Comme dans un rêve

Notre samedi après-midi s’est dangereusement rapproché du paranormal avec une démonstration étincelante du Borussia Dortmund, un club qui se redécouvre un avenir radieux, un match plié en moins d’un quart d’heure et un Mohamed Zidan excellent. Il n’a manqué qu’un goal de Daniel VIP Gygax pour basculer définitivement dans une dimension parallèle.

Je me suis fixé comme objectif cette année de faire le Grand Chelem. N’y vois aucune allusion à une société vaudoise spécialisée dans l’auto-goal mais simplement l’ambition d’assister à tous les matchs à domicile du Borussia Dortmund pendant le marché de Noël local, avec ses bars dans les rues, son plus grand sapin de Noël du monde et ses Glühwein. Les hasards du calendrier ont fait que, durant cette période ô combien festive, le BVB recevait les trois néo-promus, Mainz, Nürnberg et Freiburg. A priori, l’occasion d’enchaîner les victoires mais actuellement Dortmund est sur courant alternatif. Brillant à l’extérieur contre les ténors de la ligue, le BVB se montre beaucoup plus emprunté à domicile lorsqu’il doit faire le jeu contre un adversaire mal classé et  regroupé en défense. A un très bon nul à Leverkusen avait succédé un succès très laborieux contre Berlin, une excellente parité à Brême avait précédé un consternant 0-0 contre Mainz, c’est dire qu’une semaine après un succès tellement jouissif sur la pelouse de l’infâme Hoffenheim, la venue de Nuremberg au Westfalenstadion avait tout du traquenard.

Grosskreutz, ce héros

Mais, et c’est tout à son honneur, malgré sa position précaire au classement, le 1. FC Nürnberg ne débarque pas dans la forteresse jaune et noire pour bétonner mais avec une tactique plutôt téméraire, en alignant cinq joueurs à vocation offensive (Kluge, Choupo-Moting, Boakye, et nos deux Suisses, Bunjaku et Gygax). L’entraîneur Michael Oenning espérait peut-être rééditer le coup réussi deux semaines plus tôt sur la pelouse du champion Wolfsburg (victoire 3-2). D’ailleurs, les première minutes sont plutôt à l’avantage des Franconiens. Mais le désavantage d’une telle tactique, c’est que ça laisse pas mal d’espaces pour les attaques adverses : en trois passes lumineuses, Dortmund traverse tout le terrain et Sven Bender délivre une ouverture limpide pour Kevin Grosskreutz qui enroule le ballon dans le petit filet opposé pour l’ouverture du score et son premier but en Bundesliga.
Un but fêté comme il se doit car Kevin Grosskreutz c’est le seul vrai Dortmundois de l’équipe, un jeune joueur né à Dortmund, formé au club, fils d’un supporter de longue date du BVB, un enfant de la Südtribüne qui, lorsqu’il était prêté à Ahlen pour parfaire sa formation, revenait régulièrement pour assister aux matchs du Borussia dans le mur jaune et qui aujourd’hui tient une chronique sur le fanzine des supporters, chronique dans laquelle il se montre encore plus dithyrambique que le soussigné (si, si, c’est possible) sur la magie du Westfalenstadion. Et qui, accessoirement, n’est jamais avare d’une vanne sur Schalke 04, ce qui ne gâte rien.

Plié à la 13e !

Les meilleurs fans du monde (BVB™) étaient encore en train de célébrer l’ouverture du score que déjà le match allait être plié sur un centre de Patrick Owomoyela et une conclusion un peu chanceuse de Lucas Barrios, après un rebond favorable devant le gardien nurembergeois. La Pantera mettait ainsi un terme à une période anormalement longue de 193 minutes sans marquer. S’il a pesé sur la défense pendant 90 minutes, l’Argentin s’est montré un peu maladroit à la conclusion et aurait pu et dû marquer deux ou trois goals de plus. On ne lui en tiendra pas rigueur car, à aucun moment, Nuremberg n’a donné l’impression de pouvoir revenir. Hormis les sept premières minutes, der Club a été complètement submergé et n’a jamais eu voix au chapitre contre un Dortmund survolté, à l’image de Mohamed Zidan. On n’a pas toujours été convaincu par l’Egyptien mais force est de constater que samedi il a été l’un des principaux artisans de la démonstration jaune et noire. C’est donc assez logiquement qu’il a triplé la mise avec plein d’opportunisme après un premier de tir de Barrios renvoyé par Stephan. A l’instar de ses coéquipiers Subotic, Hummels, Bender et Sahin, Zidan figurera dans le onze idéal du week-end du magazine Kicker, une référence, ce qui est assez révélateur de la qualité de la prestation fournie par le Borussia. 3-0 à la pause, un match à sens unique, les supporters de Nuremberg pouvaient remballer leurs écharpes célébrant leur amitié avec Schalke 04.

L’incroyable gardien Stephan

Le début de la 2e mi-temps sera marqué par le show du gardien Stephan. Non, on n’est pas passé dans la rubrique hockey sur glace, il s’agit du gardien nurembergeois Alexander Stephan. Pour son deuxième match de Bundesliga (le titulaire Schäfer était suspendu), le jeune portier franconien va multiplier les sauvetages miraculeux alors que les actions dortmundoises se succèdent à un rythme effréné, évitant ainsi à son équipe une claque monumentale. Il devra tout de même s’incliner une quatrième fois, mais quand le meilleur joueur (et de très loin) d’une équipe battue 4-0, c’est son gardien de but, cela en dit assez long sur la physionomie du match.

Dortmunder Jungs

C’est un jeune de 21 ans, Grosskreutz qui avait ouvert le festival dortmundois, c’est l’un de ses contemporains qui le clôturera, Mats Hummels, qui surgit pour reprendre un renvoi du valeureux (quoiqu’un peu malheureux) Stephan sur une frappe d’Owomoyela. Avec encore Marcel Schmelzer (21 ans), Neven Subotic (20 ans), Nuri Sahin (21 ans), Sven Bender (20 ans) ou même Lucas Barrios (25 ans), cette jeunesse dortmundoise paraît promettre des lendemains qui chantent du côté du Westfalenstadion. Bien sûr, certains d’entre eux commencent à susciter pas mal de convoitises et, malgré une situation financière assainie, le BVB n’aura pas forcément les moyens de résister aux sirènes anglaises mais comme tous ces jeunes gens sont sous contrat jusqu’en 2013 ou 2014, au pire cela fera des sous dans les caisses du club. Serait-ce enfin la sortie du tunnel après six longues années de ventre mou du classement et de stagnation sportive ? En tous les cas, la communion entre le public et cette équipe a fait plaisir à voir ; et en plus, on a aperçu un maillot Chapuisat dans un Biergarten, on a ramené une choppe Lars Ricken et l’ambiance en soirée au Anton’s Bierkönig était presque aussi survoltée qu’au stade. Y’a des jours comme ça où tout rigole.

Borussia Dortmund – 1. FC Nürnberg 4-0 (3-0)

Signal Iduna Park, 72’100 spectateurs (record négatif de la saison).
Arbitre : M. Gagelmann.
Buts : 8e Grosskreutz (1-0), 13e Barrios (2-0), 36e Zidan (3-0), 62e Hummels (4-0).
Dortmund : Weidenfeller ; Owomoyela, Subotic, Hummels, Schmelzer ; Bender (46e Santana), Sahin ; Blaszczykowski (70e Valdez), Zidan (80e Feulner), Grosskreutz ; Barrios.
Nürnberg : Stephan ; Diekmeier, Wolf, Maroh, Pinola ; Gygax (46e Judt), Nordtveidt, Kluge, Choupo-Moting (81e Gündogan) ; Boakye (61e Charisteas), Bunjaku.
Cartons jaunes : 11e Grosskreutz, 45e Pinola, 46e Wolf, 60e Judt, 65e Hummels.
Notes : Dortmund sans Rangelov, Kehl, Dede, Hajnal, Tinga, Öztekin ni Le Tallec (tous blessés), Nuremberg sans Schäfer (suspendu) ni Risse (convalescent).

Écrit par Julien Mouquin