La meilleure attaque du championnat dompte la meilleure défense

Vingt-quatre heures après avoir assisté au match du leader de la Bundesliga Schalke 04 à Gelsenkirchen, nous nous rendons deux cent cinquante kilomètres plus au nord pour y visionner son dauphin, le Werder Brême. Après la victoire des Knappen la veille contre Mönchengladbach, les Brêmois ont l’obligation de s’imposer s’ils entendent garder le contact avec la tête du classement.

L’adversaire n’est pas des plus commodes en ce dimanche de Pâques puisqu’il s’agit du 1. FC Nürnberg, révélation de la saison et meilleure défense du championnat. L’attaque brêmoise, la plus prolifique de la Bundesliga, aura donc fort à faire pour percer le coffre-fort adverse. Et ce d’autant plus que le Werder ne réalise pas un deuxième tour transcendant avec «seulement» 14 buts marqués en neuf matches, contre 47 en dix-sept matches avant Noël : Klasnic est absent pour cause d’une greffe d’un rein (il sera follement ovationné avant le coup d’envoi), Diego marque le pas après un 1er tour étincelant et les internationaux Frings et Klose sont perturbés par des rumeurs insistantes de départ : le premier aurait déjà signé à la Juventus alors que le second n’a plus marqué depuis le 31 janvier. Comme nous ne sommes pas certains de revenir de sitôt dans le vétuste Weser-Stadion, je me sens obligé de goûter la bière locale, la Haake-Beck, malgré les séquelles d’une nuit passablement festive à Gelsenkirchen. «Das echte Werder-Bier» se révèle excellente et je fais finalement largement plus qu’y goûter, merci à Didier d’avoir conduit pour le retour. Prolongement logique de notre présence la veille dans la Nord-Kurve de la Veltins Arena, nous prenons place au milieu des supporters de Nuremberg. En effet, fans des Knappen et de Der Klub sont liés par une indéfectible amitié : parmi les très nombreux Franconiens qui ont fait le long déplacement des rives de la Weser, les écharpes et chants à la gloire de Schalke 04 sont omniprésents. Pour être franc, notre position parmi les supporters nurembergeois ne résulte pas d’une subite passion pour cette équipe mais c’était le secteur du stade où il était le plus facile d’obtenir des billets. Je me garde bien d’avouer à mon voisin de droite que je souhaite voir son équipe favorite éliminée en demi-finale de Coupe par Francfort (j’aimerais mieux voir l’Eintracht que der Klub en finale à Berlin), pas sûr qu’il le prendrait très bien.

Bien entendu, le match se joue à guichets fermés (on est en Allemagne). Néanmoins, une partie de la (Pr)Ostkurve (le jeu de mots n’est pas de moi, il figure au dessus de la Kurve) reste vide durant les vingt premières minutes : en délaissant provisoirement leur fief, les supporters brêmois entendent protester (avec raison) contre la stupide décision de leurs dirigeants qui interdisent les animations dans le virage, au motif que celles-ci gêneraient la vision depuis les loges situées juste derrière. Déjà que les supporters du Werder sont loin de figurer parmi les plus fervents d’Allemagne…
En manquant les vingt premières minutes du match, les ultras brêmois n’ont pas raté grand-chose car leur équipe apparaît bien empruntée en première période. Au contraire d’un FC Nuremberg qui fait mentir sa réputation d’équipe défensive en présentant un jeu plutôt agréable, passant régulièrement sur les côtés avec deux faux ailiers (Saenko et Vittek) scotchés le long de la ligne de touche. La meilleure occasion de la première mi-temps sera d’ailleurs bavaroise : sur un centre en retrait de Saenko, le Tchèque Polak, en excellente position, dévisse sa reprise et il ne manque que quelques centimètres à Vittek pour propulser le ballon au fond des filets (23e). Les supporters nurembergeois sont doublement satisfaits : leur équipe joue bien et leur grand rival dans la course à la 5e place qualificative pour le Coupe UEFA, le Bayer Leverkusen, est en train de se faire étriller à domicile par le Bochum de Marcel Koller (1-4 au final).

Après la pause, le Werder se réveille et tente de mettre davantage de pression sur la solide défense franconienne. A trois reprises, le limité Almeida ne parvient pas à cadrer ses frappes (46e, 54e, 56e). En face, Wiese sauve devant Polak (61e), alors que l’Américain Beauchamp manque de promptitude sur un centre de Saenko et se fait souffler le ballon par Hunt (62e). Thomas Schaaf se rend bien compte que son équipe est en train de laisser échapper deux points précieux dans la course au titre et décide de lancer un troisième attaquant, le Suédois Marcus Rosenberg, venu cet hiver de l’Ajax. Un choix payant puisqu’à la 75e, sur un long centre de Naldo, Almeida remise sur le poteau et Rosenberg conclut d’une talonnade aussi magnifique qu’inattendue. Le Suédois inscrit son deuxième but pour le Werder, tout aussi précieux que le premier qui avait permis à son équipe de ramener un point de l’Allianz Arena.
Le Werder se fera encore deux petites frayeurs sur une tête de Glauber (83e) et un tir de Saenko (84e) mais tiendra bon. A l’ultime seconde, Klose partira absolument seul au but mais l’arbitre sifflera la fin du match sous les huées du public, qui aurait bien aimé voir son attaquant vedette retrouver le chemin des filets.
Même si Der Klub s’est créé en tout cas autant d’occasion que le Werder, les Brêmois n’ont pas volé leur succès pour leur domination territoriale et leur volonté offensive en 2e mi-temps. La victoire a toutefois un goût amer avec la blessure dans les dernières minutes de l’international Per Mertesacker, qui risque de manquer toute la fin de saison. La défense du Werder ne constitue déjà pas une garantie absolue de sécurité et l’absence de l’un de ses piliers risque de peser lourd. Le tableau n’est guère plus réjouissant du côté de Nuremberg avec les sorties sur blessure des Slovaques Gresko et Vittek qui rejoignent à l’infirmerie leur compatriote Mintal. L’entraîneur Hans Meyer a même parlé de «défaite à la Pyrrhus». Ce sont de bien mauvaises nouvelles pour deux clubs qui ont des objectifs importants d’ici à la fin de la saison : le titre, ou au minimum une place en Ligue des Champions et un quart de finale de Coupe UEFA à jouer contre Alkmaar pour Brême, la 5e place qualificative pour la Coupe UEFA et une demi-finale de DFB-Pokal à domicile contre Francfort pour Nuremberg.

Après avoir vu les deux principaux prétendants au titre de champion d’Allemagne, Schalke 04 et le Werder Brême, il m’est difficile d’émettre un pronostic. Aucune des deux équipes ne m’a laissé une grosse impression et on ne peut exclure un scénario catastrophe qui verrait le Bayern venir coiffer tout le monde au poteau : les Munichois n’accusent plus que six points de retard sur la tête, alors qu’ils en avaient douze il n’y a pas si longtemps. Mais les hommes d’Hitzfeld ont le calendrier le plus difficile, avec notamment un déplacement sur le terrain du quatrième prétendant au titre et à la Champion’s League, le VFB Stuttgart, dans deux semaines. En fin de compte, Schalke 04 m’apparaît le plus solide et sa mince avance lui accorde un petit droit à l’erreur dont ne bénéficient pas ses rivaux. A vérifier d’ici au 19 mai, terme de cette passionnante saison de Bundesliga.
Après le match, nous rentrons à Gelsenkirchen dans un décor surréaliste. En effet, des centaines de feux éclairent la nuit dans les plaines mornes et désertiques séparant Brême de la Ruhr, au milieu de nulle part, au coin des forêts ou dans les champs. Il paraît que c’est la tradition à Pâques dans les campagnes du Nord de l’Allemagne. Cela n’a rien à voir avec nos feux du Premier Août : chacun allume son feu dans son coin, en tentant de provoquer un brasier plus grand que celui situé cent mètres plus loin, c’était assez spectaculaire. Nous ne nous attardons toutefois pas pour contempler le spectacle, une Vodka Red Bull Night nous attend à Gelsenkirchen, histoire de conclure en beauté un excellent week-end pascal dans la patrie du football.

W. Bremen – 1. FC Nürnberg 1-0 (0-0)

Weser-Stadion : 42 100 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Weiner.
But : 75e Rosenberg (1-0).
Werder : Wiese ; Fritz, Mertesacker (89e Owomoyela), Naldo, Pasanen ; Vranjes (70e Rosenberg), Frings, Diego, Hunt (85e Baumann) ; Klose, Almeida.
Nuremberg : Schäfer ; Gresko (21e Glauber), Wolf, Beauchamp, Pinola ; Vittek (73e Pagenburg), Polak, Galasek, Engelhardt (79e Sibon), Saenko ; Schroth.
Cartons jaunes : 42e Beauchamp, 52e Frings, 55e Pinola, 81e Wolf, 92e Almeida.
Notes : le Werder sans Klasnic (greffe d’un rein), Borowski, Jensen, Wome ni Schulz (blessés) ; Nuremberg privé de Mintal, Mnari et Reinhardt (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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