Lavis en rose

Samedi soir, Harpic affrontait Hakle. Fort logiquement, ce sont ces derniers qui ont essuyé une défaite.

Le championnat suisse de hockey est vraiment fantastique. Pour ajouter à la liste des moult péripéties guignolesques auxquelles nous avons eu droit, la dernière en date étant la brillante réussite de la date-limite des transferts, voici une nouvelle mascarade à laquelle le législateur, une fois n’est pas coutume, ne pouvait pas grand-chose. La dernière journée de la saison régulière voyait donc un Genève-Servette assuré de sa 2e place accueillir des Lakers de Rapperswil qui ne pouvaient eux terminer ailleurs qu’au 7e rang. Ce qui signifie, vous l’aurez compris – quelle sagacité ! – que les deux équipes allaient également se retrouver pour une série de play-offs pas plus tard que jeudi.
Tous les ingrédients du match mythique étaient donc réunis, et même plus. Bien décidés à marquer psychologiquement leur adversaire en vue des séries, les Genevois réussissaient, sous prétexte de lutter contre le cancer du sein, à arborer une tenue d’encore plus mauvais goût que celle que les Saint-Gallois nous infligent habituellement. Les locaux se présentaient donc parés de rose cochon de pied en cap.

Une tenue très virile…
et des numéros illisibles !

Le premier troublé fut l’aigle Sherkan. Cherchant vainement les tuniques grenat auxquelles il est habitué, il refusait catégoriquement d’aller se poser au centre de la glace. Outre cet acte de rébellion bienvenu, la petite escapade aquiline avait également pour mérite insoupçonné de nous priver, faute de temps, des pensées forcément profondes de Jean Alesi. Une bien brave bête en vérité. (Sherkan, pas Alesi.)
La soirée, déjà peu attirante, s’engageait donc sous les auspices les plus foireuses. Ce qui se confirmait à la lecture de la feuille de match. Si Genève-Servette se contentait de laisser au repos la moitié de sa défense tout en convoquant quelques juniors élite, Rappi reprenait l’ascendant avec pas moins de neuf titulaires aux abonnés absents, dont les quatre étrangers habituels. Il est difficile de se foutre plus ouvertement de la gueule du monde.
Le match pouvait donc commencer. Et les mauvaises surprises continuaient, puisque les concepteurs de la magnifique tenue genevoise avaient de surcroît brillamment décidé de colorer les numéros de fuchsia. On aurait pu espérer un peu de pitié pour le pauvre journaliste amateur perché dans son nid d’aigle en haut de la tribune centrale et dont les yeux commencent gentiment à subir les outrages du temps. Le lecteur se montrera donc indulgent si l’identité de tel Genevois n’est pas la bonne dans les lignes qui suivent.
Le match pouvait donc commencer, disais-je donc. Et l’on ne tarda pas à constater qu’il n’y avait en fait que deux joueurs motivés sur la glace, tous deux du côté des Lacustres : Daniel Steiner, que l’avalanche de forfaits diplomatiques n’avait réussi à faire remonter qu’en troisième ligne – nous n’avons pas les mêmes valeurs – et Pierre-Luc Sleigher, le cinquième «import», qui devait se faire remarquer et qui n’y manqua pas. C’est d’ailleurs l’ex-Robinson martignerain qui ouvrait le score après 5 minutes, d’un tir de la bleue qui n’avait pas grand-peine à surprendre tout le monde. Un peu plus tôt, Oliver Kamber avait manqué un penalty à sa manière, soit en tirant un bon mètre à côté de la cage béante.

Oliver Kamber a vendangé

Le début de match était donc saint-gallois, ce qui en dit long sur la motivation des Grenat des Roses. On n’avait pas encore atteint la moitié de la période que Robin Breitbach décidait de sonner la charge d’une chevauchée magnifique, hélas brutalement interrompue quelques mètres plus loin par un Sleigher qui ne comprend rien à l’art et qui en profitait bêtement pour laisser pantois un Gianluca Mona en mode hibernation.
En fin de tiers, les Aigles bénéficiaient enfin d’un jeu de puissance, qui sera magnifiquement négocié. Après avoir concédé deux dégagements interdits en 43 secondes, ils se procuraient leur occasion la plus dangereuse lorsque Thomas Deruns arma un tir qui sortit de la surface de glace au niveau de l’arrondi adverse.
Tout le monde pouvait alors regagner les vestiaires et laisser le spectateur se remettre de tant d’émotions.
La deuxième période démarra fort (par rapport à la précédente, s’entend) puisque les Genevois marquaient un but somptueux : Kirby Law centrait de l’arrière du but et le patin de Markus Bütler trompait son propre gardien remplaçant, l’inimitable Marc Klingler. S’ensuivait une période de folie (par rapport au reste du match, s’entend) qui vit les Roses revenir par deux fois à hauteur et les Bleuasses reprendre à chaque fois l’avantage sans grande difficulté.
Ça y est, on avait un peu patiné, et cet aimable match amical pouvait donc se terminer. Le problème étant qu’il restait tout de même vingt minutes à jouer, qui furent donc d’un ennui rarement connu aux Vernets. Et le brave Federico Tamo, qui faisait là sa première apparition en LNA, n’eut pas beaucoup plus d’occasions de se mettre en évidence que s’il était resté sur le banc, finalement. On remerciera quand même les Genevois de n’avoir pas trop forcé pour revenir, ce qui nous a au moins épargné la prolongation.
Vivement jeudi que les choses sérieuses commencent enfin.
Photos copyright GSHC et Pascal Muller, www.mediasports.ch

Genève-Servette – Rapperswil-Jona Lakers 3-4 (0-2 3-2 0-0)

Les Vernets : 5447 spectateurs.
Arbitres : P. Kunz ; G. Mauron, P. Rebillard.
Buts : 5’16 P.-L. Sleigher (N. Siren, S. Berger) 0-1, 8’37 P.-L. Sleigher (sans assistance, sinon celle de Breitbach) 0-2, 21’53 K. Law (sans assistance, sinon celle de Bütler) 1-2, 28’51 J. Gobbi (S. Schilt, T. Deruns / 5 contre 4 / P.-L. Sleigher, décidément partout) 2-2, 32’11 S. Hürlimann (D. Steiner / 5 contre 4 / S. Aubin) 2-3, 35’03 K. Law (J. Kolnik, G. Bezina / 5 contre 4 / C. Geyer) 3-3, 39’09 P.-L. Sleigher (L. Burkhalter, N. Siren) 3-4.
Genève-Servette : G. Mona (40’00 F. Tamo) ; G. Bezina, S. Schilt ; Jul. Bonnet, J. Gobbi ; R. Breitbach, J.-P. Vigier ; A. Vigier ; J. Kolnik, S. Aubin, K. Law ; I. Fedulov, F. Conz, C. Rivera ; T. Deruns, M. Trachsler, J. Cadieux ; Jér. Bonnet, T. Spicher-Kast, N. Boillat. Absents : M. Hoehener, O. Keller, J. Mercier, G. Augsburger, L. Meunier, P. Savary.
Rapperswil-Jona Lakers : M. Klingler ; P. Fischer II, T. Bucher ; S. Berger, M. Schefer ; S. Gmür, C. Geyer ; R. Ambass ; S. Friedli, O. Kamber, S. Hürlimann ; N. Siren, L. Burkhalter, P.-L. Sleigher ; C. Micheli, M. Bütler, D. Steiner ; M. Busser, R. Müller. Absents : M. Streit, T. Koivisto, N. Guyaz, G. Voisard, S. Roest, M. Czerkawski, N. Nordgren, S. Reuille, R. Schrepfer.
Pénalités : 5 x 2’ contre Genève-Servette, 8 x 2’ contre les Rapperswil-Jona Lakers.

Écrit par Yves Grasset