée, que mon fils Samuel et moi n’oublierons jamais.  
Résultat : Berne champion.

2012 Acte V : Berne – ZSC 1-2 (après prolongations)

Comme lors du temps réglementaire, les occasions se succédaient de part et d’autre lors des prolongations d’un duel ouvert et passionnant. Déruns, Vermin, Hänni, Kinrade, Berger et surtout Roche, immense joueur dont on n’apprécie peut-être pas assez l’étendue du talent dans la mesure où il est continuellement blessé depuis plusieurs saisons, ont eu l’occasion de planter ce but victorieux qui ne viendra finalement jamais. Bührer, ayant accompli de son côté en fin de match des parades miraculeuses, aurait été un des grands héros de la fête. Au lieu de ça, c’est en contre que le roublard Mathias Seger, d’un tir arrêtable, donnait la vie subite aux Lions. L’erreur du portier bernois allait finalement coûter le titre. Comme quoi l’histoire tient à peu de choses.

2012 Acte VII : Berne – ZSC 1-2 (mort subite dans le temps réglementaire !)

Une mêlée devant Bührer, le puck qui ressort, un tir zurichois, Danny Kurmann qui indique but, et d’un coup, les Zurichois qui exultent… Et ce silence dans la patinoire, les 17’131 spectateurs prenant un moment pour se rendre compte de ce qui venait de se passer, à 2,5 secondes de la fin de la rencontre. Le visionnement des images vidéo par les arbitres nous redonnèrent un espoir de courte durée. Puis cette réalisation, que connaissent les fans de tous sports confondus : le destin venait de trancher, l’explosion tant espérée, la joie, ces moments d’immortalité, n’auraient jamais lieu. Tout venait de s’effacer, d’un seul coup.
Résultat de la série : ZSC champion. 

Et demain ?

J’espère que ma mémoire ne m’a pas trop trahie en narrant ces divers épisodes, même si avec le passage du temps certaines passes d’armes prennent sans doute des dimensions mythiques. L’histoire nous enseigne cependant clairement que gagner un titre à la maison n’est pas si facile que cela, bien au contraire : sur 8 pucks de titre, le SCB n’en a transformé qu’un. Dans ces circonstances, l’avantage de la glace est toute relative. Cependant, sur les 6 années évoquées, Berne a finalement remporté le titre 5 fois (1989, 1991, 1992, 2004 et 2010). 
On voit également que souvent une finale se joue sur des toutes petites choses ; cela d’autant plus cette année, dans une série très équilibrée entre le SCB et le HCFG. Tout reste entièrement ouvert demain soir.
En définitive, un constat me frappe : la victoire est toujours méritée, car il récompense l’équipe qui est là au moment décisif. Zurich, l’année passée, avait été dominée pendant la plus grande partie de l’acte VII, mais dans les trois dernières minutes, les Lions avaient soudainement tourné autour des Ours et étaient allés véritablement chercher la coupe. Ils étaient donc les plus forts. Reste à savoir si cette défaite en 2012 va hanter les joueurs du SCB ou si, au contraire, cela sera une expérience qui, cumulée avec les miracles des quarts et des demi-finales de cette année, leur auront donné plus de forces. Fribourg n’a de toute façon pas de questions à se poser : ils savent qu’ils doivent aller chercher la victoire.  
Photo Ruotsalainen copyright www.kidssport.ch ; autres photos de Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Andy Tschander

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7 Commentaires

  1. Andy, vu que j’ai été un de tes véhéments détracteurs sur ta série d’articles-croisades, je me dois de te remercier et te féliciter pour ce bel article.

    Passionnant et désespérant pour Gotteron. Le choix est cruel, perdre demain et….perdre ou gagner pour perdre ensuite devant son public.. C’est statistique, malheureux mais statistique.

    Mon code: « gagne », rigolo

  2. Bon récapitulatif ………… mais, lorsque la série se joue au meilleur des 5 matchs, une équipe ne peut pas en gagner 4 😉

    Et la série de 1992 s’était terminée par une victoire 3-2 de l’Ours, après que Gottéron ait égalisé à 2-2 dans la série suite à sa victoire 3-0 à l’Allmend (j’y étais 🙂 ).

  3. @pavel

    Le 4-1 était le score victorieux du SCB à Fribourg lors du match V de 1992, non le résultat de la série 😉

    Bon match ce soir !

  4. @ Pavel: c’est ou que tu lis qu’une série au meilleur des 5 matchs c’est terminée par 4 victoires??

    Les victoires 4-1 et 4-3 sur respectivement Fribourg et Lugano sont les résultats des matchs… les séries se sont toutes deux terminées à 3-2 pour Berne.

  5. Au temps pour moi, mais quand je lis : « Résultat de la série : Berne champion, vainqueur 4-1 à Fribourg », j’ai compris que Berne avait gagné la série 4-1 à Fribourg.

  6. @Andy

    Précisions: lors du match 4 face à Lugano en 2004, Berne perdait 3-0 après le premier tiers mais était revenu à 2-3 après le 2ème grâce à Bordeleau et Rüthemann pour finalement égaliser au début du 3ème par Weber. Après cela, il y avait l’arrêt rocambolesque de Rüegger sur Dubé parti seul…

    Et en 2010, le but du 1-1 de Froidevaux était en fait un tir dévié par un Genevois sous la latte de Stephan dans un angle impossible. Et si je ne m’abuse, le 2-1 de Jobin est tombé à 5 vs 3…

    De toute façon c’est de l’histoire ancienne…MEISCHTEEER!!!

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