Let it B !

Toujours attentif à servir les intérêts du football du peuple, Carton Rouge te propose, ami lecteur, de se pencher sur le championnat de Serie B italien, qui cette année mériterait plutôt l’appellation de A-2, tant le niveau y est élevé. Tour d’horizon.

Il est toujours passionnant de s’intéresser aux deuxièmes divisions, celles-ci étant généralement un excellent indicateur du niveau général du football national. En Italie spécifiquement, ce constat est d’autant plus vrai depuis l’arrêt Bosman. En effet, les contingents des équipes de Serie B comptent beaucoup de jeunes joueurs «du terroir», soit issus des centres de formation, soit prêtés par un club de A, qui n’a pas eu le courage de miser sur eux, leur préférant souvent un latéral gauche slovaque ou un avant-centre panaméen…Pour suivre donc l’éventuelle éclosion des futurs champions du monde (pooopopopopoooopo !), il faut donc savoir s’ouvrir à la deuxième. Et le niveau de ce championnat est des plus relevés, souffrant à tort d’une image de tournoi de «bourrins». Bon, bien sûr qu’il n’y a pas non plus que des esthètes du ballon rond, mais ce n’est vraiment pas généralisé. De plus, c’est toujours sympa de voir des joueurs stratosphériques évoluer dans des clubs de milieu de classement de deuxième depuis des années. Le jeu des hypothèses quant à leur carrière manquée a alors un goût pimenté : blessures à répétition ? Rebelle du ballon rond ? Mauvais caractère ? Pas membre de la GEA ? Alcoolisme ? Ce qui est sûr, c’est que le talent ne manque pas.  Enfin, c’est assez cool, on fait un peu de géo, on découvre Crotone, Frosinone, etc. Non, franchement, pain, saucisson, roulettes vs tacles assassins et Serie B, c’est ça la vie ! Et m… à l’Inter, au Milan, à la Ju… Ah, non, eux ça ne marche pas.


Buffon et la Juve dominent la Serie B

Un plateau de choix

Au-delà des boutades, la présence de la Juve en Serie B a eu sa bonne dose d’impact sur le championnat cadet italien. D’abord un intérêt médiatique revu à la hausse (même si 90% des articles consacrés à la B concernent la Vieille Dame), et un afflux financier plus important que par le passé, notamment par le biais des droits de retransmission télévisée des rencontres. Impact «social» aussi, la venue des bianconeri dans des stades peu coutumiers des grands matches attirant des foules nombreuses et bigarrées. Ce qui a généré de sympathiques surprises d’ailleurs : familles dans les gradins, applaudissements pour des joueurs comme Buffon de la part des supporters adverses… Ça semble banal, mais en Italie ça ne l’est pas, et de loin. Impact sportif enfin, car la Juve a dominé les débats de la tête et des épaules dès le début de la saison, posant rapidement une OPA agressive sur l’une des deux places qui mènent directement à la Serie A. Petit rappel : les deux premiers montent, les quatre dauphins directs s’affrontent en play-offs pour désigner le troisième lauréat. Si le troisième compte 10 points ou plus d’avance sur le quatrième à la fin de la saison «régulière», celui-ci est promu, et les play-offs ne sont pas disputés. Et force est de constater que c’est la tournure que semble prendre cette saison. Car il n’y a pas que la Juve… La B cuvée 2006-07 accueille les heureux propriétaires de pas moins de 45 Scudetti, ainsi que bon nombre d’équipes ayant écrit l’Histoire du Calcio. La Juve (qui compte neuf points de «malus», ne l’oublions pas) est donc talonnée de près par Genoa et Naples, deux équipes néo-promues certes, mais aux ambitions, et surtout aux moyens et aux effectifs surpuissants. Bref, ces trois clubs ne sont pas en train de tuer le championnat, mais peu s’en faut. On en revient aux «impacts» cités plus hauts : la Serie B est depuis des années un tournoi où, schématiquement, on a environ douze équipes qui à quatre ou cinq rondes de la fin peuvent aspirer à la promotion, deux ou trois desquelles luttant en même temps avec dix autres clubs qui sont, eux, menacés de relégation en C… Ok, c’est un peu exagéré, mais c’est pour rendre l’idée (que celui ou celle qui n’a jamais eu recours à cette stratégie me lance la première pierre !). Cette année, ce n’est pas le cas, du moins au niveau de la promotion. Le vrai suspense sera de savoir si oui ou non il y aura des play-offs, et si oui ou non, pour la première fois, trois clubs qui n’étaient pas en B l’an dernier (Juve en A, Genoa et Naples en C) décrocheront le ticket pour l’élite, au nez et à la barbe des locataires habituels du deuxième étage.

Des équipes…

Parce qu’il faut l’admettre, sans rien ôter aux trois ténors cités plus haut, des équipes comme Rimini ou Mantova, qui pratiquent un football résolument offensif, mériteraient de se voir accorder un ultime sursis. Pour ne pas parler de Bologne, en chute libre mais toujours en course, ou de Piacenza, le club qui avait obtenu trois maintiens successifs en A en ne comptant aucun étranger dans ses rangs (!), et dans lequel évolue aujourd’hui Alain Nef, une vieille connaissance (jeune pourtant…) du football helvétique. Objectivement, et contrairement aux années passées donc, il n’y a plus que ces quatre clubs qui puissent espérer monter cette année, la faute à la voracité de points mise en oeuvre par le trio de tête, et qui n’a laissé que des miettes aux poursuivants.
Au niveau des déceptions, on peut citer Hellas Vérone, pour qui le passé glorieux (champion d’Italie en 85, avec le magique Preben Elkjaer-Larsen !) qui fut le sien semble désormais un très lointain souvenir et Lecce, qui malgré une fin de tournoi en nette reprise, aura failli à son rôle de prétendant à la lutte pour les play-offs. La faute à Zeman (licencié le jour de Noël) diront certains, aux poteaux carrés diront d’autres, ou encore à un complot organisé de main de maître contre le magicien de Prague (ça c’est moi qui le dis, ok…). Lecce peut se consoler d’être désormais à l’abri d’une lutte pour le maintien qui s’annonce spectaculaire et palpitante, mais néanmoins dangereuse pour les coeurs sensibles. Et en cela, la B reste dans une lignée que l’on qualifiera de traditionnelle !


De Zerbi, le numéro 10 de Naples

…et des hommes

Au niveau des individualités, on fera l’impasse sur les Del Piero, Nedved ou Buffon qui sont restés à Turin, malgré la descente, et ont été largement à la hauteur de leur réputation, bien  que ce dernier mérite une mention spéciale : réussir à prendre aussi peu de buts dans une défense composée de Chiellini, Boumsong, Kovac, Zebina ou autres Balzaretti et Birindelli, c’est la classe quand même (allez, pour la route : «centre de Sagnol, tête de Zidane… ARRET DE BUFFON !!! Aïe Jean-Michel, c’était la BALLE DE MATCH !!!» Désolé, mais ça fait toujours du bien). Bref, on notera plutôt l’affirmation de deux jeunes bianconeri : Paro et Marchisio, deux milieux de terrain défensifs, qui ont joué un rôle prépondérant dans le onze turinois, évoluant très souvent titulaires, et dont on espère qu’ils trouveront une place aussi l’an prochain. On peut aussi mentionner le virevoltant De Zerbi, de Naples, un numéro 10 old school, zéro envie de courir, qui réussit un match sur trois, mais monstrueusement technique et fin, un vrai régal. Excellente surprise également que Ricchiuti, de Rimini, illustre inconnu avant le début de saison, et dont la réputation trouve ses racines dans le but qu’il plante à Buffon à la première ronde, sans pour autant se satisfaire de ce fait d’armes, et livrant une saison à très haut niveau. Enfin, car il faut s’arrêter, la liste serait extrêmement longue, sortez vos calepins et notez deux noms, tous deux nés en 1983 : Daniele Cacia de Piacenza et Antonio Floro Flores d’Arezzo, deux attaquants de pointe brillants, doués techniquement, robustes et ultra-rapides. Le premier a mené, dès son retour de blessure, Piacenza vers des sphères qui ne lui semblaient pas promises en début de saison. Le second est en train de porter Arezzo vers un maintien qui tiendrait de l’exploit, les Toscans comptant à peu près trois footballeurs, quatre chèvres, cinq moules à gaufres et sept tondeuses à gazon dans leur effectif (et ils ont accessoirement commencé le championnat avec six points de pénalité). Y’a pas à dire, sérieusement, si on aime le foot (si on l’aime VRAIMENT), la B c’est un vrai bonheur !

Écrit par Maurizio Colella

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