Le monde à l’envers

L’AC Milan est champion d’Europe et du monde en titre mais en Italie et en Lombardie le maître s’appelle bien Inter Milan en cette année 2007. Pourtant, malgré leurs criantes limites actuelles, les Rossoneri, à l’orgueil et au courage, sont passés tout près du succès contre leur grand rival local. Mais une double bévue de Maldini et Dida a permis aux Nerazzurri de remporter un très bon derby où il n’a manqué que… l’ambiance.

Quand on va voir un grand match du championnat italien, il faut toujours être conscient que la probabilité de tomber sur un pauvre 0-0 au terme d’un match où il ne s’est rien passé est relativement élevée. Dans ces cas-là, on se dit que le déplacement en valait quand même la peine pour l’ambiance. Et puis San Siro reste, de mon point de vue, le stade le plus extraordinaire d’Europe en dehors de la Ruhr. De toute façon, j’ai tendance à considérer que, lorsqu’un derby du calibre Inter – AC Milan, se déroule sur ton pas de porte ou presque et qu’il est  facile de se procurer des billets pour une somme modique (20 euros), il serait presque criminel de ne pas effectuer le déplacement.Mais, en débarquant dans le phénoménal San Siro, il apparaît rapidement que quelque chose cloche. La première anomalie survient avec la diffusion de l’hymne du club recevant, l’Inter : le bon vieux «c’è solo l’Inter» a été remplacé par un «pazza Inter» dont le rendu est nettement moins puissant. Comme cela fait un certain temps que je n’ai pas vu un match où l’Inter recevait, je suppose que le club a simplement changé de chanson en vue de son centenaire et que le nouvel hymne a de la peine à s’imposer. Mais le sentiment d’étrangeté se confirme à l’entrée des joueurs puisque aucun tifo ni aucun drapeau ne viennent égailler la grisaille et le smog de Milan, pas plus dans la curva sud milanista que dans la curva nord interiste.


Le virage des Milanistes n’a pas chanté

A la place, deux banderoles, la même dans chaque camp, indiquant «un Derby senza Libertà di Colore», en guise de protestation contre les mesure répressives prises suite aux événements violents survenus dans le Calcio et contre la prétendue stigmatisation du mouvement ultra. C’est donc bien d’une grève des supporters qu’il s’agit : de tout le match, aucun encouragement ni chant ne monteront du deuxième anneau de chaque virage, là où se trouvent les franges les plus remuantes des fans. Et, lorsque certains d’entre eux, pris par l’enthousiasme du moment, tenteront de donner de la voix, ils seront bien vite remis à l’ordre par des capos bien décidés à faire régner le… silence dans leur virage.
Pour qui connaît le volcan en ébullition qu’est habituellement San Siro un jour de derby, c’est donc dans une ambiance un peu surréaliste que se déroulera ce 267e derby milanais, même si des chants partiront de temps à autre des parties non grévistes du stade. Heureusement, une fois n’est pas coutume, c’est la qualité du jeu qui va compenser la relative tiédeur de l’ambiance. Les joueurs de l’Inter pénètrent en premier sur la pelouse et font la haie à ceux de l’AC Milan, en hommage à leur récent titre de champion du monde des clubs. Il ne faudra toutefois pas plus de 150 secondes pour qu’un tacle assassin de Gattuso sur Jimenez ne relègue les échanges d’amabilité au rang de lointain souvenir. Rino échappera sur le coup au carton mais il n’y coupera pas quelques minutes plus tard, contraignant son entraîneur Ancelotti, soucieux de voir son équipe terminer la rencontre au complet, à le sortir à la mi-temps. Le derby est lancé et bien lancé.
L’Inter aligne une équipe assez surprenante avec le Chilien Jimenez en meneur de jeu et les défensifs Chivu et Zanetti en demis de couloir. Fringants leaders du championnat, les Intéristes imposent d’emblée leur jeu. La première occasion est pour Ibrahimovic (volée trop enlevée, 3e). Sevré de victoire en championnat à San Siro depuis le… 21 avril 2007, l’AC Milan apparaît bien emprunté en ce début de rencontre et l’on se demande comment les Rossoneri vont pouvoir inquiéter Julio Cesar.


Pirlo et Cambiasso ont les deux marqué

C’était oublier que, si l’Inter aligne onze étrangers au coup d’envoi (seulement deux Italiens sur la feuille de match, Materazzi et le gardien remplaçant Orlandoni), l’AC Milan s’appuie sur une forte ossature transalpine et peut marquer des buts à l’italienne à tout moment : une balle en profondeur, Inzaghi qui s’écroule sans avoir vraiment cherché à jouer le ballon et Milan obtient un coup franc à l’orée des seize mètres intéristes : l’arbitre, et c’est tout à son honneur, parvient à mettre le mur à distance réglementaire ; il n’en fallait pas plus à Pirlo pour déposer une merveille de coup franc en pleine lucarne et faire exploser la curva sud : a priori la grève n’empêche pas d’exulter en cas de but. C’était le scénario idéal pour lancer la rencontre et même le scénario idéal tout court.
Milan aurait pu doubler la mise sur une action de rupture emmenée par Kakà qui a donné le tournis à Samuel mais l’Argentin a fini par avoir le dessus, se blessant grièvement au passage (jusqu’au terme de la saison). C’est donc réduit à dix, en attendant le changement, que l’Inter va égaliser sur un excellent travail préparatoire d’Ibrahimovic sur le flanc gauche, une passe en retrait pour Cambiasso dont le centre trouve Cruz qui s’infiltre au milieu d’une défense figée et trompe curieusement Dida au premier poteau. Du coup, tout le stade se met à sautiller sauf évidemment les 20’000 supporters milanais et les ultras intéristes en grève. Cela n’empêche pas les tonnes de béton de San Siro de frémir sous les assauts de dizaine de milliers de pieds au moment où Materazzi fait son apparition sur le terrain, avant d’écoper d’un avertissement deux minutes après son entrée en jeu pour un accrochage avec Kakà.


Cruz et Ibrahimovic exultent après l’égalisation

Milan se fait une grosse frayeur à la 38e mais M. Morganti décide d’ignorer une main de Kaladze dans la surface comme il avait ignoré une intervention litigieuse de Cambiasso sur Kakà, là aussi dans le rectangle fatidique, alors que le score était encore de 0-1. C’est donc sur un score de parité que se terminera cette excellente 1ère mi-temps. Après la pause, l’Inter parviendra à concrétiser sa domination sur une double erreur milanaise : Maldini renvoie un centre anodin dans l’axe, Cambiasso se montre beaucoup plus prompt que Serginho et arme une frappe flottante mais en plein centre du but sur laquelle Dida se troue complètement en plongeant pour… éviter le ballon.
Les choses se compliquaient sérieusement pour l’AC Milan, qui avait galvaudé une balle de 1-2 quelques instants auparavant sur un corner de Pirlo et une tête trop croisée d’Oddo : Seedorf était dans un mauvais jour, les latéraux n’amenaient pas grand-chose offensivement et il paraîtrait que Gilardino a relayé Inzaghi à la mi-temps mais l’ex-Parmesan a été tellement inexistant que cela nous a totalement échappé. Milan ne pouvait donc guère compter que sur Kakà dans le jeu et Pirlo sur les balles arrêtées pour créer le danger. Et pourtant, même si les Rossoneri n’ont jamais réussi à prendre le match à leur compte, ils ont eu, par leur tempérament, leur fierté, leur courage, de nombreuses occasions d’égaliser : une feinte de Pirlo pour personne alors que le chemin du but lui était ouvert, une reprise ratée d’Emerson sur un centre de Kakà, une frappe de Nesta contrée in extremis par Materazzi, une volée de Kakà superbement détournée par Julio Cesar et un centre de Serginho qu’Ambrosini a été tout près de propulser au fond des filets.


Materazzi avait sorti un maillot spécial…

Même si l’Inter a montré davantage de variété, d’amplitude et d’imagination dans son jeu, l’AC Milan aurait largement mérité un point au décompte des occasions de but. Une fois de plus, l’absence d’un attaquant de classe mondiale et d’un gardien digne de ce nom a pesé lourd au décompte final. Silvio Berlusconi sait ce qu’il lui reste à faire lors du mercato hivernal s’il ne veut pas voir son Milan AC, désormais complètement largué au classement, écarté de la prochaine Ligue des Champions.
Un champion du monde et d’Europe relégué à vingt-cinq points de son rival local, un match italien où il y a plus de spectacle sur le terrain que dans les gradins et où seuls les virages ultras ne bougent pas, c’était bien le derby de tous les paradoxes. Un derby pas aussi extravagant que celui du 28 octobre 2006 mais un derby qui restera sans doute également dans les mémoires.

Inter Milan – AC Milan 2-1 (1-1)

San Siro : 83’500 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Morganti.
Buts : 18e Pirlo (0-1), 36e Cruz (1-1), 63e Cambiasso (2-1).
Inter Milan : Julio Cesar ; Maicon, Cordoba, Samuel (37e Materazzi), Maxwell ; J. Zanetti, Cambiasso, Jimenez (80e Pelé), Chivu ; Ibrahimovic, Cruz (86e Suazo).
AC Milan : Dida ; Oddo, Nesta, Kaladze, Maldini ; Ambrosini, Pirlo, Gattuso (46e Emerson), Seedorf (58e Serginho) ; Kakà, Inzaghi (46e Gilardino).
Cartons jaunes : Pirlo (11e), Cordoba (17e), Gattuso (23e), Jimenez (38e), Materazzi (39e), Ambrosini (45e), Cruz (52e).

Écrit par Julien Mouquin

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1 Commentaire

  1. Bonjour Carton Rouge !

    Merci pour votre travail !

    Larticle est bien mais un peu trop « compte-rendu ».

    Je suis en Iran actuellement, et jai regardé le match Inter – Milan sur la 3ème chaîne nationale (avant denchainer sur le classico).

    Milan va vendre ce boîteux de Ronaldo … acheter ce « plongeur » de Ronaldhinio avant de se classer dans les 4 premiers du Calcio …

    Question Champions, le vainqueur du Milan – Arsenal ira en finale. Du moins, je lespère …

    Bon baisers dIran (où le foot est roi).

    A+

    BP

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