Vers un double duel Inter – Roma

La défaite du Milan face à la Sampdoria le week-end dernier, puis la qualification à la cravache de la Roma pour la finale de la Coupe, mercredi, ont apporté une certitude à ceux qui en doutaient encore : cette saison en Italie, tout se jouera entre l’Inter et la Roma. Ou entre la Roma et l’Inter…

Il y a eu une incroyable journée de Serie A le week-end dernier. Pas forcément par rapport au niveau de jeu présenté, mais plutôt par rapport à la dramaturgie déroulée. Vendredi soir, le tant attendu «Derby d’Italia» a accouché d’une souris – la faute à une Juventus volontaire mais limitée, en proie au doute (on doit peut-être même se mettre à regretter Ciro Ferrara du côté de Turin, parce que la CL s’éloigne chaque journée un peu plus, voire même l’Europa League). La faute surtout à une Inter prudente mais largement supérieure à son adversaire historique, sur ce coup. Pourtant, la troupe de Mourinho a longtemps séché sur la défense de la Juve, bien regroupée et disciplinée. Jusqu’à ce que… purée, j’en ai encore des frissons ! Jusqu’à ce que Maicon invente un but impossible. Un geste brésilien, un geste de futbol-playa que même les concepteurs de PES n’ont pas encore pu imaginer. Indescriptible, mais j’essaie : après un coup franc mal dégagé par la Juve, la balle rebondit aux 18 mètres, Maicon fait direct le coup du sombrero à Amauri (qui a failli se la jouer Henry et la volleyer – il aurait peut-être dû !), et sans que la balle ne touche le sol, se l’ajuste en jonglant deux fois de la cuisse avant d’armer une volée limpide, pure, superbe, dans le petit filet opposé, au ras du poteau d’un Buffon impuissant. Extraordinaire. Un des buts de l’année en Europe, sans hésitation. Le but en tout cas qui ouvrait la voie d’un succès logique, 2-0, qui permettait aux hommes du président Moratti de reprendre la tête de la Serie A, et de mettre un maximum de pression sur les épaules de la Roma, avant le derby de la capitale.

Dimanche après-midi, le Milan AC perdait toutes ses illusions de titre en s’inclinant 1-2 à Gênes, face à une belle Sampdoria, menée par le toujours pittoresque Cassano, qui répondait sur penalty à l’ouverture du score de Borriello. Mais c’est un beau coup de boule du «Pazzo» Pazzini (15e but cette saison) qui enterrait la clique de Leonardo dans le temps additionnel, alors que les Milanais étaient réduits à dix. Le Vaudois Reto Ziegler (encore une fois bon titulaire dimanche) et ses coéquipiers s’emparaient ainsi de la 4e place au classement et peuvent rêver de Champions League – ils seront d’ailleurs certainement déterminants dans la course au titre puisqu’ils se déplaceront à Rome le week-end prochain. Les hommes de Berlusconi, eux, doivent se résoudre à finir troisièmes… et probablement s’attendre à un sérieux coup de sac à l’intersaison dans leur effectif vieillissant (j’ai l’impression ici d’écrire la même chose depuis 3 ans à ce propos, mais il est vrai que le Milan aurait besoin de carbone 14 pour dater quelques-uns des précieux fossiles dans ses rangs).
Et voilà venir le temps du derby romain. Un choc toujours bouillant, passionné, voire même ponctué de preuves de stupidité, dans les gradins, sur le terrain, et autour du stade après le match. Comme (trop) souvent, cette recette s’est vérifiée dimanche : insultes et banderoles douteuses, mauvais coups durant la rencontre, début de baston en fin de match avec coups de torse et croche-pieds, coups de couteau hors du stade. Cerise sur le gâteau, un Totti particulièrement «inspiré», en survêt’, qui au lieu de jubiler avec ses supporters, faisait le double geste pouces en bas vers le public laziale (à mort, ou en Serie B, peu importe le message, il était débile ce geste, et pourtant Totti je l’adore). Consternant, et attisant la polémique – on en parle encore dans tous les journaux, 4 jours après. Mon paternel me disait toujours : «ce genre de joueur a toute son intelligence dans les pieds, faut pas lui en demander trop». Merci papa, tu avais raison…
Un derby romain, c’est chaud, très chaud, bien entendu. Si le Stadio Olimpico était un stade à l’anglaise, peu de joueurs oseraient s’aventurer à tirer les corners ou effectuer les touches (bienheureuse piste d’athlétisme !)… Là, c’est la Lazio qui évoluait à domicile – Rocchi et les siens débutaient pied au plancher, galvanisés par un public tout en ferveur, et poussés autant par un besoin urgent de points (la barre fatidique n’est pas loin du tout !) que par l’envie de jouer un mauvais tour au voisin honni. Une Roma, soit dit en passant, totalement transparente en première mi-temps, absente, éteinte, probablement tétanisée par la pression et l’enjeu, pourtant d’une grande simplicité à dire : une victoire de Totti et ses coéquipiers était indispensable pour reprendre la tête et garder leur destin entre leurs pieds. Mais leur entame de match était catastrophique. Mauri, Ledesma et Brocchi monopolisaient le ballon au milieu, annihilant leurs adversaires directs, poussant la Roma dans les cordes dès l’entame. Kolarov courait partout et tentait des gestes lumineux – c’est lui qui transmettait en profondeur à Tommaso Rocchi au quart d’heure. Et l’emblématique capitaine de la Lazio ne se faisait pas prier pour ouvrir la marque dans un stade en délire, bien aidé il est vrai par le placement de junior d’un Burdisso totalement aux fraises sur cette action (et pas seulement, l’Argentin n’a pas été terrible dans ce derby, contrairement à son compère défenseur central, Juan, tout simplement impérial comme si souvent cette saison).

Mais peu à peu, lentement, la Lazio baissait pied (difficile de tenir ce rythme de malades) et permettait à la Roma de sortir un peu la tête de l’eau. Un peu, dis-je, tant la réaction des hommes de Claudio Ranieri était poussive, dans le genre d’un Stan Wawrinka mené 0-3 dans un tie-break. On atteignait la mi-temps sur ce score de 1-0, mais on se disait que la Roma avait, éventuellement, sur un malentendu, les moyens de faire mieux en seconde période. Et là, au retour des vestiaires, double coup de théâtre !
J’ai toujours cru que l’animal doté de la plus imposante paire de testicules est le taureau, ou la baleine bleue, en fait je ne sais pas trop. Mais non. Le mammifère doté de la plus grosse paire de couilles, c’est Claudio Ranieri, je l’ai appris dimanche soir et jamais je ne laisserai qui que ce soit mettre en doute ce qu’il convient désormais d’appeler une certitude scientifique. Le gourou de l’AS Roma a transformé en triomphe du coaching ce qui aurait pu être la cause de son lynchage par toute la «Curva Sud», le virage des ultras de la Roma. Sortir Totti ET De Rossi à la mi-temps, je m’excuse cher lecteur, mais il faut une sacrée paire de «cojones» pour oser faire ça, qui plus est dans un derby. «Ils étaient nerveux», dira-t-il ensuite de son air patibulaire. Soit. Mais rien ne pouvait laisser présager que leurs remplaçants, Taddei et surtout Ménez, allaient autant briller. Le Français, particulièrement, a été exceptionnel. Inspiré, actif, disponible, déséquilibrant, provocateur, il a peut-être été le meilleur sur le terrain, avec le gardien Julio Sergio et avec Mirko Vucinic. Julio Sergio, parce que sur le 1-0 pour la Lazio, il a stoppé un penalty, il est vrai tiré de manière pathétique par un Floccari qui aurait bien préféré être ailleurs, sur ce coup. Et Vucinic, parce que tout simplement, il a joué une deuxième mi-temps de classe mondiale. Si la Roma gagne le titre, il aura une statue géante en plein milieu de la Curva Sud.
Un doublé dans un derby, ça n’arrive pas tous les jours. Bon, à l’époque du dernier titre romain, Montella en avait refilé 4 à Nesta et sa Lazio (dont 3 de la tête !), à tel point que l’immense défenseur avait refusé de retourner sur le terrain en 2e mi-temps, écoeuré. L’été suivant, il partait pour Milan… Là, ce qu’a fait Vucinic est certes moins impressionnant, mais tout de même, ça a de la gueule. Un penalty (provoqué par Taddei) transformé proprement, puis un missile sur coup franc direct, 10 minutes plus tard. Un coup franc, disons-le franchement, qui doit aussi beaucoup à Ranieri, tant le mur laziale a été bluffé par le placement de deux trublions «giallorossi» venus faire écran dans l’angle ouvert avant de s’écarter au dernier moment, forçant une partie du mur à venir boucher in extremis ce qu’elle croyait être la trajectoire du tir du Monténégrin. Mais celui-ci expédiait un boulet dans le trou créé dans le mur, sous la barre. Le gardien de la Lazio se la jouait Joconde – pétrifié, immobile, seul son regard a bougé. Ça avait tellement l’air d’être mis en scène que si ce n’était pas répété à l’entraînement, je me coupe une couille et je l’envoie à Ranieri pour qu’il se marre un bon coup en la comparant aux siennes…

Les Romains ont gagné 2-1, et repris la tête du classement, malgré un après-match navrant et stupide comme indiqué plus haut (mais de la part des deux équipes et de certains Prix Nobel de Connerie présents dans les deux camps de supporters). Mais surtout, la Roma a gagné sans enthousiasmer sur ce match, loin s’en faut, même si elle est clairement supérieure à la Lazio de cette saison, pourtant volontaire et généreuse dans l’effort. Ça ressemble furieusement à la réussite du champion, on verra bien si la tendance perdure jusqu’au bout. Quoiqu’il en soit, c’était la 24ème rencontre consécutive sans défaite pour Vucinic et cie…
Donc, le titre se décidera entre la Roma et l’Inter. Ou entre l’Inter et la Roma. Il reste 4 journées de Serie A – sans confrontation directe, ça va se jouer à distance. Par contre, la Coupe d’Italie non. Mercredi et malgré une défaite 1-0 à Udine au match retour, la Roma a obtenu son billet pour la finale, et le droit de se mesurer – ô surprise – à l’Inter, qui avait battu la Fiorentina la semaine passée. C’est l’affiche classique de la finale ces derniers temps : ces deux clubs se sont affrontés 4 fois lors des 5 dernières éditions (2 victoires chacun). L’avantage psychologique, pour autant qu’il puisse y en avoir un, va peut-être à la Roma : en tête du championnat, les Giallorossi détiennent aussi (avec la Juve) le record de victoires en Coupe, avec neuf trophées. Mais de l’autre côté, l’Inter aura soif de revanche (elle a perdu ses deux dernières finales contre la Roma) et voudra rétablir un certain sens de la hiérarchie. Et depuis qu’ils ont rossé le Barça avec la manière en Champions League (rien que ça !), probablement se sentent-ils pousser des ailes…

Écrit par Gian Del Mulo

Commentaires Facebook

4 Commentaires

  1. Excellent!
     » je me coupe une couille et je l’envoie à Ranieri pour qu’il se marre un bon coup en la comparant aux siennes… « , j’adore,lol!

  2. J’étais au match et effectivement le comportement des supporters est absolument navrant!

    En même temps absolument personne ne fait rien, la police ne fais que réagir quand les « supporters » se mettent sur la gueule, pas de fouille à l’entrée, la sortie du stade bouchée par des voitures parquées n’importe ou et en fin de compte uniquement 7(je crois) malheureuses arrestations à la fin du match… pathétique !

    J’ai vu pas mal de match à travers l’Europe, je ne regretterai pas celui-là, mais franchement je n’étais pas tranquille…

    Une chose encore ma surpris, ambiance incroyable 2h avant le match, puis au coup d’envoi, plus rien à part des sifflets… durant pratiquement toute la première mi-temps

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.