La forteresse imprenable

Le Borussia-Park de Mönchengladbach est en train de devenir une destination maudite pour le Borussia Dortmund qui, malgré une domination écrasante, échoue une nouvelle fois à conquérir la citadelle de Lucien Favre. Et abandonne la première place du classement. Un tournant dans la saison ?

Si tu lis régulièrement mes élucubrations allemandes, tu auras pu constater qu’au cours de nos pérégrinations autour des matchs de Bundesliga, nous n’avons pas toujours une hygiène de vie des plus saines. Alors, pour compenser les excès du week-end, j’essaie d’aller courir la semaine, du moins lorsque mon emploi du temps me le permet (malheureusement pas souvent en ce moment). L’un de mes parcours de prédilection, à travers champs et forêts du Gros-de-Vaud, m’amène au pied du château de Saint-Barthélemy cher à la famille Wawrinka. Lorsque j’émerge du bois d’Eclagnens, le souffle généralement court et les jambes lourdes, le château de Saint-Barth, perché tout là-haut sur sa colline, a l’air d’une citadelle imprenable et inaccessible pour le malheureux jogger fatigué. Samedi, dans le cadre un poil moins bucolique du Niederrhein, c’est toutefois à une autre forteresse de Saint-Barthélemy que l’on a décidé de nous attaquer : le Borussia Mönchengladbach de Lucien Favre.

Maudit

Le déplacement à Mönchengladbach n’a pas souvent souri au Borussia Dortmund. En 1978, c’est, dans l’antique Bökelberg, que le BVB établissait l’un de ses records les moins glorieux en s’inclinant 12-0 contre son homonyme de Gladbach, la plus lourde défaite de toute l’histoire de la Bundesliga. Lors du dernier match de la saison 2008-2009, la première de Jürgen Klopp au Westfalenstadion, c’est un nul à Mönchengladbach qui allait priver Dortmund d’un retour en Coupe d’Europe. Et depuis qu’un certain Lucien Favre y réalise des miracles, le BVB s’est toujours cassé les dents au Borussia-Park, avec une défaite 1-0 en 2010-2011, et des nuls 1-1 lors des deux dernières saisons. Et si les Fohlen sont vulnérables en déplacement, leur bilan à domicile jusque-là de trois matchs, trois victoires, onze buts marqués, deux reçus, avait de quoi forcer le respect.

A sens unique

Ces statistiques éloquentes n’ont pas intimidé le Borussia Dortmund qui va d’emblée prendre le contrôle du match et exercer une domination totale sur des Poulains complètement débordés. Enfin, presque complètement car il a manqué l’essentiel : les buts. Les occasions n’ont pas manqué mais Reus deux fois ou Aubameyang voient leur tir manquer de peu le cadre. Et puis, comme d’habitude contre le BVB, le gardien du Fohlenelf Marc-Andre ter Stegen réussit un match homérique. Dommage, si le jeune portier avait été en mode équipe nationale, le BVB aurait réussi un véritable carton. Mais là il fait le désespoir d’Aubameyang, Grosskreutz, Sahin et surtout Hummels qui rate l’immanquable après un premier renvoi de la muraille ter Stegen devant Lewandowski. A la mi-temps, la statistique indique 17 tirs à 1 en faveur des visiteurs mais toujours rien de marqué au tableau d’affichage, «un miracle» pour un Lucien Favre qui n’a guère apprécié la performance des siens en première période. 

Tellement prévisible

Gladbach sera un peu moins inexistant après la pause et met même une première fois le nez à la fenêtre à l’heure de jeu avec un tir mal cadré de Wendt. Toutefois, les meilleures occasions restent encore et toujours en faveur des Pöhler mais ter Stegen réussit trois nouveaux sauvetages devant Aubameyang, Reus et Kuba. Rageant : je te laisse imaginer notre fébrilité et notre dépit dans les tribunes surchauffées du Borussia-Park en voyant notre équipe favorite galvauder autant d’occasions. Surtout que, pour avoir déjà vécu pareil scénario lors de la Telekom-Cup contre ce même adversaire et dans ce même stade en juillet dernier, on pressentait ce qui allait arriver après avoir autant gâché. Et ça n’a pas raté, comme en juillet, un pénalty pour les Fohlen en fin de match, pour une faute de Mats Hummels sur Havard Nordtveit, assorti d’un carton rouge. Ce sera la première suspension en Bundesliga pour un défenseur d’une immense correction mais qui traverse une passe un peu difficile, entre performances en dents de scie et perte de sa place de titulaire en équipe d’Allemagne. Destins croisés: Max Kruse lui a toutes les chances de devenir l’attaquant de pointe titulaire de la Nationalmannschaft pour les prochaines échéances avec les absences de Gomez et Klose et le refus obstiné et incompréhensible de l’incompétent Joachim Löw de redonner une chance à Kiessling. En pleine bourre donc, la nouvelle coqueluche du Borussia-Park ne manque pas l’occasion et transforme imparablement le pénalty pour donner plus de consistance au hold-up royal des Fohlen.

Quand ça ne veut pas…

La semaine précédente, le BVB avait égalé un record du SV Hambourg vieux de 33 ans : ouvrir le score quinze matchs d’affilée, il ne le battra pas et voit le compteur resté bloqué à 15. Inévitable : unser Borussia aurait pu jouer toute la nuit sans marquer. La preuve : à 10 contre 11, Marco Reus manquera l’égalisation en voyant son coup franc s’écraser sur la latte. Quelques instants plus tard, pour l’anecdote, Raffael scellera l’issue du match sur un contre rondement mené. C’est la première défaite de la saison en championnat pour Dortmund, tellement amère mais quand tu rates autant d’occasions, c’est difficile de prétendre à mieux. Je te laisse imaginer le calvaire qu’a constitué le retour interminable au milieu des fans locaux hilares avec des bus et des taxis complètement pris d’assaut et des files d’attente sans fin, surtout pour des supporters qui n’avaient qu’une envie, se cacher six pieds sous terre pour maudire Lucien Favre et sa forteresse imprenable. Il ne pouvait pas rester à Echallens, celui-là…

Inquiétant ?

Pour la première fois de la saison, le BVB passe derrière le Bayern Munich au classement. Pour ne plus le revoir ? On ne va pas tomber dans un défaitisme crasse après une défaite, surtout que Dortmund n’a pas fait un mauvais match, à part à la finition, et aurait même pu signer une claque retentissante avec un peu plus de réalisme. Néanmoins, les augures ne paraissent pas trop favorables. Le BVB va au devant d’un calendrier infernal d’ici à Noël et l’infirmerie affiche désormais complet. Avec les sorties sur blessure de Bender et Sahin, Jürgen Klopp n’a quasiment plus de milieux défensifs, la défense est décapitée et l’attaque reste plombée par un Lewandowski sur courant alternatif, capable de balancer complètement un match comme samedi au Borussia-Park. Ce n’est pas franchement les meilleures conditions pour aborder les chocs à venir contre Arsenal, Schalke, Bayern, Naples ou Leverkusen. Il faudra être fort dans la tête pour que cette défaite évitable de Mönchengladbach ne reste qu’un incident de parcours et non le début d’une série noire qui verrait le BVB perdre toutes ses illusions, nationales et européennes, avant même la fin de l’année.

VfL Borussia Mönchengladbach – Borussia Dortmund 2-0 (0-0)

Borussia-Park, 54’010 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Gräfe.
Buts : 81e Kruse (pénalty, 1-0), 86e Raffael (2-0).
Mönchengladbach : ter Stegen; Jantschke, Stranzl, Dominguez (56e Brouwers), Wendt; Herrmann (77e Hrgota), Nordtveit (83e Kramer), Xhaka, Arango; Raffael, Kruse.
Dortmund : Weidenfeller; Grosskreutz, Subotic, Hummels, Durm; Bender (72e Hofmann), Sahin (89e Günter); Aubameyang, Mkhitaryan (77e Blaszczykowski), Reus; Lewandowski.
Cartons jaunes : 36e Grosskreutz, 85e Stranzl, 90e Lewandowski, 93e Kramer.
Carton rouge : 80e Hummels (faute de dernier recours).
Notes : Mönchengladbach sans Daems (blessé), Dortmund sans Papastathopoulos, Schmelzer, Kehl, Piszczek, ni Gündogan (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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