Jouer l’équipe adverse ?

Lors de la précédente rencontre entre Bienne et Rapperswil, quelques observateurs n’hésitaient pas à affirmer que les Lakers avaient dû «la laisser passer», histoire de donner des vacances à l’intraitable Summanen. Cette fois-ci, ils pourront invoquer la neige, voire le sol verglacé… Mais il faudra bien qu’ils finissent par revenir sur la patinoire pour expliquer le score.

Et pourtant, après quelques minutes, Nüssli avait déjà pu montrer qu’il était dans un soir «sans», son imprévisibilité ayant atteint un point de non-retour. Si l’année passée, les problèmes de jauge du nº 88 étaient bien souvent synonymes de défaite cruelle et indubitable, il s’avère que cette saison les Biennois ont quelques tours en plus dans leur sac. Car si l’on admet sans peine que Bordeleau fut bien seul sur sa première ligne en ce début de saison, on reconnaît sans peine que la perspective de signer un nouveau contrat qui est celle de Truttmann ne fait vraiment aucun mal à ses performances. Mais quel joueur concerné, combattif, malin et tout à fait digne d’une première ligne pouvons nous observer depuis quelque temps !Comme à la neuvième minute, où, suite à une récupération à la bande de Seydoux, le joueur de poche si cher aux Thurgoviens traversa une défense bien peu prompte à se garrocher vers autre chose que du vide. Mathieu Tschantré pouvait jouer les Brian Gionta en bec ainde (et pourtant, j’ai le temps de me relire) pour tromper Manzato dont le positionnement anticipait un peu trop sur un retour de Bordeleau au deuxième poteau. Et trois minutes plus tard, on pouvait voir qu’il avait bien raison de se méfier. Le top-scorer biennois se mettait en position face à une défense qui ne jouant pas le coach cette fois-ci ne jouait pas non plus la rondelle ni l’homme… Le portier, aux origines variables selon les sources, commençait à voir le mal trouver racine à son poteau gauche.

Si le second tiers ne s’est pas fait l’hôte de la suite de l’épopée de cette première ligne (re) trouvée, il aura néanmoins donné de précieuses informations sur les fondamentaux de jeu des Seelandais. On peut ainsi constater sans rancœur que Ric Jackman n’est certainement «pas revenu pire» de Davos qu’il n’était parti. Mais si l’homme fort — et accessoirement prétendu quart arrière — se trouve moins la cible de toutes les moqueries qu’un esprit vil et fade peut exprimer, c’est pour de bonnes raisons. Il a non seulement compris qu’il peut se débarrasser des adversaires les plus remuants en leur tirant dessus plutôt qu’en les assommant contre la bande, mais son indigence a aussi permis à de jeunes loups de prendre à leur compte des responsabilités qui lui étaient, à la base, réservées. On pense à un peu à Kparghai qui s’est mué en une sorte de serre-joint (Davosien un jour…) particulièrement rapide et tenace contre les bandes. On ne peut pas ignorer Seydoux qui trouve assez habilement les espaces pour fluidifier le jeu et lancer des surnombres. Mais c’est surtout Schneeberger qui épate. Le jeune qui avait l’occasion de faire ses preuves aux côtés du très expérimenté et fiable Steinegger est en passe de s’affirmer comme l’un des piliers du jeu du EHCB. Dans les trois zones, celui qui est en passe d’être de moins en moins un espoir fait ses marques. Il y a quelques années, Genève avait fait appel à un unijambiste pour travailler sur la motivation et le mental. À Bienne, un volontaire dépourvu de cerveau s’est chargé de transformer la colère intériorisée du nº 32 en rage de vaincre. Après avoir fouetté les troupes lors du dernier match de la série contre Lausanne, on ne pensait pas Rüfenacht si attaché que cela aux succès biennois.
Cette période donna aussi l’occasion d’observer quelques nouveautés d’ordre tactique. Après s’être fait prendre à défaut à quelques occasions ces derniers temps en situation spéciale, l’avantage numérique a cette fois-ci fonctionné selon des principes scientifiques. L’algorithme du Djikstra fut en effet appliqué des plus scrupuleusement avant que l’on admette que depuis la ligne bleue, le chemin passant par Fata, puis Steinegger et Lötscher était effectivement le plus court pour aller au but et par cette conclusion infaillible, Bienne avait trois longueurs d’avance.

Selon l’avis des observateurs les plus alertes et fidèles, ce score allait permettre aux hommes de Ruhnke de ne pas partager l’enjeu de la rencontre et de s’établir avec un total de 44 points, soit 1 de plus qu’au terme de la précédente saison. C’est donc par logique que l’on voyait l’utilisation des blocs défensifs biennois s’intensifier. Peut-être un peu trop d’ailleurs, puisque Brown après quelques longues présences laissait quelques latitudes à Berglund qui pouvait glisser le puck. Mais Geyer, bien déterminé à montrer la couleur du maillot en s’affirmant comme une lavette terne et sans aucune force de caractère préférait s’écarter pour laisser Bordeleau trouver la lucarne moins d’une minute après ce qui aurait pu redonner un peu de suspense. Les doutes qui étaient dissipés eurent l’occasion de refaire surface lorsque Wetzel prenait à son compte une action de contournement de cage et adressait en deux temps un tir qui scellait le score. 5 à 1. Nüssli, qui avait visiblement oublié quelques détails de finition, tant pour marquer que pour manifester physiquement ses doléances au «head», pourra prendre exemple pour samedi prochain à Genève…
Bienne gagne donc contre ce «terrible» Rapperswil qui l’avait dévoré 6 à 0 en début de saison, avant d’être l’instigateur de la série de défaites traversée à l’automne. Une surprise ? Pas vraiment. Si la LNA était une bande d’amis, on laisserait assez volontiers aux Lakers la place du nouveau riche qui convoite tout ce que ses connaissances les plus fortunées possèdent sans toutefois savoir à quoi cela sert exactement. À ce titre, on peut légitimement se demander si l’embauche de Christian Weber pour la saison prochaine tient plus à sa haute valeur sur le marché ou à sa capacité reconnue à mener les équipes en play-off ?…
Au Stade de Glace, le statut de travailleur qui récupère les éléments indésirables des autres pas n’est pas si gênant en soi. Il arrive même que ceux qui jettent finissent par essayer de récupérer leurs anciennes possessions avec ricardo.ch…

Photos Simon Bohnenblust, www.bohnenblust.net

Bienne – Rapperswil 5-1 (2-0 1-0 2-1)

Stade de Glace, 4318 spectateurs.
Arbitres : MM. Stalder ; Mauron et Schmid.
Buts : 9e Tschantré (Truttmann, Seydoux) 1-0, 12e Bordeleau (Steinegger, Tschantré) 2-0, 39e Lötscher (Steinegger, Fata) 3-0. 50e Berglund (Tschuor, Nordgren) 3-1, 51e Bordeleau (Tschantré, Truttmann) 4-1. 51e Wetzel (Gloor, Brown) 5-1.
Pénalités : 3 x 2’ contre Bienne ; 7 x 2’ contre Rapperswil.
Bienne : Berra; Steinegger, Schneeberger; Jackman, Seydoux; Kparghai, Brown; Trunz; Ehrensperger, Peter, Bärtschi; Truttmann, Bordeleau, Tschantré; Lötscher, Fata, Nüssli; Zigerli, Gloor, Wetzel; Tschannen.
Rapperswil : Manzato; Pöck, Berger; Furrer, Blatter; Bucher, Geyer; Riesen, Roest, Paterlini; Nordgren, Tschuor, Berglund; Reuille, Sirén, Rizzello; Vögele, Friedli, Walser.
Notes : Bienne sans Beccarelli, Meyer (surnuméraires), Fröhlicher ni Gossweiler (blessés, saison terminée). Rapperswil sans Züger (gardien surnuméraire), Burkhalter, Guyaz ni Raffainer (tous blessés). Tir sur le poteau de Peter (0’11). Bordeleau et Berglund désignés meilleur joueur de leur équipe. 

Écrit par Jean-Boris Cochet-Lamouche

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