Die Unabsteigbaren II : dix ans de sauvetages miraculeux

Voici la suite et la fin (du moins jusqu’au prochain maintien inespéré) de notre série de ce début d’été sur les Unabsteigbaren du FC Aarau. Après avoir relaté les péripéties des Argoviens durant leurs quinze premières saisons de LNA, nous les avions quitté sur une qualification heureuse pour le tour final en 1996. Nous les retrouvons, après deux ans de relative quiétude, au coeur de la tourmente lors de la saison 1998/1999.

1998/1999 : L’autogoal de la 92e et le couac du FC Sion

Le FC Aarau renoue avec la lutte contre la relégation en 1998/1999, puisque le club boucle le tour de qualification au dernier rang, avec onze points de retard sur la barre (on est passé à la victoire à trois points). On repart de zéro pour le tour de promotion/relégation mais, après huit journées, Aarau est toujours bon dernier. A quatre rencontres de la fin de la saison, le FCA est encore avant-dernier, à six longueurs de la barre. Une série de quatre victoires (Wil, Sion, Lugano et Yverdon) permet toutefois aux hommes de Jochen Dries (le troisième entraîneur de la saison après Trümpler et Strasser) de sauver leur peau, de façon miraculeuse, si l’on songe que la victoire 3-2 à Wil a été obtenue sur un autogoal à la 92e et surtout que le FC Sion avait son destin entre ses mains avant la dernière journée. Une victoire contre la lanterne rouge Carouge suffisait aux Valaisans pour se sauver et expédier le FC Aarau en enfer mais le Sion de Kadji et Rouyer trouve le moyen de perdre contre des Genevois démobilisés (2-1), offrant ainsi un maintien inespéré aux Argoviens. Ceux-ci terminent bien entendu premier non relégués, avec un petit point d’avance sur Sion sur le tour de promotion/relégation mais avec six points de moins que les Valaisans sur l’ensemble de la saison. Et pourtant, c’est bien Sion qui est descendu… Ah, les joies de la formule Rumo ! Cette équipe du FC Aarau 1998/1999 représentait le cauchemar de tout commentateur de la TSR. Déjà que nos fonctionnaires de la tour du bout du lac ne cachent jamais leur peu d’enthousiasme à commenter un match au Brügglifeld, je te laisse imaginer ce que c’était lorsque l’équipe locale alignait Slawomir Wojciechowski, Roumen Ivanov, Dariusz Skrzypczak, André Wiederkehr, Prince Opuku Polley ou encore Mirko Pavlicevic.

Le Brügglifeld, le terrain de tous les miracles

1999/2000 : L’autogoal salvateur de Lionel Martin

Privé de tour final sur le fil (une fois n’est pas coutume) à cause d’une défaite à Bâle lors de l’ultime journée du tour de qualification, le FC Aarau est à nouveau en grande difficulté lors du tour de promotion/relégation. A trois journées de la fin, les joueurs à nouveau entraînés par Rolf Fringer (qui sortait d’une aventure catastrophique à la tête de l’équipe de Suisse) sont toujours du mauvais côté de la barre. Mais une victoire dans le derby cantonal à Baden (3-1, triplé d’Ivanov) et un succès sur un Sion déjà promu (buts d’Ivanov, Skrzypczak et La Placa contre une réussite de Grichting côté valaisan) permettent au FCA de repasser du bon côté de la barre. Aarau se fait une ultime frayeur lors de la dernière journée en perdant 1-0 à Zurich. Bellinzone qui accuse trois points de retard sur les Argoviens et une différence de buts plus favorable mène 2-1 à Sion et est alors virtuellement promu au détriment des hommes de Fringer. Mais un autogoal de Lionel Martin dans les dernières minutes offre l’égalisation à Sion et surtout le maintien à Aarau. En position de premier non relégué évidemment ! Tu commences à comprendre la signification du terme Unabsteigbar ? Et pourtant, le plus rocambolesque est encore à venir.

2000/2001 : Six matches/seize points pour finir

Après avoir une nouvelle fois manqué le tour final (9e mais à sept points du huitième Zurich), Aarau connaît une entame de tour de promotion/relégation calamiteuse : défaites 0-2 à domicile contre Bellinzone (buts de Bugnard et Manfreda), 0-1 à Berne contre YB (but de Tholot), match nul 0-0 au Brügglifeld contre l’Yverdon de Philippe Perret et revers 3-0 à l’Allmend lucernois (avec notamment une réussite d’Alexandre Rey). Après quatre journées, Aarau est lanterne rouge. Le déclic est survenu lors d’une victoire à Winterthour (2-1) avec un but victorieux de De Napoli dans les dernières minutes. Aarau finit en trombe, réussit 16 points lors des 6 derniers matches et se paie même le luxe d’être sauvé dès l’avant-dernière journée grâce à une victoire 2-0 (buts de Previtali et Khomeriki) sur Young Boys, qui condamnait Yverdon à la relégation. Les Argoviens finissent même à la 2e place et ne sont donc pas premiers non relégués. Dans cette équipe, évoluaient un certain Mario Eggimann, actuel capitaine du SC Karlsruhe, néo-promu en Bundesliga et, très épisodiquement, Pascal Zuberbühler (deux matches seulement) et David Degen (cinq matches).

Zubi a également sévi au FC Aarau

2001/2002 : Relégué puis sauvé !

Le FC Aarau laisse échapper une qualification pour le tour final qui lui tendait les bras, en perdant à Lugano lors de la dernière journée, alors que dans le même temps son adversaire direct, Zurich, remportait une surprenante victoire à Sion. Au terme du tour de promotion/relégation, pas de sauvetage miraculeux pour le FCA, dans un premier temps du moins. Une série de trois défaites consécutives au Brügglifeld (1-3 contre Thoune, 0-3 contre Lausanne avec deux buts de Leandro et un de Zambaz et 0-1 contre Wil) place les hommes de Fringer dans une situation intenable. Une défaite à Delémont (2-1, buts jurassiens de Casasnovas et Heiniger contre une réussite de De Napoli), repousse les Argoviens sous la barre. Malgré un succès 2-1 contre le leader Neuchâtel Xamax lors de l’ultime ronde, la relégation du FC Aarau est consommée puisque Thoune s’impose dans le même temps face à Winterthour et devance les Argoviens à la différence de buts. Aarau est donc relégué ! Mais on est Unabsteigbar ou on ne l’est pas : le Lausanne Sports de Barberis, qui avait brillamment assuré son maintien sur le terrain, n’obtient pas sa licence et il faut repêcher le premier relégué, qui est, je te le donne en mille, le FC Aarau, qui devient donc… premier non relégué. A ce niveau-là, cela devient de l’art, s’arranger pour finir juste sous la barre précisément l’année où une équipe n’obtient pas sa licence. Nul doute que si l’on a un jour un Swissfootballeaguopoli et que des équipes sont rétrogradées pour avoir achetés des matches, ce sera justement la saison où Aarau a fini dernier du classement et sera repêché en lieu et place des équipes sanctionnées. 

2002/2003 : 22 matches/18 points, 12 matches/28 points

Nouvelle révolution dans le football suisse : après quinze ans de mauvais et déloyaux services, la fameuse barre et le tour de promotion/relégation vivent leur dernière saison. Parallèlement, le nombre d’équipe est réduit de 12 à 10 en LNA (laquelle change également de nom mais on ne tiendra pas compte de la nouvelle et absurde dénomination). Les places dans l’élite du football suisse vont donc être particulièrement chères. Le FC Aarau ne paraît pas vraiment armé pour régater avec une concurrence aussi acharnée : l’entraîneur se nomme Alain Geiger et l’équipe se compose essentiellement de «has been» tentant vaguement de relancer une carrière embourbée (Walker, Chassot, Bieli, Melunovic, Seoane, De Napoli, Manuel Bühler…). Cela se confirme au premier tour que les Argoviens bouclent à la dernière place, terminant même derrière les SR Délémont ! On n’imaginait donc pas le FC Aarau occuper l’une des deux places permettant de rester en LNA parmi les sept équipes du tour de promotion/relégation (et non pas huit, le FC Lugano ayant coulé avec la Mercedes de son président). Et pourtant, le spectre de la relégation suffit à rendre irrésistible cette équipe argovienne. Les chiffres sont éloquents : au 1er tour, sans perspective de relégation, Aarau ne réalise que 18 points en 22 matches (19 buts marqués), contre 28 points en 12 matchs au 2e tour (30 buts marqués). C’est dire qu’Aarau finit premier du tour de promotion/relégation et se maintient haut la main.

Même Geiger n’a pas réussi à couler le FCA… 

2003/2004 : Premier non relégué ni barragiste

C’est la première saison avec la nouvelle formule : un relégué direct et un barragiste. La lanterne rouge est longtemps occupée par le FC Zurich de Lucien Favre, puis par le Neuchâtel Xamax de René Lobello. Aux prises avec d’insolubles problèmes de trésorerie suite aux malversations de son président, le FC Wil s’effondre en fin de saison et échoue à la dernière place, synonyme de relégation directe (il se consolera en gagnant la Coupe de Suisse). La place de barragiste se joue entre Aarau et Neuchâtel Xamax. Une fois n’est pas coutume, les Argoviens ont passé toute la saison au-dessus de la barre et le remplacement d’Alain Geiger (parti rejoindre GC à Noël) par Martin Rueda n’y change rien : Aarau conserve facilement deux points d’avance sur les Neuchâtelois et inaugure la place de premier non relégué ni barragiste.

2004/2005 : Défaites 7-1, 5-0 et 5-0 mais sauvé à la différence de buts !

Il n’y pas de relégué direct en LNA cette année-là : Marc Roger a précipité la faillite du Servette FC, une conspiration mondiale a empêché le brave Joseph Ferrayé de sauver les Grenats, lesquels ne passent pas l’hiver et sont automatiquement rétrogradés. Aarau et Schaffhouse luttent donc pour éviter la place de barragiste. Au printemps, les Argoviens connaissent une série effroyable de sept défaites consécutive (2-3 contre GC, 4-2 à Bâle, 2-3 contre Zurich, 1-7 contre Thoune, 1-2 contre Lucerne, 5-0 à Thoune et 0-5 contre Bâle) et voient les Schaffhousois réduire leur retard de huit à un point. On connaît peu de clubs capables de se relever d’une telle série négative, ce d’autant plus que les dirigeants maintiennent leur confiance à l’entraîneur Andy Egli. Aarau se reprend, grappille quelques points mais finit par passer sous la barre lors de l’antépénultième journée après une défaite à domicile contre Schaffhouse (0-1, autogoal d’Arnaud Bühler). Mais les Argoviens parviendront à redresser la situation grâce à une mirobolante série de deux matches/un point qui leur permet de revenir à la hauteur du FC Schaffhouse et de le devancer grâce à une différence de buts moins défavorable (-22 contre -23). Du coup, Aarau finit une nouvelle fois premier non barragiste. Combien de clubs au monde peuvent-ils perdre 7-1, 5-0, 5-0 et se sauver un mois plus tard grâce à la différence de buts ?

Marc Roger a rencontré Carton Rouge ! 

2005/2006 : Les poursuivants trébuchent

Andy Egli doit quitter son poste après avoir amené le FCA à la place de lanterne rouge à la trêve hivernale. Alain Geiger revient au Brügglifeld mais ne peut empêcher Aarau de partir à la dérive avec une série de six défaites consécutives (0-1 contre Thoune, 3-1 à Yverdon, 1-5 contre Bâle, 6-0 à Zurich, 1-5 contre Young-Boys et 2-0 à Neuchâtel) et une dernière place au classement à trois journées de la fin. Geiger est remplacé par Urs Schönenberger. Longo parvient à stopper l’hémorragie avec un glorieux match nul à domicile contre Schaffhouse (1-1), qui permet aux Argoviens de laisser la dernière place à Yverdon. Un but de Giallanza et une victoire 1-0 contre un Saint-Gall démobilisé hissent même le FCA à la 7e place lors de la 35e journée, place qui sera conservée après un 0-0 contre GC pour finir la saison. Les trois poursuivants d’Aarau avaient pourtant la possibilité de lui passer devant mais se sont tous encoublé sur la dernière marche, pourtant constituée d’adversaires n’ayant plus rien à jouer dans ce championnat : Schaffhouse à Saint-Gall, Neuchâtel (barragiste malheureux) à Thoune et Yverdon (relégué) contre Young Boys. Soit dit en passant, cette saison là, Aarau a fini avec de très loin la plus mauvaise différence de buts du championnat mais, comme par enchantement, celle-ci n’a pas été nécessaire pour départager les équipes.

2006/2007 : Victoire salvatrice à Schaffhouse II

On a déjà parlé de cette saison dans la partie I de cet article avec la dernière place, l’arrivée de Gress, la victoire au Breite, le faux-pas de Schaffhouse lors de l’ultime ronde et la victoire en barrage. Aarau s’arrange pour disputer ce fameux barrage justement l’année où l’équipe de LNB n’est pas très ambitieuse ni redoutable mais parvient à l’éviter lorsque l’adversaire est le FC Sion, avec ses stars et ses millions.

Cette saison, le héros s’appelle Gilbert Gress

2007/2008 : Unabsteigbaren à jamais ?

A Aarau, on n’a pas peur du risque et on aime jouer à se faire peur : pour la saison prochaine, les dirigeants argoviens ont réengagé comme entraîneur Ryszard Komornicki, celui-là même qui les avait si brillamment conduit à la dernière place du classement. Tu me diras, l’entraîneur en début de saison ce n’est pas très pas important, c’est en fin de championnat que le FCA fait ses points. De toute façon, quel que soit l’entraîneur, la magie des Unabsteigbaren est la plus forte : si Gress, Geiger ou Fringer ont réussi à sauver Aarau, on peut penser que même Gabet Chapuisat n’arriverait pas à couler le club du Brügglifeld. Selon toute vraisemblance, la saison prochaine, Aarau se battra contre la relégation avec Lucerne, Thoune, voire le néo-promu Neuchâtel Xamax. On n’aimerait pas être supporter de l’une de ces équipes et se retrouver à la lutte avec Aarau à trois journées de la fin du championnat. Parce que dans ces cas-là, on sait comment cela se termine : les Argoviens sont die Unabsteigbaren !

Écrit par Julien Mouquin