Un monde du sport qui tourne au ralenti

Désormais, chaque mois, Carton-Rouge a le plaisir de sortir ses griffes dans le nouvel hebdomadaire régional répondant au doux nom de Riviera Chablais votre région. Notre mission : croquer une thématique d’actualité sur le sport suisse avec impertinence. Nous publions quelques jours plus tard cette chronique sur notre site. Cette édition revient sur les péripéties chinoises de Fanny Smith, victime (réhabilitée) de la technologie à outrance et de son utilisation débile.

Zhangjiakou, 17 février 2022. Ce petit patelin chinois de quelques millions d’âmes est le théâtre des épreuves féminines de skicross. La neige est de la partie, tout comme Fanny Smith sur qui reposent tous les espoirs helvétiques malgré un genou en moins bon état que celui de mon arrière-grand-oncle, toujours fringant du haut de ses 92 ans. À près de dix mille bornes de là, toute la station de Villars est devant son écran, prête à s’enflammer (et à picoler) devant les exploits de sa protégée. La suite, même la population de Zanzibar la connaît. Fanny Smith termine troisième de la finale avant d’être déclassée par le jury, coupable d’avoir écarté les skis pour éviter une concurrente. Une manœuvre qui a légèrement déséquilibré l’Allemande Daniela Maier, initialement quatrième. Cette décision, à peu près tout le monde, de Xi Jinping à Henri Dès, la qualifie de scandaleuse. Fanny Smith est en pleurs. Le commentateur de la RTS est encore plus outré de la situation que face au lancement d’une nouvelle initiative No Billag. Et la station de Villars picole, mais pour oublier.

Le coupable de ce vol manifeste est tout trouvé : un jury qui ne pige rien à cette discipline et qui veut montrer, avec ses gros biscottos, que c’est lui qui décide. Il y a sans doute un peu de vrai là-dedans. Mais le mal est plus profond. Un mal qui a contaminé le monde du sport, qui ne jure plus que par l’image et le ralenti.

On le sait désormais depuis longtemps, l’homme est prisonnier de la technologie. Par conséquent, le sport l’est aussi. Du foot au rugby, en passant par le hockey, l’escrime et visiblement le skicross, on crie à qui veut bien l’entendre qu’une image reflète la réalité. Ce qui est complétement bidon puisqu’une image ne représente qu’une seule réalité parmi d’autres. Tout n’est qu’une question de perspective mais personne n’a envie de faire l’effort intellectuel de le reconnaître. On aurait pu se limiter à juger des situations complexes sur la base d’images à vitesse réelle mais non. Désormais c’est le sacro-saint ralenti qui fait la loi. Alors que le ralenti fausse tout, partout, tout le temps. Au ralenti, le plus parfait des tacles glissés peut être considéré comme fautif. Au ralenti, l’engin de Rocco Siffredi paraît plus gros qu’en vrai. Au ralenti, Vladimir Poutine sourit parfois. Au super-ralenti, Fanny Smith est fautive d’avoir écarté les skis.

Heureusement pour elle, la commission d’appel de la FIS a approuvé le recours de Swiss-Ski il y a quelques jours. La Villardoue est de nouveau bronzée, pour de bon cette fois. Espérons simplement que cette ultime décision ait été prise sur la base du bon sens, et non en visionnant le ralenti du ralenti.

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