Si la première semaine de la Grande Boucle nous avait donné des frissons, la seconde dans les Pyrénées nous a littéralement envoûté. Mais tout ça, c’était avant que Thibaut Pinot n’abandonne en Maurienne, que Julian Alaphilippe n’explose dans l’Iseran et que le ciel ne nous tombe sur la tête en Tarentaise. Maudite Savoie. Spectaculaire pendant 18 jours, ce Tour de France 2019 s’est donc terminé dimanche à Paris dans la nuit, la confusion et la tristesse.
11. Albi –> Toulouse : 167 km
Après une journée de repos passée à panser les plaies de Thibaut Pinot et préparer la révolte du côté de chez Groupama-FDJ, le Tour repart d’Albi avec un Lilian Calmejane remonté comme jamais sur ses terres. L’Albigeois ne manque pas la bonne échappée avec Anthony Perez, Stéphane Rossetto et Aimé De Gendt. Les quatre hommes ne s’entendant pas cependant à merveille, ils sont repris dans les 10 derniers kilomètres par le peloton d’où Caleb Ewan émerge. Le petit Australien remporte la première victoire de sa carrière sur le Tour pendant que Stéphane Rossetto insulte dans l’aire d’arrivée de « ratagasse » son compagnon de fugue Aimé De Gendt.
12. Toulouse –> Bagnères de Bigorre : 209,5 km
Les Pyrénées sont là mais la première grande étape de montagne est logiquement escamotée par les différents leaders qui préfèrent garder leurs forces pour le contre-la-montre individuel du lendemain. Le champion du monde du chrono Rohan Dennis, pas autorisé à s’échapper en montagne par son équipe de la Bahrain-Merida, pose pied à terre à l’approche de Peyresourde sans la moindre explication. A l’avant de la course, Matteo Trentin se surpasse dans l’Aspin mais il est contré par son propre équipier Simon Yates, en résilience après un Giro catastrophique. L’Australien s’impose en mémoire à Adam, son frère jumeau, qui avait reçu ici-même l’arche de la flamme rouge en pleine gueule, il y a trois ans, alors qu’il partait à la conquête du maillot jaune.
13. Pau –> Pau : 27,2 km (c.l.m individuel)
Il fait chaud à Pau et Julian Alaphilippe s’est équipé dans l’aire de départ d’un gilet pare-balles pour mieux résister aux assauts de ses adversaires. Le Montluçonnais sort le grand jeu sur les 27 kilomètres d’un parcours taillé sur mesure pour ses qualités de puncheur. Il améliore tous les temps de passage et relègue finalement Geraint Thomas, deuxième sur la ligne, à 15 secondes. C’est la première fois qu’un Français maillot jaune s’impose sur un contre-la-montre depuis Laurent Fignon en 1983. La France se met à rêver à voix haute d’un successeur à Bernard Hinault. Il y a de quoi puisque Thibaut Pinot vient également d’entamer sa remontada après la malheureuse bordure d’Albi.
14. Tarbes –> Tourmalet Barèges : 117,5 km
L’étape du Tourmalet est menée tambour battant afin de permettre aux favoris de s’expliquer pour la victoire en haut du géant pyrénéen. Dès le Soulor, Adam Yates et Romain Bardet explosent. Movistar qui imprime un train d’enfer dans les 50 derniers kilomètres fait sauter son leader Nairo Quintana à 10 bornes de l’arrivée, continuant à alimenter sa légende d’équipe à la stratégie bancale. A 7 kilomètres du Tourmalet, David Gaudu entre en action pour placer Thibaut Pinot sur orbite. Le Franc-Comtois s’impose avec aisance devant un Julian Alaphilippe toujours héroïque en jaune. Les récompenses vont cependant à Emmanuel Macron, le régional de l’étape en vacances dans sa station austère de La Mongie, qui milite déjà pour sa réélection en 2022.
Emmanuel Macron, vainqueur moral au col du Tourmalet, pose avec Thibaut Pinot et un gilet jaune pour la postérité.
15. Limoux –> Foix Prats d’Albis : 185 km
Royal la veille sur les pentes du Tourmalet, Thibaut Pinot enfonce le clou dès le lendemain en attaquant à 6 kilomètres de l’arrivée aux Prats d’Albis. Il fait péter tout le monde à la pédale et continue son opération remontada engagée il y a deux jours à Pau. Si Egan Bernal et Emanuel Buchmann limitent la casse, l’addition est plus salée du côté de Geraint Thomas et Steven Kruijswijk. Victime du syndrome Macron qui lui a transmis sa haine pour le jaune, Julian Alaphilippe explose sur les hauteurs de Foix mais conserve tout de même son maillot de leader avec plus d’une minute trente sur tous ses adversaires. Les Alpes seront chaudes.
16. Nîmes –> Nîmes : 177 km
Après une deuxième journée de repos à Nîmes, c’est l’alerte canicule générale en France et plus particulièrement sur le département du Gard réputé pour être l’un des endroits les plus bouillants de l’Hexagone en juillet. Ce n’est donc pas un temps à mettre un cycliste dehors mais le peloton couvre cette étape sans intérêt à près de 45 km/h de moyenne. Caleb Ewan s’adjuge au sprint une deuxième victoire dans la préfecture gardoise. Mais le grand vainqueur du jour n’est autre que Thibaut Pinot qui a évité le coup de chaud comme celui de la bordure. Bel exploit de la part du leader de la Groupama-FDJ la veille d’entrer dans les Alpes pour succéder à Bernard Hinault.
17. Pont du Gard –> Gap : 200 km
Nouvelle longue étape de transition sur la route du Tour. Les coureurs longent la face nord du Mont Ventoux mais refusent de se déchirer entre eux à l’entrée des Alpes. Le champion d’Europe Matteo Trentin, frustré dans les Pyrénées par son équipier Simon Yates, profite de l’absence de ce dernier dans l’échappée fleuve vers Gap pour s’isoler au pied du col de la Sentinelle. L’Italien s’impose seul ensuite en coureur complet dans la préfecture des Hautes-Alpes. La Mitchelton-Scott remporte là sa quatrième victoire d’étape sur ce Tour. Tout le monde marche parfaitement chez les Australiens en dehors de leur leader Adam Yates relégué dans les tréfonds du classement général.
18. Embrun –> Valloire : 208 km
La première grande étape de montagne alpestre voit Romain Bardet s’échapper avec une trentaine de coureurs afin de sauver son Tour de France. Loser dans l’âme, l’Auvergnat franchit les cols de Vars, d’Izoard et du Galibier en deuxième position avant de terminer deuxième à Valloire derrière Nairo Quintana, lui aussi rescapé de l’échappée fleuve, malgré le fait que son équipe de la Movistar ait roulé derrière lui dans l’Izoard. La grande bagarre entre favoris n’intervient elle que sur le haut du Galibier où Egan Bernal s’isole pour reprendre 32 secondes à tous ses adversaires. Lâché dans le dernier kilomètre d’ascension, Alaphilippe rentre en cascadeur dans la descente vers Valloire. Son maillot jaune ne tient plus qu’à un fil.
Les larmes de Thibaut Pinot dans l’Iseran provoquent un gigantesque orage de grêle qui neutralisera la fin de course vers Tignes.
19. St Jean de Maurienne –> Tignes : 126,5 km
Pinot qui avait survolé les Pyrénées n’a pas bougé la veille dans le Galibier. A l’arrivée, il a évoqué sa traditionnelle « journée sans » en Grand Tour. Le mal est cependant plus profond pour Thibaut puisqu’une vilaine contracture à la jambe gauche le contraint à l’abandon après seulement 35 kilomètres parcourus en Maurienne. A 6 kilomètres de l’Iseran, toit du Tour 2019 à 2770 mètres d’altitude, Julian Alaphilippe explose et abandonne lui aussi ses rêves de victoire à Paris. En moins d’une heure, la France vient de perdre toutes ses illusions. Dans la descente vers Val d’Isère, un violent orage de grêle explose, bloquant la route et neutralisant la course. L’arrivée à Tignes est annulée mais les écarts sont maintenus au sommet de l’Iseran où Egan Bernal est passé largement en tête. Du jamais vu sur le Tour de France !
20. Albertville –> Val Thorens : 59 km
Les orages en Tarentaise de la veille ayant rendu impraticable le passage au cormet de Roselend, les organisateurs ont été contraints de revoir totalement le parcours de la dernière étape alpestre. Au lieu d’insérer le col de la Madeleine, ou une boucle autour de St Jean-de-Belleville, afin de préserver la difficulté initiale de la journée décisive, ASO n’a rien trouvé de mieux que de tracer une vulgaire course de côte de 59 kilomètres entre Albertville et Val Thorens. Soit un kilométrage au rabais afin de maximiser les chances de podium d’un Julian Alaphilippe à bout de force en cette fin de Tour. Il n’en est rien puisque l’Auvergnat explose aux Ménuires, à 13 kilomètres du sommet, pour finir tout de même sa Grande Boucle à une inespérée 5ème place. Derrière, c’est le statu-quo puisque Bernal l’emporte devant Thomas, Kruijswijk et Buchmann sans combattre. Après son Giro frustrant, Nibali sauve son Tour en gagnant à Val Thorens.
En l’absence de Chris Froome blessé, Egan Bernal et Geraint Thomas sont contraints de finir 1er et 2ème de ce Tour de France 2019.
21. Rambouillet –> Paris Champs-Elysées : 128 km
Si le Team Ineos a flanché pendant 3 semaines, il n’aura jamais coulé. Après l’abandon de Pinot, les Britanniques auront même déroulé sans trembler jusqu’à Paris. La seule question de cette fin de Tour aura été de savoir qui de Bernal ou de Thomas monterait sur la plus haute marche du podium sur les Champs-Elysées. Le Colombien, largement supérieur au tenant du titre en montagne, se pare donc de jaune en l’absence d’un Chris Froome cloué sur un lit d’hôpital depuis la mi-juin. A 22 ans, Bernal apporte une première Grande Boucle à la Colombie, lui qui était initialement prévu au Giro avant qu’il ne se fracture la clavicule début mai. Curieux dénouement d’un Tour de France haut en couleurs qui nous aura cependant laissé sur notre faim dans les Alpes entre les défaillances des Français, le déchaînement de la météo et les choix discutables de l’organisateur ASO. Vivement 2020.
Petite remarque sur le passage: « ASO n’a rien trouvé de mieux que de tracer une vulgaire course de côte de 59 kilomètres entre Albertville et Val Thorens. Soit un kilométrage au rabais afin de maximiser les chances de podium d’un Julian Alaphilippe à bout de force en cette fin de Tour. »
Allez voir la gueule du Cormet qui était prévu en début d’étape et dites moi si vous trouvez que c’est praticable.