Novak is [no more] a Djoke

Les Masters Series du Canada se sont achevés sur une formidable finale ce dimanche, avec d’un côté le roi Federer et de l’autre le jeune Djokovic qui regarde d’ailleurs avec de plus en plus d’envie en direction du trône de son aîné. Le serbe a affiché depuis longtemps son objectif ultime : devenir dans un avenir proche le numéro un au classement ATP. Classé à la troisième place de la hiérarchie mondiale, il n’a pas l’intention de se contenter de la place de dauphin actuellement squattée par Nadal. «Nole» s’est imposé 7/6(2) 2/6 7/6(2) au terme d’une finale tendue où Federer a (encore) laissé passé sa chance.

En effet, alors qu’il avait été breaké d’entrée (voilà autre chose qui commence à devenir une habitude inquiétante), Federer était rapidement parvenu à recoller au score puis à prendre le service de son adversaire pour mener 6/5 sur son service. Le suisse parviendra ensuite à mettre les trois premiers points de ce douzième jeu avant de sombrer complètement et de laisser au Serbe le jeu décisif. Un exercice que le numéro un mondial dominait pourtant largement jusque-là puisqu’il avait remporté ses 13 derniers tie-breaks disputés. On ne peut s’empêcher de repenser à la finale de Roland Garros en voyant ces statistiques : Rodge n’avait pas eu de balle de set, mais s’était tout de même procuré la bagatelle de 10 balles de break (dont 7 avant de se faire breaker lui-même) puis de s’incliner.

La réaction du Bâlois dans la seconde manche fut celle que l’on attendait, conquérant, il profitait de la baisse de régime de son adversaire pour rapidement creuser l’écart et s’imposer facilement dans cette manche. L’ultime set fut quant à lui la copie conforme du premier, hormis en ce qui concerne les balles de sets de Federer. Lorsque ce dernier parvint à refaire son retard sur Novak et à planter un jeu blanc derrière, le serbe montrait quelques signes d’énervement, mais là où de nombreux autres joueurs (particulièrement ceux de la nouvelle garde) auraient probablement craqué, Djokovic parvenait à faire le vide en lui et à s’imposer dans un tie-break à sens unique.

Habitué à voir triompher notre compatriote, on serait tenté de chercher les raisons de ce résultat, pas à la hauteur de nos espérances, uniquement du côté de Federer; ce serait mentir sur le talent incroyable de Djokovic. Oui Roger n’avait plus rejoué depuis Wimbledon, mais le serbe n’avait disputé que le tournoi d’Umag (sur terre battue) où il s’était incliné au second tour face au 176e joueur mondial, rien à chercher de ce côté donc. Le Suisse serait-il en méforme ? Voilà un point difficilement défendable lorsque le joueur en question atteint la finale d’un Master. De surcroît, Rodger a réalisé un tournoi très solide et son jeu paraissait particulièrement bien en place ces derniers jours. Non, les raisons de la défaite de Federer portent un seul nom : le talent et le jeu présenté durant le tournoi canadien par son adversaire du jour.

Alors qu’au sortir d’une rencontre de Coupe Davis, Federer avait lancé un «Novak is a Djoke» en commentant le fait que le serbe appelait le médecin un peu trop souvent à son goût lors de leur match, l’heure n’est plus à la franche rigolade. Après Adélaïde et Estoril, Novak vient de remporter son second Master avec celui de Miami, comme on a pu l’entendre partout depuis dimanche soir, il est le premier joueur à battre Nadal et Federer dans le même tournoi et le premier depuis Becker il y a 23 ans à sortir les trois têtes de séries d’un tournoi. Bref, ce jeune (plus jeune que le benjamin, moi en l’occurrence, de la rédaction Carton Rouge !) a quitté ce groupe que l’on qualifiait de jeunes loups il y a quelques temps, Nole est rentré dans la cour des grands. Roddick a déjà été dépassé, Nadal et Federer peuvent désormais trembler.

Ce que l’on pourrait prendre pour de l’arrogance n’en est pourtant pas !  Il vise la place de numéro un mondial mais prendra son temps pour y parvenir. Son jeu lui permet d’être compétitif sur toutes les surfaces, bien que les secrets de la terre battue ne lui soient pas totalement connus (sur la terre ocre, il n’a pas pris un seul set au roi Nadal). Il est vrai que la vivacité de son jeu s’adapte mieux sur surface rapide. Le bougre n’a que 20 ans. Au même âge, Rodge n’était alors «que» 13e mondial… Vous l’aurez compris : le joueur à suivre durant ces prochaines semaines (années) ce n’est plus Nadal mais bien le jeune Novak Djokovic.

Avec tout cela, faut-il craindre une passation de pouvoir dans les prochains mois ? Federer ne compte plus que 1500 points d’avance sur Nadal alors qu’au début de l’année il affichait un bilan positif de 3900 unités. Le maître sort de quatre années incroyables où il a dominé le tennis mondial de la tête et des épaules (seul le phénomène ibère lui a mis des bâtons dans la raquette sur terre battue). Federer n’a jamais été inquiété ou contesté en tant que numéro un mondial. L’arrivée de nouveaux joueurs talentueux doit le pousser à ne pas considérer tout ce qu’il a accompli comme pouvant se répéter sans effort.

Après Cincinnati, ce sera l’US Open, un tournoi probablement clé pour Djokovic et Federer. Coincé entre les deux, il faudra tout de même surveiller Nadal dont la fierté pourrait faire des ravages. Un Grand Chelem où Federer partira bien évidemment favori, Djokovic ayant peut-être besoin de quelques tournois majeurs supplémentaires pour se faire la main et devenir véritablement dangereux même lors des grands rendez-vous, à moins qu’il ait déjà franchi le cap en ce dimanche d’août…

Écrit par Nicolas Jayet