Edito VIII, le Dessus du Panier

Plus ou moins récemment, le milieu du basket suisse a connu divers événement notables : d’abord Fribourg a été sacré vainqueur de la Coupe de la Ligue puis samedi dernier, vainqueur de la Coupe de Suisse ; puis, de mésaventures en aventures, Boncourt est sorti – provisoirement (?) – d’un marasme financier-sportif et finalement, l’arbitre Philippe Leemann a quitté les parquets.

Pour Fribourg, on ne peut que souhaiter qu’ils atteignent le triplé (Coupe de Suisse, Coupe de la Ligue et championnat) qui semble plus que jamais à leur portée. Pour Philippe Leemann, on soulignera le parcours de ce grand arbitre suisse qui a été jusqu’à siffler aux JO d’Athènes. Pour Boncourt, SOS bien reçu ? Naufrage évité, est-il donc temps de chanter «La Rauracienne» tous en choeur pour fêter la remise à flot du BC Boncourt ? Pas vraiment, car c’est un peu le même refrain depuis plusieurs décennies et qu’on ne retient pas grand-chose du passé. En effet, on peut remonter à très loin, au début des années 80, pour faire la liste des clubs qui sont passés de la gloire au déboire (terme dans lequel j’inclus une forte régression) : Bellinzone, Viganello, Momo, Nyon, Pully, Vevey, Blonay etc etc etc…


Harold Mrazek, le leader de FR Olympic

Le basket suisse est, dit-on, le 3ème sport d’équipe le plus populaire en Suisse ; néanmoins, pour relativiser, loin derrière le football et le hockey sur glace. Apparu il y a longtemps en Suisse, ce beau sport d’équipe a connu un réel essor grâce à la bonne conjoncture helvétique des années 70 : l’argent permit d’acheter des Américains qui firent de ce sport un véritable spectacle. A tel point qu’au début des années 80, le championnat de basketball attire plus de 100’000 spectateurs (!) en une saison. Peu ordonné, le basket suisse se construit «sur le tas», les clubs terminent parfois dans les mains d’hommes d’affaires, mais l’argent est là, donc tout va bien. Un certain Michel Rouiller décide de mettre un peu d’ordre et de structurer ce milieu de la sphère orange, mais son système s’est un peu enroué et a fini par perdre la souplesse nécessaire.
La croissance du basket en Suisse est finalement assez mal maîtrisée et c’est ainsi qu’on manque un virage absolument essentiel : le basketball ne s’exporte pas outre-Sarine. Et c’est peut-être là que le bât blesse : n’oublions pas que le pouvoir économique, politique et sportif de ces années-là est presque uniquement concentré sur l’axe Berne-Zurich.
La seconde grande erreur dans cette évolution du basketball en Suisse est sa mauvaise, voire inexistante promotion. Est-il utile de rappeler que le sport sans une communication et un marketing de pointe n’existe pas (ou existe, mais sans aucune perspective) ? Et, croyez-moi, la communication est un métier de haut vol qui n’est pas à la portée de tout le monde. Les frères Biver (Jean-Claude et Marc) l’ont très bien compris et l’un d’entre eux vole de succès en succès dans l’horlogerie tandis que l’autre a réussi à emballer le produit Tour de Romandie et à s’en débarrasser avec brio en le refilant à la BCV. Alors même qu’on introduit le basketball comme sport à part entière à l’école, tant la communication que l’appui politique nécessaires font défaut. Le basketball nécessite des installations et des équipements coûteux et seuls les politiques ont le pouvoir d’apporter les soutiens adéquats. Nouveau virage manqué et c’est ainsi qu’à partir de ce moment là, le basketball en Suisse sera condamné à une pratique semi-professionnelle.


Jean-Claude Biver, un redoutable businessman

Je devrais presque demander à un «connaisseur» tel que Jon Ferguson – ancien joueur, entraîneur, agent, professeur d’anglais, écrivain-journaliste, philosophe et même peintre à ses mauvaises heures – de nous faire le portrait de ce basket suisse. Toutefois, il y aurait du vert fluo, trop de rose mélangé avec si peu de noir, tout cela dans l’abstrait le plus total. Alors je me fais l’image figurative un peu sombre d’un basket où les quelques «stars» sont à moitié payées en bons-essence et en logements gratuits dans des studios misérables, le solde étant payé grâce au cash de la billetterie dont les prix sont souvent prohibitifs. Ces derniers sont certainement en partie responsables d’une fréquentation qui se profile en dents de scie.
Le basket dépend gravement de mécènes ou de donateurs privés qui se prennent pour des gestionnaires doués. Tout cela sans forcément s’assurer une relève nécessaire, qui se traduit aujourd’hui même avec des équipes qui n’affichent aucun Suisse dans le 5 de base. Et ces gentils mécènes ont commencé à se retirer dès la crise du début des années 90.
 
Ce virus a d’abord atteint le Tessin pour se propager dans toute la Suisse. Des clubs meurent et d’autres pour survivre «fusionnent». Les formations jeunesse sont sauvées uniquement parce que des bénévoles sacrifient leurs journées, parfois leurs week-ends, pour assurer le maintien à un niveau acceptable de ce sport en Suisse. Et c’est ainsi que le basketball demeure. Comme une planète un peu à part, dans un monde où le sport ne doit plus grand-chose au hasard.


Sefolosha sera-t-il le Federer du basket suisse ?

Mais pour contraster avec ce constat un peu défaitiste et parce qu’il est certainement trop facile de critiquer, il faut néanmoins mentionner que le basketball suisse est soutenu par des personnes qui prennent nombre d’initiatives pour défendre leur sport : que ce soit le comité de soutien du BC Boncourt, Roland Bandi – par ailleurs «Mérite sportif vaudois» en décembre dernier pour son engagement depuis des années – ou même Jon Ferguson qui organise chaque année un camp d’été de basketball du côté de Zofingue. Toutes ces personnes contribuent largement au fait que le basketball résiste en Suisse comme un sport dynamique de l’extérieur, apathique de l’intérieur. Est-ce que Thabo Sefolosha – dont la presse fait régulièrement écho – aura-t-il le même effet que «Rodgeur» a eu sur le tennis ? Je le souhaite, car le basket suisse mérite de rebondir.

Écrit par Anthony Reymond

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