Derby animalier

C’est l’histoire d’une volaille qui a approché de trop près un chat affamé. Entre les poulets genevois et les chatons lausannois, celui qui avait le plus faim s’est gavé de l’autre. Dommage que les deux soient toujours pensionnaires du même zoo.

Plumage et pelage

Si je peux avoir de la compréhension pour un graphiste avec des problèmes de vue – je suis moi-même daltonien – quelle école supérieure d’arts visuels a-t-elle pu donner un quelconque diplôme au guignol qui a commis l’infâme maillot grenat (ou jaune pisse en mémoire du trop fameux «Genève joue en jaune… merci !» du milieu des années 90) ? On peut être un passionné d’aviculture mais avoir le droit de ne pas insulter le roi du ciel, non ? Vous voyez un aigle dans la tête galliforme sur le poitrail des Genevois, vous ? Côté lausannois, on nous avait promis des maillots en mode Stade Français, finalement Weibel et ses amis se sont abstenu de piétiner une énième fois l’histoire en supprimant la dernière marque encore visible de l’identité du club. LHC a joué en rouge et la lutte contre le cancer du sein n’a pas perdu un centime.
D’entrée de jeu, la volaille du bout du lac s’est montrée offensive. Quand même, hein, fallait montrer à la deux que le patron c’était eux. Mais les chatons découvrant la grande ligue ne l’entendaient pas de cette boîte de whiskas. Setzinger d’abord, Gobbi ensuite, Froidevaux enfin se sont montré les plus dangereux. Rien toutefois pour réussir à modifier les chiffres en-dessous de la kisscam, toujours copieusement sifflée.

17ème : désalpe !

Il aura fallu attendre dix-sept minutes pour voir le tant attendu derby prendre son envol. Dans une bronca indescriptible – à croire que le public lausannois est plus fort pour hurler contre les supporters adverses que pour encourager ses couleurs – alors que Lausanne sort tout juste d’une période de supériorité numérique, le bétail a pris place dans ses quartiers d’hiver. On ne sait toujours pas si la climatisation du bus ou des wagons était en panne, mais les animaux avaient chaud et on espère pour eux que l’abreuvoir à 6 balles les 3 décis de l’enclos était suffisamment achalandé.
Cette arrivée bruyante a eu le don de booster les piafs. Alors que dans les tribunes on se propose de s’éclater la cage à pétoles parmi, la première ligne servettienne, l’impressionnant Almond surtout, alerte Huet sans frais. Mais on en restera là pour les vingt premières minutes.

Un match équilibré

Dès l’entame du second tiers, on sent que les discours respectifs des gardiens de troupeau ont fait leur effet. Les félins appuient les charges plus fort, les théropodes jouent plus haut. Tant et si bien qu’à la 28ème c’est Servette qui ouvre le score en situation de pénalité différée. Mérité ! Mais au vu de l’équilibre des forces en présence, on se dit que l’égalisation n’est qu’une formalité. Une formalité remplie neuf minutes plus tard d’un tir de Froidevaux entre les pattes du pauvre Ritz.
Lorsque les forces en présence sont assez équilibrées, ce sont des détails qui font pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Genève-Servette était intrinsèquement meilleur que Lausanne mais jouait avec trois étrangers seulement. De son côté Heinz Ehlers a fait surjouer ses deux premiers blocs, mettant même les quatre étrangers sur la glace en situation de power-play. Nul doute qu’à ce petit jeu ils seront cramés à la fin de la saison mais qu’au début de celle-ci, préparation physique aidant, cela peut permettre de gagner des matchs.

Chris n’est plus Chris

Mais où est passé le Chris McSorley qui sortait son gardien à n’importe quel moment de la partie, où est ce génialissime stratège qui a réussi plus d’une fois à faire reprendre le dessus à son équipe par cette décision qui est devenue l’une de ses marques de fabrique ? Alors qu’Alain Reist purge une pénalité de deux minutes, on s’attend à ce que le boss de la Ruine remplace Rytz par un sixième joueur de champ. Las, c’est au contraire Hytönen, lancé par un Bang en état de grâce hier soir, qui s’en va crucifier le cerbère grenat. Genève ne reviendra pas.
Au final, Lausanne HC est simplement l’équipe qui possède la meilleure défense de la ligue, Huet n’y est pas étranger. Le néo-promu se trouve tranquillement en milieu de classement. Et le Lac Léman n’a toujours pas changé de nom.
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images

Lausanne – Genève-Servette 2-1 (0-0 1-1 1-0)

Malley, 7’800 clients.
Arbitres : Eichmann/Popovic, Arm/Rohrer.
Buts : 28e Almond (6c5) 0-1. 37e Froidevaux (Leeger) 1-1. 44e Hytönen (Bang/4c5) 2-1.
Pénalités : 2 x 2′ contre Lausanne, 3 x 2′ contre Genève-Servette.
Lausanne : Huet; Gobbi, Leeger; Lardi, J. Fischer; Genazzi, Stalder; Reist; Déruns, Hytönen, Bang; Setzinger, Genoway, Simon Fischer; Neuenschwander, Froidevaux, B. Antonietti; P. Savary, Conz, Primeau.
Genève-Servette : Rytz; E. Antonietti, Bezina; Kamerzin, Mercier; Vukovic, Marti; Iglesias; Simek, Almond, J. Savary; Berthon, Lombardi, Daugavins; Petrell, Romy, Jacquemet; Gerber, Rivera, Fritsche.

Écrit par Vincent Keller