Fabien Barthez, l’anti-thèse

Il était une fois un joueur spécial. Le genre de type qui ne laisse pas indifférent, soit on l’adule soit on le déteste. Jusqu’à la fin, il aura cultivé sa différence, jusqu’à la fin, il aura été lui-même.

Originaire de la région de Toulouse, il a commencé par pratiquer deux sports (rugby et football) en parallèle. Replacé dans les cages par un de ses premiers coachs, Barthez deviendra par la suite un des meilleurs portiers du monde et certainement le plus grand gardien français de tous les temps.Né le 28 juin 1971 à Lavenalet, Fabien intègre le centre de formation de Toulouse à 15 ans. Dirigé alors par un Elie Baup dont il restera proche tout au long de ses pérégrinations et auprès duquel il prendra régulièrement conseil. Intégrant gentiment la réserve du TFC, Barthez aura sa chance au plus haut niveau à 20 ans, à la suite des blessures conjuguées des deux premiers gardiens du club du Sud-Ouest, Huc et Pédemas. Cette saison-là, il effectuera LE match qui a lancé sa carrière. Vainqueur 3-1 de l’OM au terme d’un match hallucinant, Fabien Barthez marque les esprits et tape dans l’oeil de Bernard Tapie. Le futur ministre de la Ville le fera venir au Stade Vélodrome la saison suivante pour une somme exorbitante et jamais atteinte pour un si jeune portier.

 

Il débute la saison en remplaçant de luxe du mythique Pascal Olmeta. Après une blessure du fantasque gardien corse, Barthez alors encore chevelu a sa chance et réalise un match monumental qui le révélera aux yeux de bien des béotiens. A Glasgow, en Coupe d’Europe, il étonne par son style si particulier. Tel un libéro, il prend un nombre incalculable de ballon au pied, à 30 mètres de ses buts. On ne le sait pas encore, mais il vient de révolutionner le poste.
Entre 1992 et 1995, il connaît toutes les émotions possibles sous le maillot de l’OM. Du titre domestique en 93 (finalement annulé pour cause de jardinage) à sa première sélection avec les Bleus (France-Australie en 1994) en passant par la Coupe des Champions 1993 où il dégoûta à lui seul les attaquants milanais Massaro, Van Basten et même Papin, pour terminer sur une saison en D2 après l’affaire VA-OM.
A jamais dans le coeur des Marseillais, mais guère motivé par une nouvelle saison au second échelon (Marseille re-relégué malgré la promotion acquise sur le terrain), Barthez signe alors chez le voisin monégasque. Sur le Rocher, il remporte deux titres de champion de France et gagne petit à petit sa place en équipe nationale. L’année 98 restera pour lui comme sa meilleure au niveau personnel et footballistique. Il atteint les demi-finales de la Ligue des Champions avec Monaco et remporte la Coupe du Monde à domicile. Il est alors le deuxième personnage préféré des Français, juste derrière Zinedine Zidane, au point d’être recruté par McDonald’s comme emblème publicitaire.

En 2000, il rejoint enfin un club à la hauteur de son standing. Fabien signe à Manchester pour prendre la succession du mythique Peter Schmeichel. Pour près de 15 millions d’euros (!), Barthez devient «Fabulous Fab’» pour les médias français, mais surtout le «chien fou» pour les Anglais… Alors que les spectateurs du la Premier League sont habitués à des gardiens inconstants qui inventent des bourdes, ils découvrent un gardien étranger capable du meilleur comme de l’horriblement pire. Après deux titres (2001 et 2003), il est relégué en tribunes par Sir Alex Ferguson qui trouve qu’un Américain manchot, c’est bien mieux qu’un international qui a tout gagné… Boudé et mis dehors par Manchester, il touche une indemnité hallucinante pour quitter le championnat anglais sans faire de vague. C’est près de 7,5 millions d’euros qui lui servent de parachute doré.
Comme il n’est plus à une polémique près, il signe son retour à l’OM en octobre. Mais il n’effectuera son retour sur le terrain au Vélodrome qu’en début d’année, en Coupe, pour y inscrire le penalty décisif. Le public olympien est d’abord dubitatif quant au retour de son ex-enfant chéri. Il prend la place de son chouchou Vedran Runje. Chahuté par Alain Perrin, le Croate a su se faire apprécier des Marseillais par sa grande gueule et ses arrêts bizarres sur sa ligne.
Fabien commence sa deuxième carrière marseillaise de la pire des manières. Au cours d’un match amical au Maroc en février, organisé pour combler la trêve internationale et censé renforcer les liens entre le club et ses supporters d’Afrique du Nord, Barthez et ses hommes tombent en plein traquenard. Les Marocains du WAC Casablanca sont surmotivés et découpent régulièrement les tibias marseillais. Le match part en sucette et une bagarre générale débute… Là il y a plusieurs versions, mais le seul fait incontestable est que le gardien crache sur l’arbitre du match. Suspendu six mois et obligé de réaliser dix travaux d’intérêt général, il déclare simplement que ce crachat était une «connerie» et qu’il n’a «rien appris durant son TIG»…

Mais Barthez reconquiert vite les coeurs. Avec Marseille, il atteint la finale de la Coupe UEFA. A Göteborg, face à Valence, il manque sa première vraie intervention du match. Le penalty et le carton rouge sortent du sifflet d’un autre chauve bien connu, Pierluigi Collina. L’OM à dix contre onze et avec Gavanon entre les bois se fait atomiser 3-0. La saison suivante, il emmène son club en finale de Coupe de France face à Paris. Il s’inclinera à deux reprises sans avoir pu être décisif. Une frappe à 30 mètres de Dhorasso (la seule de sa carrière) ruine ses espoirs de mettre un terme à 13 ans de malédiction pour le club des Bouches-du-Rhône. Il quitte l’OM pour une dernière Coupe du Monde, où il pique la place de son concurrent Coupet sur insistance des cadres des Bleus.
Le «Divin Chauve» est le seul joueur français à échapper aux critiques à la suite des campagnes manquées de Corée en 2002 et de l’Euro 2004 au Portugal. Après avoir pris une part prépondérante dans les succès français en 1998 et 2000, il a toujours été irréprochable au niveau international. Il a continué à défendre la cage des Bleus jusqu’en 2006 en Allemagne, mais n’a pu se montrer décisif en finale, s’inclinant sur les cinq tirs au but italien, ce qui restera certainement le plus gros regret de sa carrière.
Arrivé en fin de contrat à Marseille, il hésite à continuer sa carrière au plus haut niveau. Il a bien des offres d’un peu partout, de clubs anglais, du Qatar ou encore de la Fiorentina. Mais rien qui ne le fasse «bander» comme il le dit si bien. Un soir, déçu par les propositions et surtout qu’aucune ne soit venue de Toulouse, le club de son coeur en prime coaché par Elie «casquette magique» Baup, il annonce sur TF1 qu’il prend sa retraite.
Parti par la fenêtre, Barthez reviendra par la grande porte, en sauveur d’un FC Nantes Atlantique à la dérive. Mais ses entraînements à la carte, le diététicien qu’il amène au club ainsi que son manque d’implication au sein du club font jaser. L’équipe est très vite faite de clans et Fabien, auteur pourtant de matches remarquables, va craquer. Dans sa dernière semaine sous le maillot des Canaris, il descend un de ses jeunes coéquipiers par derrière avant de déclarer «qu’il s’est bien amusé» et ignore un penalty tiré par Savinaud à l’entraînement. Conspué par la Beaujoire à la suite d’une bourde «à la Barthez» face à Sedan, il se fera agresser à la sortie d’une nouvelle piteuse défaite face au voisin rennais. Choqué, il embarque le soir même femme et enfants pour ne plus jamais revenir.

Ses six mois de pré-retraite lui ont montré que le foot lui manquait trop. Il rebondira donc sans doute quelque part. En France selon son souhait, mais plus certainement pour un ultime contrat lucratif en Major League Soccer, aux Etats-Unis, où l’aura prend le pas sur le terrain concernant le nombre de zéros sur le chèque de fin de mois et où il retrouverait son ex-coéquipier David Beckham…
Barthez est au bout du chemin. On retiendra de lui qu’il a renouvelé le poste. Il est devenu le premier passeur des clubs où il a évolué. La qualité de sa passe au pied ou à la main a souvent permis des décalages jusqu’ici introuvables. Fabien a fait entrer son poste dans la modernité. Sa présence aérienne, son style bondissant sur sa ligne, ses sorties autoritaires dans les pieds ainsi que des bourdes mémorables sont à jamais sa marque de fabrique.
De même, côté personnalité, il est unique. Fumeur invétéré, il a toujours avoué n’en avoir «rien à foutre» des autres matches que celui qu’il dispute. Là où nombre de gardiens étudient minutieusement le comportement des attaquants adverses, notre ami chauve fait confiance à son instinct qui ne l’a jamais trahit. Et pourtant, il reste un des gardiens au plus grand palmarès du football…
– Plus grand nombre de sélections en équipe de France pour un gardien (87 sélections).
– 17 matches de phase finale de Coupe du Monde.
– Vainqueur de la Coupe du Monde 1998, finaliste en 2006.
– Vainqueur de l’Euro 2000.
– Vainqueur de deux Coupes des Confédérations (2001, 2003).
– Vainqueur de la Ligue des Champions (1993).
– Champion de France (1997, 2000 et presque 1993)
– Champion d’Angleterre (2001, 2003).
– Prix Yachine (meilleur gardien CDM, 1998).
– Gardien d’Or (France Football 1998).
– Onze d’argent (1998).
– Meilleur gardien européen du classement au Ballon d’Or (1998, 2000).
– Finaliste Coupe UEFA (2004).
– Finaliste Coupe de la Ligue anglaise (2003).
– Finaliste Coupe de France (2006).

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4 Commentaires

  1. Ben il va bientôt pouvoir mettre une ligne supplémentaire à son palmarès le Fabien pigeon dor du mois davril et il laura bien mérité 😉

  2. Une fin de carrière des plus calamiteuse… grand artisant de mon pire souvenir sportif (la victoire de la france en 98).. javoue ne pas être déçu de le voir partir mais admet néanmoins quil fut un grand gardien. En route pour son dernier trophée.. celui du pigeon dor

  3. « Tel un libéro, il prend un nombre incalculable de ballon au pied, à 30 mètres de ses buts. On ne le sait pas encore, mais il vient de révolutionner le poste. »

    Euh oui, 30 ans après Lev Yachine, quand même 😉

    Très bel article, sinon !

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