Retour sur terre à la Maladière

Dans un monde presque parfait, sur une plage d’un pays ensoleillé, de charmantes demoiselles me masseraient tendrement le dos pendant que je siroterais un cocktail local. En ce qui concerne le football suisse, après cette 15ème journée de Super (mega top cool…) League, Neuchâtel Xamax aurait plus de 30 points, YB tremblerait pour sa 1ère place et il y aurait eu plus de 20’000 spectateurs lors des 2 dernières rencontres à la Maladière.

Mais la réalité est parfois cruelle. Le retour sur terre est brutal pour un club qui nageait dans le bonheur après le match contre Saint-Gall. Les Neuchâtelois, qui avaient les capacités et ont eu de nombreuses opportunités de gagner ces deux derniers matchs, ne l’ont pas fait. «Cerise sur le gâteau», ce sont seulement 8670 spectateurs, au total, qui ont assisté aux deux matchs nuls de cette fin de semaine. Faut-il y comprendre quelque chose ?Parlons d’abord des matchs. Face à un Lucerne volontaire et qui a laissé le jeu ouvert jusqu’à son égalisation, Xamax a longtemps peiné. Les deux attaquants rouge et noir, esseulés, semblaient être moins à l’aise que d’habitude. Gavranovic n’arrivait pas à lâcher son ballon et Ideye, surveillé de près comme souvent, a raté plus d’un contrôle. Trop régulièrement les deux attaquants nominaux se sont trouvés seuls face à une dizaine d’adversaires et trop régulièrement les quatre défenseurs xamaxiens ont dû faire face à un plus grand nombre de joueurs de Suisse centrale. Malgré, donc, d’évidentes carences dans la capacité à faire bloc, Xamax réussit à ouvrir le score à l’heure de jeu grâce à Ideye. Il faut dire qu’en début de deuxième mi-temps, les visiteurs n’affichaient plus la même sérénité que lors des 45 premières minutes.
Le plus dur semblait, par conséquent, avoir été fait lorsque, pour des raisons aussi claires que peuvent être les déclarations de Santé suisse sur les prochaines augmentations des primes d’assurance maladie, Xamax décida qu’il avait match gagné. C’était aux Lucernois de faire le spectacle ; ils ne se sont pas gênés en égalisant une dizaine de minutes avant la fin. La gestion des dernières minutes ont montré les limites de Xamax en cette saison de stratus sur le littoral neuchâtelois ; lorsque l’adversaire presse, le n’importe quoi est souvent d’usage. Même le coach s’y est mis en ne faisant entrer un attaquant supplémentaire qu’à la 89ème minute de jeu.

Trois jours plus tard, la rencontre face à Aarau débuta mal. Trop sûr de son affaire face à une équipe qui n’a gagné qu’un match cette saison, Xamax s’est mis au niveau des visiteurs durant le premier quart d’heure. Le rythme de ce début de partie aurait même permis aux anciens remplaçants des Young Sprinters (1932-2009), patins aux pieds, de tenir le choc. Sous-estimés, les Argoviens pouvaient ouvrir le score en trouant trop facilement la défense neuchâteloise. Peu révoltés de se faire mener au score par une équipe de Super League qui n’avait obtenu que six misérables petits points jusque là, il fallut attendre une quinzaine de minutes avant que Xamax n’aient été dangereux devant les buts de Benito. Un penalty inutile sur Nuzzolo permit alors à Varela de marquer son deuxième but de la saison. La fin de la première mi-temps démontra au maigre public que lorsque Xamax accélérait, Aarau dévoilait son visage de dernier de la «League». Le deuxième but tombait presque naturellement juste avant la pause grâce à Besle, de la tête, évidemment.
Au retour des vestiaires, Neuchâtel avait visiblement envie d’étouffer le dernier de classe. Ce n’est toutefois qu’après une poussée initiale d’une dizaine de minutes que, sur contre, Gavranovic pouvait abuser une défense suisse alémanique, pour une fois, peu musclée. 3 à 1 contre le dernier du classement : il était temps de terminer sa bière et de faire un brin de causette avec son sympathique voisin d’une fin d’après-midi de novembre encore agréable. Profitons-en pour signaler que la moquette sur laquelle on jouait au football était, une nouvelle fois, en parfait état. N’oublions jamais d’en féliciter le shampouineur.
La victoire semblait être évidente, pensais-je, lorsque pour des raisons presque aussi obscures que la nomination du très charismatique Raphaël Comte comme candidat au Conseil des Etats par l’assemblée générale du PLR,  les rouge et noir laissèrent leur adversaire, comme jeudi dernier, mener la danse. Et Aarau en profita pour inscrire deux buts ; le premier d’un magnifique tir à mi-distance en pleine lucarne et un deuxième sur un penalty discutable. Les derniers supporters argoviens étaient ainsi récompensés de leur soutien infaillible. Punis par arrogance et suffisance, c’est sous les sifflets que les Xamaxiens retournèrent au vestiaire.
Voilà donc une équipe qui rentre dans le rang. Le premier tournant de la saison a été complètement manqué. Pendant que Young Boys perdait des plumes face à GC et Lucerne, les Neuchâtelois n’ont ajouté que deux points à leur total lors des trois dernières journées. Alors qu’il y a moins d’un mois, Pierre-André Schürmann cherchait encore les limites de son équipe, il les a malheureusement trouvé. La prochaine partie à Bâle sera, dès lors, capitale pour savoir si les «footeux» de toute la région pourront continuer à rêver d’Europe ou si les prestations de cette fin d’été et début d’automne du club cher à Gilbert Facchinetti n’étaient qu’un feu de paille.

Finissons en parlant du nombre de spectateurs. A peine plus de 4000 personnes en moyenne ont assisté aux deux rencontres. Un membre, toujours aussi naïf, du «staff xamaxien» se déclarait même «fâché» vendredi dans la presse neuchâteloise. Oui, la réalité est dure à avaler. Les coups marketing ne permettent pas encore d’imaginer un stade presque plein à chaque rencontre, loin de là. Et si les prix d’entrée à la Maladière baissaient radicalement ? Les recettes des matchs sont-elles vraiment déterminantes dans le budget d’une entreprise footballistique suisse ?
 
PS : à un niveau plus personnel, la partie face à Aarau fut d’un grand intérêt pour moi ; ce fut ma première fois. Une sorte de dépucelage. Oui, mon premier match assis à quelques mètres de notre maître à tous : oui, PAD était là ! Et quand il vint demander aux journalistes qui nous entouraient si Steven Lang était bien celui qui jouait à Xamax il y a quelque temps, je compris que je ne boxais pas encore dans la même catégorie.  Et quand il se rua sur la pelouse pour savoir si les deux Benito d’Aarau avaient des liens de parenté, je me suis dit que j’avais encore du boulot avant d’atteindre ce niveau d’excellence. Vais-je un jour y arriver ?
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Neuchâtel Xamax – Aarau 3-3 (2-1)

La Maladière, 4418 spectateurs.
Arbitre : M. Circhetta
Buts : 12e Stojkov 0-1, 31e Varela (penalty) 1-1, 45e Besle 2-1, 57e Gavranovic 3-1,
75e Stojkov 3-2, 88e Stojkov (penalty) 3-3.
Neuchâtel Xamax : Ferro; Omar Ismaeel, Page, Besle, Tixier; Nuzzolo, Binya, Varela (69e Niasse), Bah; Gavranovic (78e Wüthirch) , Brown.
Aarau : Benito, Kulaksizoglu, Burki, Marazzi, Lang, Elmer, Stoll, Stojkov, Rapisarda, Polverino (54e Mustafi), Benito (62e Bastida).
Cartons jaunes : 43e Nuzzolo (simulation), 50e Binya (antijeu), 55e Page (jeu dur), 75e Kulaksizoglu (jeu dur).
Corners : 7-6 (5-1).