Ode à continuer la fête !

Le réveil sonne. Dix minutes plus tard, j’ouvre difficilement des yeux collés par une accablante fatigue. J’ouvre mes volets, il fait froid, les balcons de mes voisins sont drapés de tissu rouge à croix-blanche. C’est jour de fête aujourd’hui, je souris, la Suisse a le privilège d’ouvrir les festivités de son Euro.

Deux ans que j’attends cet événement avec une impatience non dissimulée. La Suisse est dans un groupe abordable et ce soir les Tchèques sont au menu. Pas le temps donc de tergiverser, il faut se remplir la panse afin d’être prêt physiquement pour cette longue et dure journée sur le plan psychologique. Il est 13h et je déjeune ou plutôt je brunch copieusement. Bâle, Zurich, Berne et Genève : quatre villes, quatre stades qui ont le privilège d’accueillir les duels entre les équipes du groupe A et C. Quelle joie, quelle publicité pour notre pays ! Le stade de la Praille est donc la seule arène romande hébergeant des matches, tant mieux pour les gueules élastiques internationales, tant pis pour nous et notre vieillotte Pontaise. Il faut bien remplir ce gouffre à fric qu’est le Stade de Genève, qui en a mis un paquet (pas de fric) sur la paille. Mais pour le Lausannois que je suis, les possibilités ne sont pas légions pour communier avec les différents supporters devant un écran géant public. Il y en a en fait une : l’UBS Arena de Bellerive.
Habitant les quartiers sous-gare et malgré le froid, je décide donc de me rendre dans les alentours de 17h, une heure tapante avant le match, dans cette enceinte créée pour l’occasion. Vingt minutes plus tard, la population lausannoise converge, habillée de rouge et blanc, au centre de ce «cinquième stade helvétique» pouvant accueillir 10’000 personnes, comme aime à le rappeler Perron8, la jeune société organisatrice des 16 UBS Arena, sur son site Internet. Les 6’000 fans présents regardent en ma compagnie, une bière à la main, la cérémonie d’ouverture. Et soudain, l’hymne national retentit, les gens assis se lèvent d’un seul homme, mon cœur bat à plein régime. Tout en mangeant mon hot-dog, je réalise. On y est enfin.

Tout au long de cette partie, le rouge a dominé le blanc, tout comme dans nos gosiers assoiffés de vin. Pourtant la qualité du blanc servi aurait dû, en guise de mauvais présage, me titiller l’esprit. Juste avant la mi-temps, le rouge prit ses marques dans nos verres en plastique et la blessure de notre buteur providentiel ainsi que le but blanc me frappa de plein fouet. Après moult vendanges de la part de nos boys, le raisin est dur à avaler et le retour sur le vignoble brutale. L’alcool anesthésiant ma douleur, et malgré un mouvement de foule tête basse se dirigeant vers la sortie, un deuxième choc entre Turcs et Portugais est au programme. Une heure plus tard, les quelque 3’500 partisans des deux camps s’éparpillent sur la place. Le Portugal l’emporte, les klaxons résonnent, la soirée est finie.
Quatre jours plus tard, quelque peu ragaillardi par le retour du soleil et cette fois à la bière, je me fraye un chemin au sein des 10’000 Lausannois qui ont répondu présents à Bellerive en ce mercredi soir décisif. Le bruit des pieds sur la tribune ainsi que les «Hop Suisse» retentissent et augmentent la terrible tension que je ressens au plus profond de mon être. La bière coule à flot tout comme la pression.
L’orage s’abat sur Bâle. Hakan Yakin reçoit un caviar de ballon qui s’arrête devant lui, le but est ouvert. Il ouvre la marque. Une explosion de joie assourdissante parvient à ma trompe d’Eustache. Les frissons se courent après sur ma peau : la sensation est forte, le bonheur intense. C’est dans ces moments-là qu’on ne regrette pas d’être resté sur son canapé une bouteille de Badoit dans la main droite et une malaxée de pistache dans la paume gauche, tout en criant et en partageant seul son allégresse dans son salon.

La pluie bâloise cesse mais c’est une tornade qui s’abattra sur nos parapluies fragiles en forme de tête. Le but turc à la dernière seconde, synonyme d’élimination, est un véritable coup de massue. Les supporters sous le choc deviennent des spectateurs. Le temps s’est arrêté, les gens ont le souffle coupé et quittent l’UBS Arena de manière désorganisée. La fin d’un rêve.
Le réveil sonne. Dix minutes plus tard, j’ouvre difficilement des yeux collés par une accablante fatigue. J’ouvre mes volets, il fait froid, les balcons de mes voisins sont drapés de tissu rouge à lune-blanche. C’est jour de deuil aujourd’hui, j’ai la gueule de bois. Quelques jours plus tard, la victoire pour l’honneur contre le Portugal réchauffe quelque peu mon cœur endolori par la déception de ne plus voir notre équipe de Suisse fouler les pelouses austro-helvétiques. Et pourtant, au fond de moi, je reste convaincu qu’un seul adage anglo-saxon, digne de la méthode coué, doit être appliqué en ce moment : «the show must go on».
Evidemment, en ce lundi, le ciel suisse pleure toutes ses larmes après ce dernier match et cette fin de parcours précoce de la Nati. De toute évidence, les commentaires de Pierre-Alain Dupuis, Pigeon d’Or du mois de mai, sont amplifiés par l’écran géant (une choppe de bière à celui qui lui montrera un portrait – même Panini – de Fabio Grosso tout en lui affirmant avec assurance que ce n’est pas Luca Toni et inversement). Mais qu’à cela ne tienne !
De la Romandie au Tessin en passant par la Suisse alémanique, les Suisses doivent continuer à faire la fête, à sortir afin de montrer à tous la fierté d’organiser la compétition de football la plus relevée de la planète dans notre pays. Même s’il n’y a plus de rencontres officielles en Romandie, les écrans géants (Genève, Lausanne, Nyon et Sion) devraient être un lieu de fêtes, de concerts et de rassemblements entre supporters des équipes encore en course et des fans helvétiques. De plus, les futures affiches – telles qu’Italie-France, Allemagne-Portugal ou encore Hollande-Russie/Suède, sont alléchantes.

Afin que cette fin de championnat d’Europe ne ressemble pas à un long calvaire sous la pluie, je vous encourage, que dis-je, je vous conjure à sortir de chez vous, à klaxonner avec nos compatriotes hollandais, portugais, espagnols et turcs vivant en Suisse, pour que ma ville, Lausanne, continue à vibrer au rythme de la passion et du talent des Sneijder, Deco, Villa ou encore Nihat.
Ce ne sont pas des mots écrits en l’air mais un véritable cri du cœur et pour vous le prouver, j’offre deux places (achetées) en tribune à l’UBS Arena de Bellerive pour la rencontre de ce soir entre la France et l’Italie à la personne qui se manifestera en premier sur le courrier électronique de la rédaction.
 [début mode ironique] Je pourrais ainsi tranquillement aller au cinéma voir Indiana Jones avec ma nouvelle passion – une jeune et jolie Turque – rencontrée dans la liesse du dernier match à Bellerive [fin mode ironique].

Écrit par Daniel Corthésy

Commentaires Facebook

2 Commentaires

  1. Compte sur moi pour faire la fête!!!!!!!!

    belle article je suis en total accord avec lauteur.

    Vive la bière, vive le rouge, vive la fête et vive le foot.

  2. Merci pour ce récit émouvant… Jen ai les larmes aux yeux.

    Hereusement pour moi, je nai pas vécu le même calvaire. Le 10 juin, je me lève et jassiste à une victoire espagnol. Le 18 juin, je me lève et jassiste à une nouvelle victoire de lEspagne.

    On a la même passion mais décidémment pas le même maillot… 🙂

    Ce dimanche, je serai sur la plaza Colon de Madrid avec 20.000 ou 30.000 de mes compatriotes pour voir le quart de finale de lEspagne. Il fait beau et 27 degrés ici, la fête peut continuer!

    VIVA ESPAÑA!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.