24 heures avec… Brent Nelson

Candidat malheureux à la reprise du Lausanne Hockey Club, Brent Nelson est un personnage atypique. Des mines de diamant inventées en Bolivie à sa holding fictive de Zoug, en passant par ses restaurants grecs qui ont brûlé et sa fabrique de nains de jardin roumaine que lui seul connaît, le Canadien n’est pas quelqu’un comme les autres. CartonRouge.ch s’est glissé dans son attaché-case et te fait vivre 24 heures de la vie de cet homme sulfureux.

Il est 7h00. Nous débarquons au domicile zougois de Brent. Pas de bol, il n’est déjà plus là. Déjà plus là, vraiment ? «Je ne l’ai pas vu de la nuit, nous indique une fille blonde à forte poitrine et très légèrement vêtue. Allez voir au Dancing ‘Die Seeschlumpige’, il est souvent là-bas». «On peut avoir un café ?», tente-t-on histoire de reluquer la belle se pencher sur la cafetière afin de pouvoir savoir si ce sont des bas ou des porte-jarretelles. «Non, répond-elle sèchement, c’est trop cher pour vous». Déçus et tout de même alléchés par le nom de l’établissement, nous prenons alors la direction de ce cabaret de la banlieue zougoise.Arrivés à l’intérieur, nous ne trouvons que Rodrigo, le barman et accessoirement agent artistique de quelques filles du coin, affairé à balayer les excès de la veille. «Wo isch Brent ?», demandons-nous alors avec notre plus beau Schwytzetutsch appris sur le tas. «Er isch inne dèsse andèrè tsallè», nous répond-il avec son accent chantant sud-américain. Nous poussons la porte indiquée et nous retrouvons alors Brent, attablé avec quatre autres personnes, en train de pousser devant lui une paire de deux trouvée à la rivière avec le rictus du bluffeur déçu.

Mercedes en leasing

Pas de chance pour le Canadien, Ivo, le propriétaire, avait floppé une quinte au roi. Il lui tend alors les clés de sa Mercedes, lui conseillant d’aller faire un service au plus vite, les freins n’étant pas sûrs depuis qu’il s’est embrouillé avec Pastagas Pastisoglou, son ami ex-co-gérant de restaurants de la place et accessoirement parrain de la mafia grecque du bas-canton d’Appenzell Rhodes Intérieur. Piéton et ivre, Brent nous demande alors de le conduire aux bureaux de sa holding afin de commencer sa journée de travail. Ce qu’il n’a pas dit, c’est qu’il lui restait 46 mois de leasing sur sa vieille Merco toute pourrie, mais ça, c’est un autre problème…
Arrivé dans ce qu’il appelle son «bureau» – en fait un tas de cartons agglutinés dans un sous-sol avec une vieille télé cassée en guise de fauteuil –, Brent Nelson prend son téléphone et sonde son agent de change néo-zélandais pour connaître l’état de son portefeuille d’actions. Entre ses parts dans la société guyanaise «Coco Nuts & Cie», sa participation dans la coopérative fruitière du Botswana «Ananas & Fils» et sa toute nouvelle fabrique de nains de jardin qu’il a délocalisée de Metz à la banlieue de Bucarest, l’éphémère actionnaire du Lausanne Hockey Club est un homme très occupé. Enfin en apparence…
Mais lorsque nous nous rendons compte que le fil de son combiné donne directement dans la machine à laver le linge, le Canadien est mal à l’aise. Pour détendre l’atmosphère il tente alors un «You know yet why Bosketti could not phone me», qui n’a fait rire que lui… Puis, il tente de nous convaincre qu’il est bel et bien un homme important en nous montrant des photos de lui aux côtés de Bill Clinton et d’un des rares survivants de la famille Kennedy. Cela nous intéresse d’un œil, alors pour définitivement nous mettre dans sa poche, il va vraiment trop loin. Les clichés de lui aux côtés d’Oussama Ben Laden et du Père Noël, là, franchement, ce n’était pas nécessaire pour nous convaincre de sa mythomanie…

«Don’t cut my finger !»

Il est 10 heures du matin et alors que nous commençons à nous ennuyer pendant que Brent s’invente une vie trépidante, il va enfin y avoir de l’action. Depuis le sous-sol, nous voyons quatre paires de souliers vernis descendre d’une limousine. En nous retournant, nous voyons Brent se cacher sous son bureau en carton. «Ne dites pas que vous m’avez vu», lance-t-il, l’air effrayé. Vous nous connaissez, nous ne sommes pas du genre à nous passer d’une scène cocasse, alors dès que les hommes de main de Pastagas Pastisoglou entrent dans le «bureau», nous leur soufflons où se trouve l’homme en question.
«No no no ! Don’t cut me another finger !», se lamente-t-il en voyant la lame de l’homme de main grec. Il faut dire que Brent Nelson avait promis de régler une dette au plus vite. Problème, celle-ci devait être épongée par la vente d’une pendule géante prévue pour la patinoire de Malley. Alors, puisque le «deal» n’a pas pu se faire, notre ami canadien est, aujourd’hui, un peu en manque de liquidités. Et ça, les mafieux, ils n’aiment pas du tout… Pire, il se retrouve avec une horloge sur les bras dont il ne sait que faire. Les Hellènes s’en vont finalement non sans l’avoir menacé de mort s’il ne remboursait pas sa dette dans les 72 heures.
Mais notre ami a plus d’un tour dans son sac. En s’ennuyant la nuit passée, il a trouvé, au gré de ses zappages divers et variés sur le câble qu’il a détourné de l’hôtel adjacent, un nouveau truc qui le botte. Malgré l’échec de ses plans de reprise de Vancouver, Zoug, Kloten et Lausanne, il ne renonce pas à son rêve : être adulé de tous. Cette fois, Brent est tombé amoureux de la Tour Eiffel et il est bien décidé à lancer un plan de reprise du monument parisien.

Toronto Beach

Ni une ni deux, il file à la cabine téléphonique du coin. Après nous avoir racketté quelques francs pour téléphoner, il compose un numéro et demande à parler à Bertrand Delanoë, maire de la capitale française. Il lui assure qu’il est un riche homme d’affaires canadien ayant fait fortune dans diverses entreprises du secteur tertiaire et qu’il souhaite racheter la tour construite par Gustave Eiffel en vue de l’exposition mondiale de 1889 afin d’en faire l’endroit le plus visité de la planète.
Dès son arrivée à Paris, il promet de remettre au goût du jour cet amas d’acier et de lui faire gagner encore plus d’argent grâce à une idée qu’il vient d’avoir : y adjoindre un écran géant. Vexé de ne pas avoir eu cette idée lui-même, le maire PS de Paris lui raccroche au nez, en marmonnant : «Depuis que je n’ai pas eu les JO, ils croient vraiment que je suis nul les anglo-saxons ! Ah ils auraient l’air con à faire Toronto-Beach sur les rives du Lac Ontario.»
C’est donc un nouvel échec dans la carrière de l’éphémère repreneur du LHC. Déçu de ne pas voir ses rêves se concrétiser une nouvelle fois, il nous invite à manger à l’Hôtel «Löwen am See» de Zoug, où il semble avoir ses habitudes. «Hello Mr. Jobs», lui lance le maître d’hôtel. Brent nous fait alors un clin d’œil et marmonne : «Je leur ai fait croire que j’étais le frère caché de Steve Jobs. Du coup, ils envoient toutes les factures à Apple aux Etats-Unis et moi je peux manger gratuitement».
Mal à l’aise, nous commandons tout de même du homard en entrée, suivi de gratin et canard truffé ainsi que d’un coulis de framboise à l’armagnac pour la bonne bouche, le tout accompagné de quelques millésimes goûtus. A l’heure de la facture, le mythomane de service lance : «comme d’habitude, très cher», suivi de quoi il s’éclipse pour aller aux toilettes. Le serveur vient alors vers nous hilare et nous raconte qu’il sait très bien que ce type n’est pas le frère du puissant informaticien américain, mais qu’ils ont lancé un pari en cuisine pour pronostiquer à quelle date celui-ci allait finir en prison.

Arnaque à l’assurance

Amusés par cette astuce, nous reprenons le fil de la journée de notre homme. Après ce gargantuesque repas, nous sommes un peu ballonnés, mais il est 15h30 et la vie d’un homme d’affaires de haut vol – c’est le cas de le dire – ne s’arrête pas à ces basses considérations. Brent Nelson nous dit que puisqu’il est un peu fauché ces derniers temps, et qu’il doit donc impérativement trouver de quoi se remplir les poches. Ses doigts, et un peu plus tard sa vie, en dépendent.
Il décide alors de tenter de se faire shooter par une voiture, afin de pouvoir bénéficier des assurances pour se renflouer quelque peu. «Et qui sait, on est dans un coin où il y a pas mal de gens fortunés. Peut-être que j’arriverai à en faire chanter un ou deux et gagner encore plus d’argent». Il ne fait alors pas grand cas de nos mines contrites et se lance sous le premier véhicule venu. Mais Brent n’est vraiment pas du genre chanceux… Ce qu’il a pris pour un Hummer de riche n’était en fait que la Jeep pourrie de Hans-Ruedi Vögellauf, employé de commune à Edilbach.

Et comme ce bon Hans-Ruedi était saoul comme une barrique et ben fatalement, il a pris la fuite histoire de ne pas perdre son travail. Comme nous ne sommes pas des sagouins, nous nous sommes alors empressés de porter secours à notre idole d’un jour. Mais dès qu’il a été admis à l’hôpital, Brent a recommencé à vouloir tenter tout et n’importe quoi pour pouvoir cette fois attaquer l’établissement hospitalier. Après avoir mangé une demi-douzaine de sac destinés à recueillir les déjections de personnes âgées et impotentes, il tente de s’autoperfuser avec des poches de sang de groupes sanguins divers et variés.

Excédé, le personnel de l’hôpital décide de lui plâtrer la majeure partie du corps et de l’envoyer dans une maison de repos du coin. Nous l’accompagnons dans son nouveau lieu de villégiature, mais le personnel de soin nous impose alors de rester à la grille. Il semblerait en effet que cet établissement fasse également office de lieu pénitentiaire…Nous terminons donc ici notre journée avec Brent Nelson, avec l’impression fugace que le LHC l’a échappée belle, mais, avec le recul, on se dit quand même qu’on a bien rigolé.

Commentaires Facebook

7 Commentaires

  1. « …la société guyanaise «Coco Nuts & Cie… » « …Pastagas Pastisoglou, parrain de la mafia grecque… »

    Excellent, mort de rire !! Il est vraiment bon, l’ami Gary lorsqu’il part dans ce genre de délire ! L’effet Pastis ? 😉

  2. Ouais Christophe …. à moins que l’ami Gary se soit vengé sur les pitreries du LHC alors qu’il aurait plutôt voulu bouffer du madrilène ce matin.

    J’dis ça, j’dis rien 😉

    ES

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.