La renaissance du Fortuna Düsseldorf

Vendredi dernier, 18 heures, toute la planète football avait les yeux rivés sur l’Afrique du Sud. Toute la planète, vraiment ? Non, 30’000 irréductibles Germains et deux envoyés spéciaux de CartonRouge.ch ont préféré aller humer l’odeur de la bière et de la Currywurst pour un match de Zweite Liga plutôt que de rester devant la TV à regarder Sepp Blatter et consorts parader dans les salons du Cap.

Le Fortuna Düsseldorf, c’est une histoire un peu particulière. Si le club n’a jamais fait partie des tous grands d’Allemagne, il était tout de même solidement établi en Bundesliga dans les années 1970 et 1980, remportant deux Coupes d’Allemagne (1979 et 1980) et disputant une finale de Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe en 1979 (défaite 4-3 après prolongations contre Barcelone). Mais, dans les années 1990, les Flingeraner ont connu une longue descente aux enfers qui les a conduit jusqu’en 4e division. C’est alors qu’il s’est agi de remplacer l’antique Rheinstadion. Malgré les difficultés du club et sa place peu enviable dans la hiérarchie du foot allemand, il a été décidé de reconstruire un stade de 51’500 places. Avec sans doute la perspective d’accueillir quelques matchs de la Coupe du Monde 2006 mais la concurrence des stades voisins de Dortmund, Gelsenkirchen et Cologne a privé la capitale de la Rhénanie du Nord – Westphalie de WM, à l’exception d’un entraînement public de l’équipe d’Allemagne.

La reconquête est en marche

Évidemment, avec un stade aussi vaste, la pression était grande pour que le Fortuna retrouve une place un peu plus conforme à son standing. La reconquête a été laborieuse : souvent cités comme favoris, les Flingeraner ont mis quatre ans pour passer de 3e en 2e division, avec plusieurs échecs dans les dernières journées qui leur avaient valu le surnom d’Unaufsteigbaren. Mais finalement, en mai dernier, Düsseldorf est parvenu à ses fins en fêtant son retour en 2. Liga après une victoire contre le Werder Brême II devant plus de 50’000 spectateurs. Sur cette lancée, le Fortuna réussit un début de saison digne d’éloges dans sa nouvelle catégorie de jeu. Intraitables à domicile, les Flingeraner commencent également à briller à l’extérieur. Ils sont d’ailleurs les seuls cette saison à être parvenus à gagner dans l’antre du leader Kaiserslautern. On ne peut donc plus guère parler de surprise de début de saison mais bien d’un candidat crédible à une nouvelle ascension. La venue de Bielefeld vendredi à l’ESPRIT (ex-LTU) arena constituait un test sérieux car l’Arminia est généralement considéré comme l’un des favoris de cette 2. Liga. Toutefois, après avoir dominé le début de saison, les Blauen marquent un peu le pas, avec un seul point en trois matchs avant leur venue à Düsseldorf.

La génération sacrifiée

A priori, le staff local n’a pas encore tout à fait l’habitude des matchs à affluence, le service de sécurité nous fait penser à un cours de répétition avec un chef au crâne rasé qui braille des ordres à des soldats qui s’en contrefichent éperdument et au final l’exercice est raté. On finit tout de même par parvenir à rentrer dans le stade pour les bières (passables) d’avant-match, Warsteiner ou Frankenheim Alt. Si tu fais partie de la génération sacrifiée qui a tenté d’apprendre la langue de Goethe avec la mythique méthode Vorwärts, l’un des tous premiers mots allemand que tu as connu, juste après «Guten Tag, ich heisse Hans, Hans Schaudi», c’est Sparkassenleiter, le directeur de la caisse d’épargne. Jusque là, on n’avait jamais bien compris à quoi cela pourrait nous servir mais, vu que nos places étaient situées dans la Stadtsparkasse-Düsseldorf-Tribüne, on a enfin pu utiliser ce mot Sparkasse.

Magnifique choc au sommet

Ce choc au sommet entre le 4e et le 3e du classement va tenir toutes ses promesses. On a parfois été critique avec le niveau de la Zweite Liga mais là on a droit à un tout bon match avec du rythme, des buts magnifiques, des occasions, des rebondissements et une ambiance superbe. Plus en confiance, le Fortuna gagne la majorité des duels et va logiquement se détacher au tableau d’affichage : sur un long coup franc de Christian Weber, Martin Harnik va surgir au milieu de la mêlée pour ne laisser aucune chance au gardien Eilhoff. L’international autrichien, qui avait notamment participé au triomphe des Habsbourg contre l’Amicale des tricheurs d’outre-Jura en début de qualifs pour la Coupe du Monde 2010, n’était pas parvenu à s’imposer au Werder Brême mais il s’affirme comme un joueur dominant en Zweite Liga. Son compère de l’attaque, le Serbe Ranislav Jovanovic, va aussi y aller de son but pour le 2-0 en étant parti à l’extrême limite, voir davantage, du hors-jeu. 2-0, c’était aussi le score après une 1ère mi-temps rondement menée qui a ravi le bouillant public düsseldorfois.

Penalty litigieux

Le match va changer d’âme après la pause et la réduction du score de Bielefeld sur un retourné acrobatique d’anthologie du Tchèque Pavel Fort, suite à une remise de Guela. Revigoré par son premier but après 342 minutes de disette, l’Arminia va alors à son tour gagner les duels et mettre Düsseldorf dans ses petits souliers. Les Blauen vont logiquement égaliser lorsque, au terme d’une magnifique action collective, le Danois Kasper Risgaard a allumé la lucarne. A ce moment-là du match, on était plus près du 2-3 que du 3-2. Mais la rencontre va rebondir une nouvelle fois en faveur des Flingeraner sur un penalty généreux consécutif à une faute (?) de Risgaard sur Harnik. On serait fan de Bielefeld, on aurait été quelque peu courroucés par l’arbitrage de M. Schalk. Le défenseur Jens Langenecke ne se pose pas ce genre de question et transforme le penalty en force, donnant la victoire à son équipe, puisque Janjic expédiera aux étoiles la balle de 3-3 dont il a bénéficié. C’est bien entendu du délire dans le stade, Düsseldorf revient à un petit point de son adversaire du jour et de la troisième place synonyme de barrage. L’euphorie ambiante mais aussi la qualité de jeu démontrée en 1ère mi-temps paraissent autoriser les espoirs les plus fous pour ce Fortuna-là. On reviendra, c’est certain, et ce d’autant plus que l’on a découvert qu’il y avait aussi un Anton’s Bierkönig à Düsseldorf…

Fortuna Düsseldorf – Arminia Bielefeld 3-2 (2-0)

ESPRIT arena, 30’300 spectateurs (record de la saison).
Arbitre : M. Schalk.
Buts : 16e Harnik (1-0), 22e Jovanovic (2-0), 49e Fort (2-1), 63e Risgaard (2-2), 80e Langenecke (penalty, 3-2).
Fortuna : Ratajczak ; Weber, Yuki, Langenecke, van den Bergh ; Zoundi (87e Hergesell), Lambertz, Costa, Fink (81e Caillas) ; Harnik (83e Sieger), Jovanovic.
Arminia : Eilhoff ; Lamey (86e Berisha), Mijatovic, Kucera, Feick ; Kauf ; Katongo (46e Janjic), Federico (72e Halfar), Risgaard, Guela ; Fort.
Cartons jaunes : 37e Guela, 40e Costa, 45e Lamey, 51e Mijatovic, 68e Fort, 77e Kauf, 82e Feick.

Écrit par Julien Mouquin

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4 Commentaires

  1. Le « triomphe des Habsbourg contre l’amicale des tricheurs d’outre Jura » : excellent. Amis Suisses, prenez exemple sur Julien, sachez tailler avec élégance. Très bon article.

  2. 30’000 spectateurs pour un match de 2ème division, pas mal…

    promotion en 2. liga contre le Werder brême…?? On doit pas parler du même Werder je pense…

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