Passation de pouvoir

Dimanche 29 janvier 2006. Roger Federer vient de battre Marcos Baghdatis en finale de l’Open d’Australie, s’adjugeant du même coup son septième tournoi du Grand Chelem. Aux anges, il téléphone alors à son illustre modèle, Pete Sampras… Trois ans plus tard presque jour pour jour, CartonRouge.ch vous livre en exclusivité le contenu (traduit) de cet entretien !

Peter Sampras : Oui allô ?Roger Federer : Hey Pete, devine qui c’est ?
– Andre ? Pourquoi tu prends cet accent ridicule ?
– Mais non mec, c’est Roger !
– Ah, c’est toi…
– Ouais ! Je tenais quand même à t’annoncer de vive voix que ton record à la con n’allait pas durer longtemps… J’ai 24 ans et déjà sept titres du Grand Chelem, et à ce rythme, l’affaire sera pliée au plus tard dans deux ans, ici-même !
– Je t’en félicite d’avance.
– Tu me crois pas ?
– Non…
– Ecoute mec, ne me manque pas de respect. L’an passé je n’ai perdu que quatre matches, tu sais ce que ça veut dire ça, vieux singe ? Et cette saison je vais te décrocher le Grand Chelem sur une jambe.
– Tu sembles avoir digéré ta défaite en demi-finale de Roland-Garros, c’est bien…
– C’était une erreur de parcours qui ne se reproduira pas.
– C’est fou comme j’ai l’impression de m’entendre à ton âge. Tu veux que je te dise un truc ? A mon avis, tu ne gagneras jamais à Paris… Nadal y est tout simplement imbattable.
– Tu plaisantes ? Ce gars est dopé et joue tout sur le physique, dans une année maximum il est à la retraite ! Dès que la balle avance plus vite il est fini, t’as qu’à le voir à Wimbledon, le pauvre !

– Méfie-toi. Je sais reconnaître les grands joueurs, et il m’a tout l’air d’en être un… Il n’a pas ton talent, certes, mais sa combativité et son courage me font penser qu’il risque de te détrôner un jour, y compris à Londres. Et puis entre nous, il se tire des nanas autrement plus attractives que ta Milka…
– Mirka ! N’oublie pas que c’est elle qui gère mon porte-monnaie mec, j’ai pas envie de finir fauché comme Borg. De toute façon t’es qu’un jaloux ! Nadal numéro un mondial et vainqueur à Wimbledon… J’aimerais tellement avancer dans le temps pour te prouver à quel point tu racontes des conneries !
– Justement Roger, c’est ça ton problème. Tu te propulses dans l’avenir avec des calculs prétentieux, mais crois-en mon expérience, dans le tennis comme dans la vie les choses ne se passent pas toujours comme on le pense. Il y a des aléas : les blessures, la concurrence…
– Ecoute mec, je ne suis pas comme toi moi à faire des smashes sautés à la con, et finir le dos en compote. Donc à moins d’un mystérieux virus, je serai toujours là. Quant à la concurrence, c’est vrai qu’Andy et ton pote Andre sont bien sympathiques, je m’arrange d’ailleurs toujours pour leur laisser quelques jeux…
– Et la nouvelle génération en Europe, tu en fais quoi ? Tu penses sincèrement que tu vas faire plusieurs années en perdant seulement quatre rencontres ? C’est une injure au tennis et au sport en général ! Tu verras, un jour tu te réveilleras en te rendant compte que tu ne fais plus peur, que certains joueurs te respectent mais ne te craignent plus… C’est un sentiment particulier au début, mais si tu t’y prépares bien, tu t’en remettras.
– Tu sais bien que j’ai un mental de fer. Jamais je n’accepterai de céder ma place à qui que ce soit, en tout cas pas avant de te dépasser. Je me bats à chaque match !
– Tu te trompes. Je vais te dire un secret, qui se transmet de légende en légende : ta motivation pour le tennis va changer. Je ne dis pas qu’elle va baisser, mais elle va se transformer au fil du temps… Tu verras que comme moi, tu vas finir par te lasser des matches moins importants. Et tu sais pourquoi ? Parce que tu n’auras plus rien à prouver à personne : tant ton prestige que ton compte en banque seront à leur paroxysme. D’une manière générale, dans notre société, les gens se contentent de ce qu’ils ont une fois leurs objectifs atteints… Et tu ne fais pas exception.
– Mais moi, il m’en reste un d’objectif : gagner au moins quatorze tournois du Grand Chelem, comme toi !
– Oui, et c’est précisément pour ça que tu dois jouer maintenant : pour l’histoire ! Continue à jouer à Doha ou Pékin pour alimenter ton image médiatique si ça te chante, mais n’oublie pas que bientôt, seuls quatre tournois par année devront compter pour toi. C’est là où tu devras être le plus fort, car c’est ce que l’histoire retiendra ! Il te faudra alléger ton calendrier et adapter tes entraînements, modifier ton entourage, etc. Ta mentalité va changer Roger, comme celle de tes prédécesseurs et même de tes successeurs ! Tu vas passer par des moments de doute, devenir moins exigent, plus humain… Mais au fond de toi n’oublie jamais que malgré le temps qui passe, tu restes le meilleur.
– Putain, tu vas me faire chialer… Je comprends mieux pourquoi tu es le meilleur joueur de tous les temps. Mais alors, tu penses que je peux le devenir un jour ?

– Ton génie te le permettra, oui, si tu sais garder la tête sur les épaules. Ce dont je te sais tout à fait capable.
– Quand, à ton avis ?
– Pourquoi pas à Melbourne, comme tu l’as prédit… Mais plutôt en 2009.
– Dans trois ans ??
– Ouais.
– T’es vraiment un blaireau. Je te ferai une petite dédicace dans quatre mois sur le court Philippe-Chatrier, quand je soulèverai la coupe que tu n’as jamais gagnée… En attendant, ça te dit une ou deux exhibitions à un million ? Y’a Mirka qui veut s’acheter des fringues sur mesure et ça coûte un saladier, putain j’aimerais bien qu’elle me pompe autre chose que mon fric des fois…
– Mouais, on verra, pourquoi pas.
– Il faut que je file, la presse m’attend. Merci pour tes conseils précieux, et à bientôt !
– A bientôt gamin.

Écrit par Raphi Stollé

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19 Commentaires

  1. Sympa, on dirait un dialogue entre Maître Yoda et le jeune fougeux Luke Skywaldker 🙂

    Le record de Sampras! Si proche mais à la fois si loin… Lorsque Federer « marchait sur l’eau » (dixit le commentateur de Eurosport), on aurait pensé que 2 ans auraient suffit, mais non… Merci Nadal 🙂 A présent, chaque tournoi du Grand Chelem est un chemin de croix, et chaque victoire un véritable exploit!

    Magnifique tennis!

  2. Sympa.

    La discussion historique avec des faits du futur.

    CR, je vous souhaite de voir l’avenir !

    plus que 4 jours avant le 14ème…

  3. j ai bien le ton de Sampras, on y sent vraiment l experience et la sagesse. par contre Roger ne ressemble pas vraiment a Roger, mais je pense pas que ce soit le but de l article. quoi qu il en soit, bien vu!

  4. je pense que le Roger de l’article ressemble avant tout au public tennistique suisse de ces dernières années qui voyait en Federer un messie indetrônable et éternel. Roger a certainement toujours eu conscience de ses faiblesses en sachant que sa carrière ne serait bientôt que le souvenir d’un des plus grands tennismen de tous les temps!

  5. Le vantard prétentieux dépeint dans cet article est à des années-lumières du véritable Federer…franchement, pourtant j’aime l’humour, le deuxième degré et la dérision, mais là j’ai beau chercher, cet article ne ressemble à rien, désolé.

  6. Bien vu, 2-V. Le Federer de l’article représente en effet le supporter « beauf » suisse, tandis le Sampras fait office de voix de la raison… C’est certes subtile, mais pourtant pas difficile à comprendre. Bravo!

  7. Magnifique, superbe ! Et la « Milka » on en redemande.
    @Maj: au fait, Roger n’est ni petit, ni con, ni arrogant. En tout cas nettement moins que certains autres et en tête le dopé de Maj…orque…

  8. Autant j’adore les papiers de Raphi sur la liga, je dois dire que cet article m’a un peu déçu.

    L’idée était bonne mais, à mon goût, ça manquait de finesse à la réalisation…

    Une « Strellette » transposée au niveau journalistique…

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