Les Aviateurs n’en sont pas à leur premier vol

Ce genre de partie, comme hier, on peut les prendre avec philosophie. Bienne n’a franchement pas mal joué, ils ont même dominé leur adversaire durant une bonne partie. Mais sacrebleu ! Jouer le rôle du bon contradicteur, ça allait l’année passée.

Elégance dans l’inefficacité

Pour le dire sans détours : Kloten aurait mérité de perdre car ils sont venus la fleur au fusil, pétris d’autosuffisance. Preuve que les Seelandais ne sont pas toujours attendus au tournant et qu’ils peuvent toujours un peu jouer sur l’effet de surprise ? Laissons cela à ceux qui manient les cotes et passons à un match que Bienne entamait fort et qui donnait tout de suite des nouvelles rassurantes quant à l’état de santé d’un Bordeleau qui se permettait quelques poussées et ne rechignait pas à aller au contact. D’une manière générale le HCB imposait son rythme à des Aviateurs la tête… ou les patins encore dans les nuages, notamment lorsque Lötscher, déterminé comme jamais à se servir de ses épaules, envoyait son contradicteur faire une culbute dans le coin où l’on jette tout ce qui n’a rien à faire sur la glace.

Hélas ! Sur le même trio se trouvait un homme qui était en mode «rate tout» : passes, feintes, transport de rondelle, décisions de jeu, tout quoi. Le solide Nüssli était-il encore blessé hier ? Difficile à dire. Par contre, son attitude laisse comprendre à elle seule pourquoi les joueurs suisses ont une si mauvaise cote outre Atlantique. Par ici, lorsqu’un joueurs a du talent, il le sait en général très tôt. Et puis, tout le monde le sait. Ca devient une sorte d’évidence commune et ça finit par donner des passe-droits, comme s’il existait des autorisations pour jouer à 60% et par vague, après mise au point de l’entraîneur.

Alors oui, c’est vrai, Rüeger s’est interposé devant tout jusqu’à la moitié du match. Mais lorsqu’un gardien voit tous les tirs arriver, faute de paire de fesse dévouée pour essuyer la buée sur la grille du masque, il ne fait que faire son travail, avec tout au plus une éthique de fonctionnaire. Mais puisque Bordeleau doit déjà organiser le jeu et veiller sur Truttmann dont l’habit ne fait pas le moine et la taille pas un Trutt(he)mann non plus. Puisque Brown a été converti (belle conviction, va !) à la défense et que Lötscher aurait déjà eu fort à faire à la finition. Et bien puisque tout cela, il a fallu se contenter des plus belles exclamations de l’assistance : de celles qui décrochent la mâchoire, qui font se lever sec et monter tout le sang à la tête ou perdre son mégot dans le nid de cigogne qui sert de tignasse à la spectatrice placée juste devant. Bref, tout ce qui enflamme un public, mais pas vraiment la partie.

Les protégés d’Eldebrink firent ce qu’ils purent pour contrer ces ardeurs d’éphèbes mais il leur fallut tout de même concéder quelques supériorités numériques. Et, comme dirait l’excellent Hervé Mathoux, un «à toi à moi ça circule bien» entre Jackman, Bordeleau et Jackman et Bordeleau allait permettre à ce dernier de replacer l’une de ces cervicales grâce à un vif mouvement circulaire des bras dirigé de bas en haut. Rüeger, masqué par un défenseur était transpercé.

D’une logique darwiniste

S’il avait fallu une bonne vingtaine de tirs pour mener au score, la question était désormais de savoir combien il en faudrait pour être rejoint. Pas beaucoup. Caminada, jusqu’alors très bon dans son intensité et ses relances, pouvait se rappeler que Dame Nature l’avait plus conçu pour grimper le Galibier que pour s’étirer sur 1m83 de large… Après il a suffit que tous les Seelandais se mettent à penser en même temps et très fort que «Kimmo Rintanen est le meilleur étranger de Suisse et c’est tellement beau à le voir évoluer sur la glace» pour que son tir fasse mouche.

Un onéreux moment d’esthétique. Car si durant les 30 premières minutes, toutes ces façons d’échouer donnaient l’impression d’une virtuosité certaine – quoique assez indéfinie – et d’un sens dramatique inspiré des meilleures fictions, les tentatives incessantes pour recoller au score allaient s’inscrire dans un contexte plus navrant. On était passé du registre de la possibilité de rater, à celui de l’incapacité de réussir. Si ce n’étaient pas les lattes, c’étaient les arbitres qui se faisaient complices de la soirée «bides» de Nüssli, en annulant ses buts. On sortait le gardien pour parachuter Zigerli, le couteau entre les dents, dans le slot. Mais rien n’y faisait. Pas même les instructions du temps mort, ni la stratégie de rebond derrière la cage qui visait le côté mitaine de Rüger, désigné point faible par le plan de match de Ruhnke.

Il restait 14 secondes à faire avec un engagement en territoire biennois. Alors que le corps de Caminada reprenait sa place devant le filet, son esprit se réveilla quelques secondes plus tard, surpris d’avoir encore capitulé. Avec ce résultat, CartonRouge.ch a certainement gagné un lecteur de pronostics soucieux de relativiser ses performances… Dommage pour lui que le hedging (assurer un actif en se donnant les moyens d’engranger des profits en cas de chute de son cours) soit si vulgairement assimilé à de la tricherie en sport…

Passage en basse altitude

– Au Stade de Glace, on est atteint d’une «camescopite» aigüe. Après la vidéo dans les alentours de la patinoire, Bienne s’est attaché les services d’un coach vidéo pour une durée d’un mois. Plus qu’une manière d’exploiter les failles défensives adverses, cette démarche devrait permettre de créer des automatismes là où on entend encore trop souvent des «toc toc toc» sur la glace.

– On se tâte du côté de la ligne nationale. La terminologie de juge unique est-elle toujours adaptée ou faut-il se calquer et désormais appeler Me Steinmann juge «Zürich Flughafen AG» ?

Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Bienne – Kloten Flyers 1-3 (0-0, 1-2, 0-1)

 Stade de Glace, 4858 spectateurs.
Arbitres : MM. Kämpfer, Marti, Dumoulin.
Buts : 30:54 Bordeleau (Jackman, Brown) 1-0, 35:09 Stancescu (Liniger, von Gunten) 1-1, 38:01 Rintanen (Zeiter) 1-2, 59:56 von Gunten (Hamr, Jenni) 1-3.
 
Bienne : Caminada; Jackman, Trunz; Schneeberger, Steinegger; Fröhlicher, Brown; Kparghai, Meyer; Truttmann, Bordeleau, Tschantré; Lötscher, Fata, Nüssli; Wetzel, Peter, Tschannen; Beccarelli, Gloor, Zigerli.
 
Kloten Flyers : Rüeger; Sidler, Hamr; Schulthess, Kellenberger; von Gunten, Bonnet; Steiner, Müller; Lindemann, Santala, Rintanen; Rothen, Bell, Jacquemet; Jenni, Liniger, Stancescu; Bodenmann, Zeiter, Hollenstein.
Pénalités : Bienne 4×2 min, Kloten Flyers 9×2 min.

Notes : Bienne sans Bärtschi, Ehrensperger, Gossweiler et Wetzel (blessés),ni Wellinger (pas encore acclimaté au système de jeu) – Kloten sans Du Bois, Welti, Winkler, Wick (blessés) ni Haakana (étranger surnuméraire).

Écrit par Jean-Boris Cochet-Lamouche

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