Je reprendrais bien un peu d’hormones de croissance…

«Autre chose pour le petit déjeuner Monsieur ?» «Eventuellement un peu d’hormones de croissance… Autant être prévoyant, nous avons 3 cols hors catégorie à franchir aujourd’hui.»

Petite scène sans aucun doute banale au matin d’une nouvelle étape du Tour de France. Dans le rôle du serveur, un médecin, un masseur ou n’importe quel autre membre du staff d’une équipe cycliste… Dans le rôle du client, Lance Armstrong, Floyd Landis ou n’importe quel autre coureur.

L’introduction est gratuite, peut-être pas tellement drôle et sans aucun doute facile. N’empêche qu’en cette fin de semaine, je me sens comme un peu remonté contre l’hypocrisie crasse du monde du cyclisme. Nous sommes jeudi, toujours sur la terre, et voilà que l’arrogant Lance Armstrong réapparaît sur les premières pages des quotidiens. Le Temps, Le Monde, Le Matin (hum…). Tous annoncent la sortie du livre qui lui est consacré «L.A. Officiel». Complément de la première enquête («L.A. Confidential»), cette fois-ci on en est sûr, il était dopé.
Parce qu’honnêtement quelqu’un en doutait ? Et de toute façon, qu’est-ce qui va changer ?
Dès l’arrivée des beaux jours, Jean-Marie Leblanc ou Christian Prudhomme, le nouveau patron, vont nous vendre leur «grande» boucle. Nous dire que les contrôles sont plus performants, qu’ils sont plus sévères. Avec un peu de bol, ils vont nous virer deux bonnes équipes 10 jours avant le départ, démontrant ainsi leur acharnement.
Leur acharnement est hypocrite, pathétique. Jean-Marie Leblanc est sans aucun doute avec Lance Armstrong le plus gros menteur de la petite reine. Lui était et est toujours au courant des pratiques. Ce n’est pas le seul, les journalistes aussi. Et les anciens champions, les ex-consommateurs, étaient-ils, sont-ils au courant (Richard Virenque mis à part bien entendu) ?
Alors que la crise couve, que de grands débats agitent la fédération internationale, que les contrôles positifs se multiplient, qu’attend-on aujourd’hui pour se mettre à table et vider son sac ? J’ai suivi 5 ou 6 Tours de France en mon temps, passionné, complètement accroc. Rominger nous soulevait tandis qu’on rêvait de voir un opticien, un chirurgien trouver la solution pour Zülle. En ce temps-là, je consacrais ma première lettre ouverte à Bertrand Duboux, exprimant combien ses commentaires m’étaient chers. Aujourd’hui, il n’y croit plus, désabusé, l’émotion n’y est plus. A quelques petites années de la retraite, il n’a aucune bonne raison de se mettre à table et de laisser tomber. Je le comprends et ne lui en veux pas.
Et j’entends déjà les malheureux : «Comment peut-on continuer à s’acharner sur ce sport ?» C’est vrai en fait, pourquoi la suspicion est-elle si forte ? Parce depuis le plus gros des affaires de dopage, la moyenne en kilomètres/heure des coureurs sur le Tour n’a cessé d’augmenter. Quand on sait, quand on écoute les médecins nous décrire les effets de l’EPO sur un sportif, comment croire qu’on puisse réaliser les mêmes performances avec un bon petit déjeuner aux pâtes et des épinards en barre ? Il faut être fou, hystérique et con pour croire encore que la grande boucle est autre chose qu’une diligence de hors-la-loi. Pour croire que ces pauvres coureurs ne sont autres que des cobayes, voués à se faire du mal, à passer tous les matins à la piqûre, à se faire changer le sang durant l’été, voués à claquer la cinquantaine bien tapée !

Alors voilà, jamais je ne remettrai en cause les efforts démentiels des coureurs. Jamais je ne monterai sur leur selle pour avaler les cols. Quand on sait que Tyler Hamilton s’est bouffé la moitié des dents durant le Tour, on n’a pas franchement envie d’en rigoler et on mesure la dimension de l’effort. Surtout lorsque l’on sait que le Tyler en question était également dopé.
Alors de deux choses l’une : ou l’on accepte que le Tour de France est un défilé de camés, au même titre qu’une bonne after dans la banlieue zurichoise, ou l’on fait table rase et, pour arriver au mois de juillet, on fixera le départ du Tour de France à Noël, comme le disait déjà Coluche en son temps.
Et qu’ainsi cesse l’hypocrisie et qu’ainsi le cyclisme retrouve passion, identité et crédibilité.
En attendant que tout le monde se mette à table, je reprendrais bien un peu d’EPO parce qu’à cette époque au moins les coureurs suisses étaient au top et Bertrand pleurait derrière son micro… et toi ?  
(Pour réagir à ce billet : http://mcstein.wordpress.com)

Écrit par Vince McStein

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