Un miracle nommé Lara Gut

En un mois, le ski suisse nous a offert un doublé Berthod/Albrecht à Adelboden et un triomphe de Cuche à Kitzbühel. On ne pensait pas vivre quelque chose de plus fou cet hiver. Et puis Lara Gut est arrivée…

 
St-Moritz, samedi 2 février. Une descente dames au programme. Le tracé est peu spectaculaire, les reines de la vitesse se plantent, les Suissesses font encore pire. Bref, on s’ennuie.
 
Après le passage du top 30, Maria Holaus devance Emily Brydon. Le doublé le moins sexy de l’hiver. Sur tous les plans (si vous ne me croyez pas, c’est que vous n’avez jamais vu Brydon en vrai). Bref, on s’ennuie vraiment.

Puis voilà le dossard 32. Celui de Lara Gut. Elle est tessinoise. Elle a 16 ans. C’est sa première descente de Coupe du monde. La fille a un énorme potentiel. Tout le monde le sait. Mais personne ne s’attend à ce qu’elle perce déjà maintenant chez les «grandes».
 
Mais. Mais ! Au premier temps intermédiaire, Lara pointe en tête. Au deuxième, elle accroît son avance. Au troisième, elle maintient. Le maigre public présent n’en croit pas ses yeux. Cris d’excitation. Elle va gagner, c’est pas possible, elle va gagner !
 
Dernier saut pour Lara, dernier schuss, dernières secondes. Et tout à coup la chute à 120 km/h. Lara perd un ski, rebondit dans tous les sens, achève les 30 dernières mètres de sa course sur le dos. Le maigre public crie toujours. Mais maintenant d’effroi.
 
On croit à la blessure. On se dit que le plus grand d’espoir du ski suisse vient de se briser en mille morceaux. Mais non. Lara se relève. Couverte de neige, elle regarde le tableau. Tout le monde en fait de même. Pour la forme. Sans aucune attente.
 
C’est alors la stupeur: Lara Gut est deuxième à 1 centième de Holaus (elle terminera finalement 3e). Personne n’en revient. A commencer par la principale intéressée qui gesticule dans tous les sens et se marre comme une baleine.

Toujours hilare, Lara enchaîne ensuite les interviews. Italien, suisse allemand, français, anglais. Avec aisance. Avec bonne humeur. Avec une tchatche tellement rare dans le monde du sport. Et d’autant plus chez une athlète de 16 ans !
 
Lara plaisante. Lara dit qu’elle aurait au moins pu se donner la peine d’allonger la main pendant sa chute, histoire de couper la ligne plus rapidement. Lara promet de terminer le super-G de dimanche sur ses deux skis. Lara se met tout le monde dans sa poche.
 
Certes, des conditions météo changeantes ont donné un coup de pouce à la Tessinoise lors de cette course. Mais l’exploit reste ENORME. Un premier podium pour une première descente en Coupe du monde, c’est du jamais vu ! Sans parler du fait que de toutes les filles classées, la deuxième plus jeune est 5 ans plus vieille que Lara. Si ça c’est pas de la précocité !
 
Le lendemain, super-G. On se dit que les routinières vont se reprendre et donner une bonne correction à la gamine. Erreur. Grave erreur. Avec son dossard 33, Lara accroche la cinquième place. Son commentaire à l’arrivée ? «Trop cool ce super-G, je me suis bien marrée !» Elle oui. Mais les «vieilles» de l’équipe de Suisse, larguées au classement, moins…

Des coups d’éclats, Lara Gut en avait déjà signés l’an dernier : médaillée à 15 ans aux Mondiaux juniors, plus jeune championne de Suisse depuis plus de 30 ans. Cet hiver, c’est en Coupe d’Europe qu’elle a cartonné avec notamment une série de 4 victoires en autant de jours.
 
Bref, cette fille est un miracle pour le ski suisse : talentueuse, fonceuse, charismatique, jeune, mignonne, enjouée, latine, culottée, et j’en passe. Vivement que Didier Cuche prenne sa retraite pour qu’on puisse se consacrer entièrement à Lara Gut !

Écrit par Alex DeLarge