Le Westschlafenstadion

Une fois n’est pas coutume, on s’est un peu ennuyés au Westfalenstadion entre atmosphère aseptisée de la Pognon’s League, absence de bière et de places debout, match sans grand rythme ni suspense, opposition guère farouche et ambiance molle. Minimaliste, le Borussia Dortmund n’en a pas moins assuré l’essentiel.

J’imagine que c’est cela que l’on appelle l’addiction : la Ligue des Champions m’ennuie de plus en plus, cela devient de plus en plus rare que je regarde cette purge commerciale à la télévision mais, dès que mon club favori y est engagé, je suis prêt à toutes les acrobaties et à payer un vol hors de prix pour caser un aller-retour express entre deux rendez-vous afin d’assister au match. C’est cela le piège d’avoir l’abonnement avec l’option Ligue des Champions : je me sentirai coupable de laisser ma place inoccupée, ne serai-ce qu’un match, dussé-je m’y rendre sans grand enthousiasme. Il faut dire que le Westfalenstadion n’a pas bonne mine un soir de C1 avec ses places assises en Südtribüne, le bunker pour les fans adverses, ses buvettes désertées en raison de l’interdiction d’alcool et, paradoxe grotesque, ses publicités Heineken partout. Pire, on doit même se farcir des panneaux Gazprom qui nous déplaisent souverainement, non pas en tant que jeunes militants exaltés de Greenpeace mais en raison d’une vieille inimitié séculaire avec le club rival de Schalke 04, dont l’entreprise russe est sponsor principal. 

Droit au but !

L’adversaire du jour, c’est Marseille, avec une légère soif de revanche après les deux défaites concédées par le BVB contre les Olympiens lors de l’édition 2011-2012 de cette même Ligue des Champions. Mais, depuis lors, le statut des deux clubs a bien changé, Dortmund n’est plus tout à fait l’équipe inexpérimentée qui redécouvrait la C1 après une longue absence sans grande conviction ni ambition. Désormais, le BVB a un statut de finaliste à défendre. Et il va parfaitement l’assumer en imposant sa volonté sur le match, soit en… laissant le contrôle du ballon à Marseille. Les leçons du passé ont servi : pas question cette année de se laisser enferrer par les Phocéens dans une possession de balle stérile et de se faire naïvement cueillir en contre comme il y a deux ans. De fait, ce Dortmund concentré et attentif, limite attentiste, ne connaîtra que deux alertes de toute la rencontre, une intervention litigieuse de Durm sur Khalifa et un coup franc de Valbuena détourné par Langerak. C’est sur un autre coup franc marseillais à proximité de la surface dortmundoise que le Borussia va concrétiser sa domination : douze secondes plus tard, six joueurs jaunes et noirs se présentent devant le but opposé, ça combine à deux cent à l’heure entre Reus, Mkhitaryan, Durm et Lewandowski, ça va vite, très vite, beaucoup trop vite pour une équipe habituée au rythme de sénateur de la Ligue 1. Mais cela aura au moins permis aux Marseillais de revisiter – à leurs dépens – leur devise : Droit au but !  

Au ralenti

Lors de la défaite 3-0 concédée par le BVB il y a deux ans au Vélodrome, Steve Mandanda avait sorti le match de sa vie et dégoûté les attaquants jaunes et noirs. Il sera beaucoup moins heureux au Westfalenstadion : s’il a réalisé deux réflexes miraculeux devant Lewandowski et Durm, le capitaine marseillais n’a pas bonne mine sur le deuxième but, un coup franc lointain de Marco Reus qui traverse toute la défense pour finir sa course derrière la ligne de but. En décembre 2011, un même handicap de deux buts n’avait pas empêché l’OM de s’imposer dans la Ruhr mais, comme mentionné en préambule, les temps ont bien changé depuis. Et jamais le vice-champion de France ne manifestera le moindre signe de révolte, la moindre prise de risques qui auraient pu faire croire à un possible retournement de situation, comme si les hommes d’Elie Baup s’étaient déplacés davantage pour limiter les dégâts contre un adversaire supérieur que dans l’optique de ramener des points. Et en face, Dortmund, contrairement à ses habitudes en Bundesliga, ne cherche pas à aggraver le score et se contente de gérer l’acquis, sans donner de rythme à la rencontre, bien loin du pressing infernal qui avait lessivé Hambourg et Freiburg récemment en championnat. Manifestement, avant de s’exiler en tribune, suspension oblige, Jürgen Klopp avait fait passer le message : on est là pour prendre trois points, pas pour amuser la galerie. Sans doute un peu pour se préserver en vue du vrai choc de la semaine, le Borussen-Derby samedi à Mönchengladbach, mais aussi un peu en raison d’une certaine inhibition et appréhension sur la scène internationale et quelques douloureuses réminiscences du passé contre cet adversaire-là.

Des nouveaux amis !

Bref, on s’ennuie un peu, l’ambiance ronronne assez mollement au Westfalenstadion, on espérait au moins pouvoir célébrer un revers de Schalke 04 mais le FC Bâle est définitivement le club le plus inutile du monde. Il n’y a guère qu’un pénalty obtenu par un Marco Reus une nouvelle fois étincelant et transformé par Robert Lewandowski pour susciter un peu d’émois dans les tribunes du temple jaune et sceller le score à 3-0. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire… Comme on le pressentait lors du tirage au sort, trois équipes – Arsenal, Naples et Dortmund – devraient se battre pour les deux places qualificatives dans ce groupe et tout point égaré contre l’OM pourrait se payer cher au décompte final. Dès lors, le BVB a fait le boulot mardi soir, sans grand panache mais avec sérieux et application. Il s’agira maintenant de marquer de gros points lors de la double confrontation à venir contre Arsenal pour rattraper le malencontreux incident de Naples et aller chercher la qualification. 

L’enthousiasme modéré avec lequel je suis sorti du stade ne m’a pas empêché de sacrifier au rituel désormais immuable des soirées de Ligue des Champions : nuit blanche au Lütge-Eck, notre bar de supporters préféré, et avion à l’arrache à 7 heures du matin… Si l’on n’avait pas beaucoup entendu les supporters marseillais dans le stade, ils ont en revanche fait mieux que se défendre au Nullneuner-Maracuja. Chapeau à eux ! Le concept est simple : tu vides ton shot, bouchon sur le nez et bouteille coincée entre les dents et ensuite tu peux découvrir un score de match sur le fond du verre vide. Mon premier shot coïncide, par un bienheureux hasard, avec une bouteille indiquant 3-0 qui me donne l’occasion d’effectuer les présentations avec les supporters phocéens «Tenez les gars, ça vous fera toujours un souvenir à ramener à Marseille…» A défaut d’avoir vraiment décollé au stade, la soirée était enfin lancée !

Borussia Dortmund – Olympique Marseille 3-0 (1-0)

Signal Iduna Park, 65’600 spectateurs.
Arbitre : M. Fernandez Borbalan.
Buts : 19e Lewandowski (1-0), 52e Reus (2-0), 80e Lewandowski (pénalty 3-0).
Dortmund : Langerak; Grosskreutz, Subotic, Hummels, Durm; Bender, Sahin; Aubameyang (71e Blaszczykowski), Mkhitaryan (88e Papastathopoulos), Reus (82e Hofmann); Lewandowski.
Marseille : Mandanda; Fanni, N’Koulou, Mendes, Mendy; Romao, Imbula; Payet (73e Lemina), Valbuena (81e J. Ayew), A. Ayew; Khalifa (80e Thauvin).
Cartons jaunes : 51e Romao, 61e Subotic, 64e Bender, 64e Fanni, 75e N’Koulou.  
Notes : Dortmund sans Schmelzer, Kehl, Piszczek, Gündogan (blessés) Weidenfeller ni Klopp (suspendus), Marseille privé de Morel, Gignac (blessés) et Cheyrou (raisons personnelles).

Écrit par Julien Mouquin

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