HC Sierre : qui veut le maillot de Pascal Lamprecht ?

Il régnait une atmosphère magique hier soir à Sierre, quelque chose de mémorable se préparait, je le sentais de suite en posant le pied sur le quai de gare où m’attendaient, innocentes, les précieuses effluves des nobles grappes valaisannes tout juste cueillies avec amour.

La douce brise du soir d’automne caressait mon visage, alors que j’approchais de mon destin. De mon habituel rituel d’installation, je n’ai gardé qu’un souvenir flou, diffus, je ne me rappelle que de cette voix du speaker annonçant le prix de la tombola du jour : le maillot de Pascal Lamprecht remis au terme de la rencontre par la star en personne. Je pourrais bien entendu vous parler du match en lui-même remporté 4-3 par la Chaux-de-Fonds aux penalties, mais ne le ferai pas. Je vous offre ce soir l’enfer de Graben dans la peau de Jean-Christophe Hardy, je vous offre ce soir mon coeur à l’encre de sang, deux petites heures particulières de ma vie.A ceux qui m’accuseront de sortir du rôle analytique du journaliste, je répondrai avec ma mauvaise foi habituelle : «Passez votre chemin, vous n’êtes pas prêts pour une si poignante immersion». Ce soir, je ne parle que de moi et de ma relation au-delà du définissable avec Pascal Lamprecht.
Le maillot de Sierre floqué du numéro 3… Je me surprenais déjà de rêver alors que je me procurais un de ses billets de tombola, le 303. Etait-ce un hasard, un augure jeté en pâture à mon esprit par les forces supérieures de la destinée ? L’implacable mécanique se mettait en route. Une cigarette et déjà la tension devenait palpable. Impossible de penser à autre chose. A la fin du match, peut-être le graal. Un peu de Pascal Lamprecht avec moi, dans mon armoire, cette nuit déjà… Suffoquant presque sous les coups répétés qui harcelaient mes entrailles, je cherchais alors, cherchais à mieux connaître ce joueur.
«Pascal Lamprecht, né dans la charmante bourgade de Tagelswangen (ZH), non loin de l’aéroport de Kloten, le 3 novembre 1975… mmmh… intéressant. Une carrière qui commence avec les juniors de Kloten, puis Genève-Servette, Bülach, Thurgovie, Lausanne, Sierre… Il a vu du pays… 359 matches de ligue nationale, 119 points… Respectable pour un défenseur…»

Lamprecht, l’idole des jeunes

Perdu dans mes recherches, je relevais soudainement la tête alors que les supporters commençaient de donner de la voix. A cet instant précis, les premières palpitations se firent ressentir. Plus de 40 minutes que les deux équipes se livraient un bon duel, s’adonnaient à une lutte serrée, parfois haletante, plus de 40 minutes à voir sans regarder, à trembler d’impatience, à attendre que le speaker… Je vivais chacune des apparitions de Pascal comme la promesse d’une fin de match orgasmique. Je me voyais déjà arborer fièrement sa tunique en soirée de gala… je…
Je ressentais avec lui la fièvre de la bataille, de la résistance héroïque qu’offrait le soleil rageur aux abeilles horlogères. Je comprenais avec lui qu’il y avait un coup à jouer, qu’avec un peu de réalisme devant la cage adverse, Sierre pourrait faire la différence, faire chanceler le leader, empocher une victoire face au HCC et briser ainsi la série de 5 défaites à domicile. Je me souvenais avec lui de ce 29 janvier 2006, date du dernier succès des Sierrois à domicile face aux Chaux-de-Fonniers (6-3). Je levais encore les bras avec lui lorsque Lötscher inscrivait le 3-3 à la 52e.
L’espoir demeurait par ailleurs, le possesseur du numéro 247 ne s’étant pas présenté pour réclamer son précieux lot. Transpirant de stress, je regardais fixement cette horloge… toujours rien. La tension fut même portée à son comble au moment où le speaker se fit entendre à nouveau. Serait-ce moi ? Je serrais fébrilement le petit ticket dans ma poche, alors que tout s’effaçait autour de moi. Ne subsistaient que cette voix, le maillot de Pascal Lamprecht et moi. La sentence tomba comme un couperet : «576».
Je revois encore ce beau blond aux yeux bleus ôter son chandail et le remettre à cette personne au terme de la séance de penalties remportés par la Chaux-de-Fonds. Je revois cet inconnu chanceux, ce badaud inconnu au regard ahuri. Je vous l’avoue, j’ai hésité à commettre l’irréparable dans ma solitude spectrale. Cette rencontre m’aura appris le mot «souffrance». Oui… je suis condamné à passer le restant de mes jours sans le maillot de Pascal Lamprecht, sans ce numéro 3.
Larmes aux yeux, je termine cette confession, j’abrège ce partage intense, mais jamais, ô grand jamais, ne se dissiperont cette douleur lancinante, ces éternels regrets. Je crois cependant que cette expérience nous a rapproché avec Pascal… je crois que je l’aime bien finalement.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch 

Sierre – La Chaux-de-Fonds 3-4 ap. tab (1-1 1-1 1-1)

Graben, 2466 spectateurs.
Arbitres : MM. M. Küng, P. Küng et Tscherrig.
Buts : 3e (2’14 ») Neininger (Schild, Forget, à 5 contre 4) 0-1. 4e (3’22 ») Keller (Pottier) 1-1. 23e Kamber (Jinman, Cormier) 2-1. 29e Müller (Pochon) 2-2. 43e Schild (E. Chiriaev, Neininger) 2-3. 52e Lötscher (Cormier, Jinman) 3-3.
Tirs au but : Siritsa 0-0 (arrêt de Kohler); Pasqualino 0-1; Lötscher 1-1. Schild 1-1 (arrêt de Ruefenacht); Cormier 2-1; Fuchs 2-2; Jinman 2-2 (arrêt de Kohler); Neininger 2-2 (arrêt de Ruefenacht); Wüst 2-2 (arrêt de Kohler); Forget 2-3.
Sierre : Ruefenacht; Imsand, Lamprecht, Keller, Jenni; Kamber, Dällenbach; Cormier, Jinman, Lötscher; Pannatier, Siritsa, Wüst; Maurer, Tognini, Métrailler; Pottier, Kohli, Sammali.
La Chaux-de-Fonds : Kohler; Vacheron, Membrez; Fäh, Hostettler; Du Bois, Daucourt; Morant, Emery; Schild, Roy, Neininger; Lussier, Pasqualino, Fuchs; Bochatay, Forget, Turler; Müller, E. Chiriaev, Pochon.

Écrit par Jean-Christophe Hardy